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Notes, T7 : Formicapunk - Par Boulet - Delcourt

Par Charles-Louis Detournay le 5 janvier 2013                      Lien  
Surréaliste du quotidien, analyste de nos rêves d'enfants, explorateur d'univers parallèles, Boulet continue de nous émerveiller, de nous faire voyager dans son imaginaire extrêmement drôle. Un must au sein d'une production actuelle en manque de relief.

Pour ceux qui ne seraient pas encore entrés dans la dimension Boulet, sachez que cet auteur a réalisé différentes séries dont deux épisodes de Donjon Zénith, avec ses compères Sfar & Trondheim. Il a écrit divers scénarios, dont La Page blanche pour Pénélope Bagieu. Il est également l’auteur de Raghnarok chez Glénat et est réputé pour ses Notes, tirées d’un blog qu’il tient depuis 2004.

« Je fonctionne par période, nous a-t-il expliqué. Après une partie de ma vie consacrée à la jeunesse (j’ai animé quatre séries dans Tchô), je me suis mis à dessiner sur le Net, pour mon propre blog et pour Chicou-Chicou. C’est cette activité qui focalise mon attention actuellement, car cela me demande pas mal de travail de reprendre toutes ces Notes et de les mettre en page. »

Ce septième tome regroupe donc les chroniques parues sur son site entre juillet 2010 et juillet 2011. Une fois de plus, les thématiques abordées sont très diversifiées : de ses mésaventures quotidiennes d’auteur à des voyages intersidéraux dignes de Calvin & Hobbes. On retrouvera certains propos récurrents, comme celui des univers parallèles, véritables réflexions introspectives.

« Dans les faits, on remarque que je suis effectivement centré périodiquement sur différentes thématiques, reprend l’auteur. Mais cela se fait de manière inconsciente et je ne m’en rends compte que par après, en remettant de l’ordre dans tout cela, pour les albums. »

Notes, T7 : Formicapunk - Par Boulet - Delcourt

Boulet : Prix Nobel ?

Le grand attrait de ces Notes est de brasser certains propos quotidiens très terre-à-terre (comment virer les parasites de son compte Facebook ?), alors qu’à la page suivante, on évoque la création de l’univers ou on aborde une métaphysique sur le temps qui passe. Certains sujets sont évoqués de manière très pointue, mais de façon vulgarisée afin que le quidam puisse suivre le cheminement de la réflexion. On pouvait d’ailleurs se demander si Boulet n’aurait pas fait des études d’ingénieur...

« Je n’ai pas fait d’études scientifiques, car dans notre système éducatif français, on ne pouvait retrouver le dessin et les sciences dans le même cursus. On ne pouvait donc pas aimer le dessin et la physique ou la biologie, on se devait d’aimer le dessin et les livres. J’ai donc choisi le dessin, mais c’est vrai que j’aurais aimé me consacrer aux sciences, ainsi qu’on me l’avait recommandé. Bien entendu, cela rejoint toujours un intérêt personnel, et un intérêt narratif, car cela permet d’aborder tout un univers de science-fiction, véritable terreau pour raconter des histoires imaginaires. La réalité dépasse d’ailleurs de loin la fiction, tellement grande est la richesse de la science. »

Qu’elles soient scientifiques, décalées, ultra-réelles ou surréalistes, ses saynètes débordent surtout d’un humour omniprésent, ce qui rend ses Notes aussi drôles qu’instructives. On s’identifie nettement dans les pensées développées, sans que la lecture de ces 185 pages ne soit jamais lassante. L’alternance des techniques graphiques employées permet également de dévorer de bout en bout chaque album, même s’il est conseillé de s’en payer une bonne tranche de temps en temps, afin de pouvoir le faire durer le plus longtemps possible.

« Mon dessin est induit par le contenu de la planche, continue à expliquer Boulet. En fonction de ce que je raconte, je vais donc changer de style, même si je me suis un peu lassé des expérimentations à tout-va. Je garde donc quelques techniques que j’alterne, dont le dessin au trait avec de l’aquarelle, ainsi que la tablette graphique ou du Pixel art. C’est vrai que je change de style surtout pour éviter de me lasser. Mais cela dépend aussi du cadre : il y a peu d’intérêt d’utiliser l’aquarelle pour une scène de discussion intérieure, ce qui ne sera pas le cas pour un beau paysage extérieur. »

Les Notes n’ont été autobiographiques que dans le premier tome

« Je m’éloigne de plus en plus du personnage que je mets en scène dans mes Notes, explique Boulet. Dans le même temps, il est compliqué de faire vivre un personnage qui n’emprunte pas quelques caractéristiques à son auteur, défauts ou qualités. Au début, il est vrai que je parlais à la première personne, car le premier tome était largement autobiographique. Le blog servait plus de réseau social, comme Facebook actuellement. Lorsque j’avais 400 lecteurs, dont une centaine que je connaissais personnellement, j’écrivais vraiment pour mes amis, pour exprimer ce que j’avais vécu en festivals, etc. »

Et de continuer : « Dès que le blog a pris de l’importance lors de la première année, je me suis détaché de la biographie pour la fiction. La dernière partie réellement autobiographique se retrouve dans les carnets de voyage du tome 2, car c’était un exercice que je n’avais pas encore expérimenté et qui m’attirait. Puis, le personnage a bien gardé mon nom, ma tête et certains de mes traits de caractère, mais c’est plus un acteur qui monte sur scène, comme un one-man show dont on perçoit le décalage entre réalité et volonté de divertir. Puis, soyons honnête, si je ne devais dessiner que la vie réelle d’un dessinateur de BD à Paris ou en festival, cela n’intéresserait vraiment pas grand monde. »

Même si elles ne sont plus autobiographiques à 100%, notre quotidien, notre vécu et nos réflexions les plus courantes forment toujours le terreau de chaque note. C’est ce qui les rend si réalistes, même quand elles traitent d’extra-terrestres, des rêves, ou d’imaginaire.

« On résume souvent la bande dessinée à une histoire ou un dessin. Pour moi, ceux qui ont vraiment compris la bande dessinée sont des auteurs comme Scott McCloud ou ceux de l’Association, car le véritable liant est la narration. On peut livrer un récit passionnant de 300 pages sur un personnage qui a perdu ses chaussettes, alors qu’on peut raconter une belle fresque historique qui sera totalement inintéressante, même avec le plus beau des dessins. C’est donc cette narration que je veux travailler, car mes propos sur la vie d’un trentenaire parisien ne sont pas réellement innovants, et il y a beaucoup d’autres qui dessinent bien mieux que moi. Mais j’espère que ma façon de raconter génère cette empathie, car quand on parle aux gens, on désire juste les intéresser. »

Le succès jamais démenti de ces Notes est amplement mérité (le premier tome s’est déjà vendu à plus de quarante mille exemplaires). Le talent graphique et l’imaginaire de Boulet font toujours merveille, sans qu’aucun sentiment de répétition ne vienne gâcher la lecture. Vu le rapprochement entre la parution des Notes sur le blog, et l’édition de celles-ci en livre, ce rendez-vous devrait maintenant devenir annuel. Cette attente ne pourra donc que renforcer le plaisir de retrouver ce personnage auteur factice, dessiné par un réel auteur talentueux.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Lire les chroniques des Notes précédentes : tome 1, 2 et 5.

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