Patrick McDonnell est un auteur américain encore relativement méconnu en France [1]. Spécialiste de son illustre prédécesseur George Herriman, défenseur de la cause animale, il est surtout connu outre-Atlantique pour ses publications dans sept-cent quotidiens. Son strip Mutts (« cabots » en anglais) a cependant déjà été publié en France, il y a quelques années, chez Les Humanoïdes associés. Mais c’est la première fois qu’un éditeur – Les Rêveurs en l’occurrence – permet au public francophone de lire ses strips du dimanche tout en couleurs.
Créé en 1994, Mutts met en scène un chien – Earl – et un chat – Mooch – ainsi que leurs maîtres respectifs et leurs comparses à poils et à plumes. Avec ses dessins quotidiens, Patrick McDonnell s’inscrit dans la tradition essentiellement américaine du strip, que la presse continue de publier et de diffuser à grande échelle. Et prendre la suite de Krazy Kat de George Herriman, des Peanuts de Charles M. Schulz ou de Calvin et Hobbes de Bill Watterson n’est pas une mince affaire.
Les bandes de Patrick McDonnell n’ont effectivement pas la profondeur philosophique ni la dimension iconique des précédents. Mais elles possèdent leurs propres qualités et une vraie personnalité. Loin du tumulte de l’actualité, des modes et des lubies technologiques, Mutts offre un espace de paix, de tranquillité et de poésie à son lecteur. Datant des années 1999 et 2000, ces Dimanches Matin sont atemporels. McDonnell compose des gags simples, entraînant le sourire davantage que le rire, mais jamais lourds ou plats.
C’est surtout son inventivité graphique qui est admirable. Son trait fin et ses contraintes de publications n’empêchent pas l’innovation. Certains strips sont à lire verticalement tandis que d’autres voient leur mise en page déstructurée : difficile de trouver deux strips conçus de manière totalement identique. Il faut d’ailleurs souligner le travail des Rêveurs, de Marc Voline (pour la traduction) et de Manu Larcenet (auteur de la conception graphique de l’ouvrage) dans la mise en valeur du graphisme et des couleurs de Patrick McDonnell. Le livre, par son format à l’italienne, respecte un rythme de lecture approprié pour un strip. Les couleurs sont élégantes et subtiles – sauf peut-être pour cet orangé en couverture.
Nous retrouvons, avant chaque strip, les dessins rendant hommage à des œuvres de peintres, dessinateurs, musiciens et réalisateurs. C’est là aussi l’occasion pour McDonnell de prouver sa virtuosité. Celle-ci lui a justement valu de nombreuses récompenses, dont le Prix Harvey du meilleur comic strip, reçu à plusieurs reprises au cours des années 2000.
Les Rêveurs prévoient de poursuivre la publication de Mutts en 2017 et 2018, composant un triptyque destiné à mieux faire connaître l’œuvre de Patrick McDonnell. Cette publication vient également compléter, certes de façon plus modeste, celle de Krazy Kat, déjà fort bien mise à l’honneur par Les Rêveurs.
Mutts n’aura peut-être pas la même postérité que les Peanuts ou que Calvin et Hobbes. Mais ce strip plaira pour son inventivité graphique et son regard tendre sur le monde – en particulier sur le monde animal. Un strip à lire idéalement, pour se reposer ou se rafraîchir les idées… un dimanche matin.
Voir en ligne : Le site de l’auteur
(par Frédéric HOJLO)
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