Imaginez une continuité de graphismes somptueux mettant en scène un mystérieux guerrier au visage crispé, juché sur un ptérodactyle géant. Le récit se dissipe sous l’ardeur du trait, le sens même s’évapore pour ne laisser qu’un précipité d’étrangeté, de beauté. Arzach, c’était un choc, distillé en histoires complètes dans Métal Hurlant, une des premières manifestations de ce que quelques jeunes clampins nommeront plus tard : « la bande dessinée de poésie ».
Cavanna, qui publia les premiers dessins de Moebius dans Hara Kiri, cria au fou, accusant Pilote d’avoir « fait du mal » à son auteur. Il corrige aussitôt : « Mais c’est si beau qu’en en oublie l’histoire, qu’on s’en fout de l’histoire ! »
De fait, comme l’écrit Moebius dans sa préface de 1976 : « Il n’y a aucune raison pour qu’une histoire soit comme une maison avec une porte pour entrer, des fenêtres pour regarder les arbres et une cheminée pour la fumée… On peut très bien imaginer une histoire en forme d’éléphant, de champ de blé, ou de flamme d’allumette soufrée » Cette manière-là, Moebius l’a cultivée depuis, de même que celle, quasi contemporaine, du Garage hermétique.
Récemment, la série Inside Moebius reprit le flambeau de ce « dessin automatique » qui joue dans le domaine du Neuvième Art le rôle des Champs magnétiques de Breton & Soupault dans la littérature. Nous avons salué ici dans une triple interview de l’auteur le caractère unique et fondamental de cette oeuvre. Et voici qu’après nous avoir annoncé son intention de mettre en œuvre un nouveau Blueberry, Jean Giraud nous annonce tout de go qu’il publiera en 2009 un nouvel Arzach sous le label de sa propre maison d’édition, Stardom/Moebius production ! « J’en ai déjà dessiné quarante pages », nous dit-il, non sans souligner que cette histoire sera cette fois non pas muette, mais dialoguée : « Ce sera une sorte de Blueberry mâtiné d’Heroïc Fantasy », sans que l’on sache si c’est dit en plaisantant.
En attendant cette édition prometteuse, on pourra lire les cinq tomes d’ Inside Moebius (le 5ème sort en novembre), son fascinant Chasseur déprime, les dernières aventures du Major Fatal (paru en octobre) tandis qu’en janvier, la réédition de l’étonnant 40 days dans le désert B sortira pour Angoulême. Des ouvrages tirés à 4.000 exemplaires qui seront d’inévitables collectors.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Lire une récente interview de Moebius en trois actes : première partie, seconde partie et troisième partie.
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