Ohio, Amérique profonde. Ses campagnes boisées et ses lycées tranquilles. Derf remarque à côté de sa table le taciturne Jeffrey, toujours seul, souvent muet. Et qui s’intéresse à des sujets effrayants : les animaux morts. Avec expériences à la clé.
Petit à petit, Derf et ses amis se rapprochent de Jeff Dahmer, notamment en remarquant ses dons d’imitateur. Pas n’importe lesquels : les déséquilibrés psychiatriques. Pathétique popularité perverse qui les pousse même à créer un fan club... Les années passent, et Dahmer ne change guère, toujours relégué au rôle de comique dérangeant, sorte de marionnette géante à usage événementiel. Mais avec la séparation très douloureuse de ses parents et son naufrage dans l’alcoolisme, Jeff devient plus effrayant et pitoyable qu’autre chose. Et l’université arrive, là ou chacun se sépare...
Remarquable enquête (seuls les noms ont été changés) où Backderf a non seulement puisé dans ses souvenirs, mais a aussi retrouvé les témoins de ces années-là, Mon ami Dahmer a tout d’un futur classique, un incontournable, un album qu’on place immédiatement dans les indispensables de sa bédéthèque.
Le trait de Backderf, avec ses rondeurs crumbiennes fait ressortir les contradictions du monde adolescent : amitié, cruauté, fascinations, combats de coq...
Chacun est menacé par l’attribution d’un rôle inamovible. La déprime de Dahmer, ses angoisses, ses pulsions, ses états de souffrance explosent de noirceur dans les dessins de Backderf. Minutieusement reconstitué, l’itinéraire du tueur s’arrête au premier crime, quand Dahmer entre à l’université.
Mais l’auteur livre dans un volumineux appendice tous les éléments qui étayent son enquête, de même qu’il évoque la suite tragique de son abominable dérive criminelle.
Un bon sujet, un récit poignant, une enquête fouillée : foncez !
(par David TAUGIS)
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