C’était un journaliste à l’ancienne, flamboyant, intelligent, doté d’un sens de la synthèse si nécessaire en ces temps d’intense production éditoriale. Il savait se mettre dans la position de ses lecteurs qui étaient nombreux puisqu’il était le titulaire de la rubrique Médias du grand quotidien national Le Monde, où il ferraillait depuis 20 ans auprès de sa rédaction pour obtenir la plus grande place possible pour la bande dessinée dans « Le Monde des livres » et dans les pages du quotidien. Il n’y parvenait pas à tous les coups, mais souvent, et toujours avec brio.
Bon vivant, rebelle, il a été emporté par la grande faucheuse ce 31 décembre 2010 à l’âge de 56 ans, on l’espère, un verre de champagne à la main. C’était un bon camarade et un grand journaliste, courtisé parce que puissant, détesté parfois, pour la même raison. On se souvient des saillies de Lewis Trondheim contre les journalistes et de son très frais « Le Monde », c’est caca. ».
Yves-Marie Labé était en réalité un homme toujours simple et solidaire qui aimait la bande dessinée et qui lui a rendu de grands services en lui assurant une présence régulière dans un quotidien de référence.
Il avait été un des fondateurs et des membres les plus actifs de l’Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée (ACBD). Sa position donnait beaucoup de poids à cette association que nos lecteurs connaissent grâce à la publication chaque année du Rapport Ratier sur la production de la BD francophone.
Yves-Marie Labé, né en 1954, avait obtenu une maîtrise de lettres modernes à Lille, avant de se retrouver dans le parcours classique Sciences-Politiques et CFJ qui mène à la carrière de journaliste. Originaire de Bretagne, il avait commencé à publier dans Ouest-France. Il était devenu depuis quelques mois chef-adjoint du service pour les opérations spéciales du Monde.
Nous avions souvent croisé ce personnage costaud et jovial lors de toutes les grandes circonstances de la bande dessinée en France depuis vingt ans. J’avais récemment passé avec lui un agréable après-midi d’été sur une terrasse face au Père-Lachaise à Paris. Il avait le souffle court mais l’œil toujours brillant et la verve au bout des lèvres. On parlait de vacances, de sa famille, et de cette lourde opération au cœur qui l’obligeait à lever le pied au sein du journal pour quelques temps. Mais il ne lâchait pas la BD pour autant : le 3 décembre dernier, il était au 1er Salon des auteurs de BD africains à Paris, où il avait fait pour son journal l’interview de <B>Bienvenu Mbutu Mondondo, l’homme qui a porté plainte contre Tintin au Congo, un de ses derniers papiers d’importance.
ActuaBD salue cet élégant spadassin de la bande dessinée et adresse à sa famille ses plus sincères condoléances.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Yves-Marie Labé par Laurent Mélikian.
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