Moyasimon, c’est tout bonnement l’une des idées les plus improbables en matière de manga depuis un bon moment. Et pourtant le manga donne couramment dans le scénario improbable...
Tadayasu quitte sa famille et son village natal pour Tokyo et l’université agricole. Mais il ne s’agit pas d’un étudiant ordinaire : il possède un don que seul son ami d’enfance, Kei Yuki, connaît et qui, sitôt les deux compères installés, suscite de nombreuses convoitises : Tadayasu peut voir les micro-organismes à l’œil nu, les décrire, et même dialoguer avec eux !
Intégrant l’équipe du professeur Itsuki, dont les recherches en agronomie visent des applications en biosphérisation -autre nom de la terraformation- notre héros en vient rapidement à identifier microbes, moisissures et bactéries tout en se confrontant à divers processus de fermentation appliqués à la confection de plats et de boissons.
Masayuki Ishikawa pourrait sembler emprunter à plusieurs phénomènes mangas récents. On pense d’abord aux mangas de Hiromu Arakawa, qu’il s’agisse de Silver Spoon, qui situe son action dans un lycée agricole, ou de Nobles paysans, manga comique sur la ruralité. On songe aussi à HE de Boichi, manga ayant l’écologie pour sujet, dont le héros pouvait voir les flux des énergies.
Mais si ce titre arrive après ces derniers en France, historiquement, il les précède au Japon, Moyasimon ayant débuté en 2005 quand les mangas évoqués datent, eux, de 2009 (Nobles paysans), 2011 (Silver Spoon) et 2012 (HE). Masayuki Ishikawa était donc précurseur ! Surtout, les petits êtres qu’il met en scène, par la poésie légère qu’ils dégagent, évoquent plutôt ceux de Hayao Miyazaki.
Mais Moyasimon se situe bien au-delà de ces ressemblances de surface. Extrêmement drôle, ce manga se paye le luxe d’être très technique et bien renseigné dans le domaine qu’il s’est choisi, témoignant d’un effort didactique de tous les instants afin de faire passer son propos auprès du lecteur.
Concédons toutefois qu’il faut parfois se montrer très attentif dans la présentation de certains phénomènes chimiques que les moins scientifiques d’entre nous ne manqueront pas de trouver très “exotiques”. Mais les fous rires provoqués par la découvertes des expériences -le plus souvent des plats fermentés- auxquelles le professeur Itsuki soumet ses étudiants constitue une digne récompense à l’effort consenti.
Par ailleurs, la galerie de personnages constituée au cours de ce premier tome se révèle particulièrement réussie. Du héros à l’ami d’enfance, en passant par le professeur loufoque, l’assistante destroy et les losers qui tentent de distiller du saké en douce dans un coin de l’université..., tout fonctionne assez merveilleusement.
Enfin, Moyasimon est aussi très mignon. La représentation des bactéries et de leur action, de leur vie, nous apparaît comme une véritable trouvaille. On se régale littéralement à les découvrir de page et page, à lire leurs descriptions, véritables caractérisations, finalement tout aussi sensibles que scientifiques. Tout cela confère une forme de féerie à l’univers créé.
Indéniablement, ce titre est l’une des très bonnes surprises de la rentrée pour laquelle Glénat se fend d’une édition soignée comme en témoigne la très jolie jaquette de l’ouvrage.
(par Aurélien Pigeat)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Moyasimon T1, par Masayuki Ishikawa. Traduction Anne-Sophie Thévenon. Glénat Manga, collection "seinen". Sortie le 1er octobre 2014. 224 pages. 9,15 euros.