Il s’agit à la base, dans sa version originale d’une mini-série Vertigo, publiée sous la forme de trois comics standard.
Nous sommes devant l’une des premières collaborations dans le domaine du comics d’un tandem écossais fort remarqué depuis : Messieurs Grant Morrison à l’écriture, et Frank Quitely au dessin. Ensemble, nos deux auteurs avaient déjà signé la mini-série Flex Mentallo, issue de la remarquable série Doom Patrol (toujours inédite en France, même si Morrison y travailla prés de trois ans), et que les Américains viennent de reprendre en album après une longue bataille juridique.
Ironiquement, Flex Mentallo est en fait issu des méthodes de musculation rapide de Charles Atlas, et les lecteurs de comics des années soixante se rappellent sans doute de leurs publicités en forme de BD publiées dans quasiment tous les publications de l’époque : un gringalet se fait molester à la plage par le butor de service et, grâce à la méthode exclusive de Mister Atlas, il développe sans douleur une musculature d’athlète qui lui permet de mater la vilaine brute (et évidemment de séduire par la même occasion les jolies filles qui se bronzent à la plage !).
Le concept publicitaire n’était pas si éloigné que cela du concept super-héroïque de base, souvent basé sur la transformation miraculeuse d’un quidam, parfois mal inséré dans la société normale où il est plus frustré qu’épanoui. Il s’agissait aussi d’un travail sur la mémoire de ces publicités d’antan, qui à force de répétition ont fini par s’imprimer dans les esprits des lecteurs.
Un peu plus tard, Morrison et Quitely formèrent le duo de choc d’un redémarrage idéal de la série New X-Men. Imprimés et traduits par Panini dans un de ses mensuels, il s’agissait d’un passage inoubliable de la série, immédiatement accessible au commun des lecteurs non spécialistes en mutants.
Avec son arrivée sur la série, le scénariste-miracle démarrait une histoire qui ne demandait aucune connaissance préalable du surpeuplé et complexe univers mutant. La rupture est immédiate avec les intrigues alambiquées et parfois à l’eau de rose de Chris Claremont, Scott Lobdell et consorts.
Soyons sympa avec le lecteur pour une fois, histoire qu’il puisse prendre la série en route. C’est la première fois que l’on voit les costumes jaune et noir que porteront les acteurs de la première trilogie consacrée aux X-Men.
Avec son style inimitable, Quitely offrait un regard moderne et adapté à la vie urbaine de nos célèbres mutants. La série obtenant un vif succès, et Morrison étant un scénariste prolifique, la Marvel décida vite d’en doubler le rythme de parution (deux numéros par mois). Seul problème, mais de taille, Quitely ne peut soutenir la cadence, et il sera donc remplacé le temps de nombreux épisodes par d’autres dessinateurs au style affirmé (Ethan Van Sciver, Leinil Francis Yu, Igor Kordey).
Des ruptures graphiques que l’on peut à la limite mettre au crédit d’une politique éditoriale improvisée, mais qui n’entachent en rien l’intérêt de la trame narrative. Opportunément, Panini vient d’ailleurs de proposer une réédition brochée à prix modique de cette histoire, auparavant proposée dans la luxueuse et coûteuse collection Marvel Deluxe.
Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos trois protagonistes animaux : un chien, un chat, un lapin. Trois animaux de compagnie sympathiques, plus facilement utilisables dans une histoire qu’un poisson rouge ou un canari. Il s’agit de mammifères affectueux et attachants. Enlevés à leurs maîtres, ils ont été transformés en redoutables machines militaires. Ils portent des armures bourrées de technologie guerrière, et sont télécommandés par le biais d’électrodes implantées directement dans le cerveau. Bien plus efficace que les petits robots chargés d’examiner les bombes ou les colis suspects retrouvés par la police dans les lieux publics.
En dépit de la réussite brillante d’une mission, un sénateur estime que ces armes furtives sont dépassées. Il ordonne donc leur destruction, mais la femme qui a formé nos trois soldats animaux ne peut s’y résoudre. Elle les libère donc, dans une inoubliable séquence retransmise par quatre caméras de vidéo-surveillance. L’armée va mettre les grands moyens pour essayer de les récupérer.
Grant Morrison avait auparavant donné la preuve de son intérêt pour la cause animale, dans la série Animal Man. En reprenant un super-héros de seconde zone tombé dans l’oubli, il l’avait profondément transformé, le transformant en étendard de l’écologie. Située au départ dans l’univers traditionnel de DC (Animal Man y rencontre même les membres de la prestigieuse JLA !), la série s’en éloigna avec le lancement officiel du label Vertigo.
Si les thèmes de la vivisection et des recherches scientifiques sur des cobayes de laboratoire y furent traités, celui de l’utilisation par l’armée d’animaux de compagnie transformés en redoutables agents d’infiltration n’y est pas abordé.
L’histoire présentée par Urban Comics fait partie des petits joyaux édités par Vertigo. Une précédente édition avait été présentée par Panini il y a quelques années, sous une forme tronquée. L’éditeur avait essayé de reformater l’histoire dans le format album franco-belge, mais du coup, il avait été obligé de rogner les marges du haut et du bas de chaque page. Il semblerait même qu’il ait « oublié » de publier certaines pages...
Urban Comics nous propose la version Deluxe de l’édition américaine qui comporte de nombreux suppléments, notamment des crayonnés et explications des deux auteurs sur leur travail. Un très joli objet dont la lecture ne laisse guère indifférent, et qui suscite bien des émotions.
La simplicité de l’intrigue va permettre des expérimentations sur le plan narratif, une des plus étonnantes étant le langage des trois animaux (basique, mi-informatique, mi-humain), même si l’on peut aussi s’étonner de la sophistication de la mise en page, les petites cases insérées dans les grandes venant contribuer à fournir un point de vue 3-D. Et le coté volontairement gore des scènes de violence vient contrebalancer le sentimentalisme inévitable quand on évoque nos petits compagnons.
Frank Quitely a été récompensé en 2005 par l’Eisner Award du Meilleur dessinateur pour cet album
(par Michel DARTAY)
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"NOU3" - Par Morrison & Quitely - Urban Comics
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