Nous vous avions été les premiers à vous présenter avant tout le monde les premières photos du musée de la Bande Dessinée à Angoulême, ainsi que le logo de la Cité internationale de la bande dessinée conçu par Étienne Robial. Le Musée angoumoisin ouvrira ses portes le 20 juin prochain. Nous y reviendrons.
Le Musée Hergé, quant à lui, a ouvert ses portes le 2 juin dernier. Nous en avons largement parlé dans nos pages.
Nous y reviendrons aussi.
Le moment est venu de faire un bref comparatif des deux projets.
Les projets
Le Musée Hergé est un magnifique bâtiment créé par Christian de Portzamparc, un « geste architectural » unique en hommage à l’œuvre du maître bruxellois : « Le musée Hergé est un prisme allongé qui semble flotter dans la forêt de vieux arbres. Au-dessous la route serpente. Et depuis le quai, une passerelle est tendue comme vers un bateau, dit Portzamparc, […] Sommes-nous entré dans un dessin ? Le trait d’Hergé sera notre ligne. Parfois agrandi, projeté. Nous sommes dedans. » C’est surtout un musée monographique sur plusieurs étages et huit salles organisées autour d’un ascenceur, consacré au seul auteur de Tintin.
Le Musée de la Bande Dessinée d’Angoulême est une réhabilitation d’un ancien chais à vin. Le bâtiment est spacieux et agréable en un seul tenant conçu par l’architecte Jean-François Bodin : « Cette espace propose une disposition en arabesque qui suit l’histoire de la bande dessinée et ses figures majeures, mais aussi sa logique profonde, explique Bodin : pour immédiat que soit son charme, la bande dessinée n’en est pas moins un langage d’une sophistication parfois étourdissante. C’est cette diversité et cette richesse qu’il faut « expliquer », c’est à dire déplier… » Une belle ballade dans un patrimoine qui embrasse, mais pas seulement, la bande dessinée européenne, américaine et japonaise.
L’un et l’autre offrent des espaces agréables, aux couleurs reposantes, et une vraie générosité : celle de défendre et d’illustrer le 9ème art. L’un et l’autre sont ce que l’on peut appeler, sans que ce soit méprisant, des « musées de province » qui doivent aller chercher leur public au-delà de leur bassin de population immédiat. Ils ont l’un et l’autre une vocation internationale.
Les investissements
D’une superficie de 3.600 m², le musée Hergé est un musée privé. Son budget de construction est estimé à 15 millions d’euros. La Région wallonne devrait en financer une partie : de 1,5 à 2 millions d’euros, en plus de l’aménagement des infrastructures routières alentours.
De son côté, le chantier du musée de la bande dessinée d’Angoulême, musée national d’une surface de 4.068 m², a coûté de l’ordre 9,650 millions d’euros. [1]
Les enjeux
On sent bien que nous sommes dans deux logiques très différentes. Entreprise privée, le musée Hergé s’est fixé comme objectif d’attirer, selon son directeur Laurent de Froberville, 200.000 visiteurs par an.
Quand on parle de la question des objectifs de visite à Gilles Ciment, le directeur général de la Cité internationale de l’image, responsable du projet muséal, l’œil s’arrondit, comme si la question était incongrue. L’objectif premier est un service public : la conservation du patrimoine national. S’il fallait se fixer un objectif, ce serait 50.000 visiteurs par an, hors festival.
Si la conservation patrimoniale est aussi de mise au musée Hergé, l’objectif est avant tout de recouvrir ses investissements. Ce qui explique pourquoi le prix d’entrée de base (plein tarif) du musée Hergé est de 9,50 euros contre 4,00 euros pour le musée angoumoisin.
Dans les deux cas, nous sommes face à un pari audacieux. Toute polémique mise à part, l’œuvre du Bruxellois est-elle suffisamment forte et universelle pour faire vivre un musée toute l’année ? Au-delà de cela, alors même que cela se pose comme une évidence, la bande dessinée a-t-elle sa légitimité au musée ?
Le musée Hergé se situe à 30 kilomètres d’une capitale européenne qui attire de nombreux touristes, avec un parc hôtelier largement adapté. Le musée Magritte à Bruxelles se fixe un objectif de 600.000 visiteurs par an. L’Atomium, dont nous vous reparlerons prochainement, accueille 90.000 visiteurs par mois.
Le musée charentais dispose d’une vitrine exceptionnelle : Le Festival International de la Bande Dessinée qui attire, dit-on, près de 200.000 visiteurs sur quatre jours. Une « fenêtre » qui donnera envie aux festivaliers de revenir en été et de profiter, outre du musée, des agréables atours de la région. Elle est située en outre au cœur d’une « Vallée des images » dont on imagine bien les connections avec ce musée national.
Encore une fois, nous sommes dans un moment exceptionnel de reconnaissance de la bande dessinée. Même si les deux projets ont des progrès à faire (intentions muséographiques encore perfectibles et une offre en direction des enfants qui doit être améliorée), on constatera un investissement lourd dans la promotion du neuvième art, ce qui dénote pour le moins, d’une foi inébranlable en son avenir dont il y a peu d’exemples ailleurs dans le monde.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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[1] Financés à concurrence de 3,860 millions d’euros par L’Europe par l’intermédiaire des fonds FEDER, 1,6 millions par l’état français, 1,6 millions par la Région Poitou-Charentes et 2,4 millions par le syndicat mixte du pôle image Magelis.
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