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Mon cousin dans la mort - François Duprat, Denis Bernatets - Editions petit à petit

Par Nicolas Fréret le 9 avril 2004                      Lien  
Au début des années 60, l'arrivée d'Algérie d'un petit garçon, dans un village d'apparence tranquille du Sud Ouest de la France, va semer le trouble et raviver des souvenirs encore douloureux parmi la population. Une histoire de morts et d'enfants joliment racontée par François Duprat.

Lucien est un petit garçon naïf, binoclard bien élevé, sans problème et sans trop de souffrances. Gaspard, son grand-père, vient de mourir. Il l’aimait sûrement, oui, mais il ne ressent pas la même tristesse que les autres membres de sa famille. Alors que le cercueil plonge dans le caveau familial, il ne saisit pas la gravité du moment. Lui n’a qu’une hâte, aller soulager sa pressante envie de faire pipi. Il tombe alors sur Lili, fillette bizarre et solitaire qui ne parle qu’aux morts et à sa poupée. A la bonne heure, Lucien prendra ainsi des nouvelles de son aïeul disparu. Arrive dans le village un p’tit nouveau, Maurice, rapatrié d’Algérie par ses parents. L’étranger ne va pas tarder à s’imposer dans la cour de récréation et jeter l’opprobre sur Lili, la différente. Un vrai dilemme pour Lucien.

« Mon cousin dans la mort » n’est pas, comme on pourrait le supposer au premier abord, une bande dessinée pour les enfants. C’est une BD sur les enfants. Sur l’innocence et la méchanceté sans vergogne de bambins à qui on donnerait le bon Dieu sans confession. Sur leurs spontanéités surprenantes. Sur leurs difficultés de communication avec le monde adulte, les rapports hiérarchiques entre mômes et les influences qui en découlent. Le comportement intolérable ici décrit, colle, a priori, à une certaine réalité de la nature des enfants entre eux. Les scènes de violence psychologique mises sous les projecteurs n’ont probablement rien d’exceptionnel. Hier comme aujourd’hui, les petits ne sont mignons que sous le regard de leurs parents. Et encore !

François Duprat, se sort à merveille d’un exercice périlleux : nous projeter, au travers des « culottes courtes », dans le quotidien d’un village meurtri par la guerre d’Algérie et toutes les tragédies afférentes, enfouies sous silence. La barbarie émerge d’où on ne l’attend pas, de la cour d’école. Elle migre là où elle échoue le plus souvent, au cimetière.

Un album certes dur mais sensible et émouvant. Duprat semble tout particulièrement inspiré par les têtes blondes, brunes et rousses [1] qu’il dessine avec semi-réalisme et tendresse. Difficile de rester de marbre face aux petites billes dessinées à la place des yeux marquant ainsi la fragilité ou l’incompréhension des plus faibles. Le rendu est incroyablement expressif. Toutes les mimiques y passent, de l’explosion de joie à la tristesse torrentielle, de l’incrédulité à la malice en passant par la haine toutes dents dehors.

On n’oubliera pas les petites touches d’humour jaune, la cascade de claques étant du meilleur effet en l’occurrence. Petit à petit a bien fait de rééditer ce one shot de 62 planches, initialement publié en noir et blanc et laissé cette fois à la palette de couleur de Denis Bernatets. Cette bande dessinée a du sens, elle se lit sans la moindre difficulté et se conseille à tous.

(par Nicolas Fréret)

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[1On lira très bientôt les dernières bêtises de « Léo Cassebonbons », toujours aux éditions Petit à Petit, et à la rentrée prochaine, le deuxième tome de « L’année du Dragon », tribulations de Franck, animateur de centre aéré, édité chez Carabas en collaboration étroite avec sa complice, la très douée et prometteuse Vanyda ("L’immeuble d’en face").

 
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