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Mise en bouche - Par Philippe Djian et Jean-Philippe Peyraud - Editions Futuropolis

Par Patrice Gentilhomme le 29 juin 2008                      Lien  
Le père de Lili et son institutrice se retrouvent mêlés à une prise d’otages dans l’école maternelle de la fillette. Un fait divers violent et brûlant qui tourne au drame intimiste.

L’intrigue recycle un fait divers réel : un forcené déjanté et dérisoire appelé Human Bomb (dit H.B.) prend en otages plusieurs bambins d’une école de Neuilly sur Seine. L’homme, muni d’une ceinture d’explosifs, menace de tout faire sauter si on ne lui fournit pas une rançon et un passage au journal télévisé. L’affaire se terminera par « l’exécution » » du terroriste par les troupes du G.I.G.N.. L’évènement défraye la chronique de ce printemps 1993 et suscite l’admiration des téléspectateurs pour la courageuse institutrice et la grande maîtrise du jeune et médiatique maire de la commune un certain…Nicolas Sarkozy. !

À sa lecture, Jean Philippe Peyraud a tout de suite eu envie d’adapter la nouvelle de Philippe Djian parue en 2003, dix ans après les faits, dans le magazine les Inrockuptibles. Si la situation provoque suspense et tension, l’intrigue nous emmènera ailleurs. On constate très vite que se nouent d’autres enjeux pour les deux principaux protagonistes de cette histoire insolite : le papa et la maîtresse d’école ! Rien n’est vraiment simple entre ces deux personnages contraints à survivre ensemble dans un huis clos oppressant, intime et très exposé.
Et si cette prise d’otage était pour eux le moyen de se libérer du poids des certitudes et de l’emprise de préjugés tenaces et enfouis au fond d’eux-mêmes ?

Carole, l’institutrice tout juste « larguée » par son ex est remplie d’aigreur et de rancœur (tous des salauds !). Meurtrie et blessée la jeune femme cherche à se poser, réfléchir, voudrait se donner du temps, et refuse donc de suivre le père de Lili, fou amoureux de la maîtresse de sa fille dans une autre aventure.

Réunis malgré eux, ces deux-là se retrouvent « coincés » dans une promiscuité écrasante et absurde d’où chacun va tenter de sortir, de s’échapper. Plus que du terroriste, les deux héros sont donc otages de leurs envies, de leurs frustrations, de leurs fantasmes, de leurs propres contradictions.

Aux antipodes du polar haletant façon Un après midi de chien, le film de Sydney Lumet, Djian et Peyraud nous entrainent bien au-delà d’un simple mélo désespéré et un peu vain, mais plutôt dans un voyage au cœur des frustrations et de l’incommunicabilité entre deux êtres un peu cassés par des vies bien ordinaires.

Le graphisme « moderne » de Jean-Philippe Peyraud colle parfaitement à la trame de la nouvelle de Djian et facilite la pénétration dans la psychologie chamboulée de ces personnages, fatigués et paumés mais finalement proches et très vrais.

La mise en page et le montage restituent fidèlement les silences et les attentes présentes dans le texte de Djian, et en soulignent le côté littéraire de manière beaucoup plus convaincante que certaines adaptations un peu laborieuses disponibles en ce moment dans les bacs.

La grande maîtrise des couleurs de cet auteur confirmé nous installe dans une ambiance caractéristique, mélange d’intime et de promiscuité.
L’ensemble reste efficace et se lit comme un…roman !

Dans un entretien à dBD l’écrivain (au demeurant très amateur de BD) justifie son titre par une pirouette, une métaphore érotique, ! Les esthètes eux, noteront que l’expression est aussi très connue des amateurs de bons vin. Pas de doute c’est un bon cru !

(par Patrice Gentilhomme)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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