Autant l’avouer de suite, ce n’est malheureusement pas le cas. Nous le verrons dans les lignes suivantes, les choix opérés sont pour la plupart décevants.
Ce recueil débute évidemment avec le premier épisode de la série : Stan Lee et Jack Kirby nous présente donc en 1963 les étranges X-Men et leur condition mutante. [1] En soi, l’épisode est relativement sympathique à lire, notamment pour la découverte des pouvoirs des personnages principaux et l’ambiance juvénile qui se dégage du groupe.
Malheureusement, dès l’épisode suivant qui nous est proposé, les choses se gâtent... Afin de donner un aperçu précis de l’univers des mutants, l’éditeur a choisi de mettre en avant les sentinelles dans ce recueil. Pourquoi pas ? : ces robots géants tueurs de mutants qui symbolisent la peur et la haine des hommes sont de récurrents et puissants ennemis des X-Men, mais sont aussi des éléments importants dans le nouveau film de Bryan Singer. On ne comprend toutefois pas le choix ici opéré : pourquoi ne pas avoir proposé le premier épisode où elles apparaissent (un épisode qui a une dramaturgie intéressante) et présenter à la place leur retour dans les années 1970, sous la direction de Roy Thomas et Neal Adams ?
Personnages populaires et incontournables des X-Men obligent, l’anthologie nous fait le plaisir de présenter la naissance de la seconde équipe dans les années 1970 par Lee Wein et Dave Cockrum. Des personnages forts en évocation comme Wolverine, Tornade, Colossus ou bien encore Diablo prennent ici leur envol ; il s’agit là d’une bonne pioche pour le recueil dans sa démarche de présentation de cet univers.
La majeure partie de l’intérêt de ce recueil réside dans la sélection concernant les années 1980, une décennie où le scénariste Chris Claremont a fait de la série le succès populaire que l’on connaît. Parmi les multiples exemples d’histoires incontournables de l’époque, l’éditeur a choisi d’en retenir deux, qui ne sont pas des moindres. La première, Le Destin du phénix, est un événement fondateur dans l’histoire des Comics. Au début des années 1980, Chris Claremont et John Byrne dressent une terrible situation aux yeux des lecteurs : est-ce que Jean Grey a le droit de continuer à vivre après avoir pris, sous l’emprise du phénix, des milliards de vies dans l’espace ? Un épisode de très grande qualité marqué notamment par les sentiments des personnages qui l’habitent.
La seconde histoire incontournable du duo Claremont/Byrne qui nous est proposée est celle qui sert de base à l’adaptation du film éponyme : Days of Future Past. Dans un futur plus ou moins éloigné, les sentinelles auront pris le pouvoir et seront devenus indépendantes : outre massacrer et asservir les mutants dans des camps, elles ont presque totalement éradiqué les super-héros de la planète. Épuisés par ce tragique destin, les derniers mutants prennent une décision radicale : envoyer grâce au pouvoir télépathique de Rachel Grey-Summers (la fille de ce futur alternatif de Jean Grey et Scott Summers) l’esprit de Kitty Pryde dans son corps d’adolescente, lui permettant ainsi à son époque de prévenir les X-Men du sort qui les attend. Jeu entre les trames temporelles et ambiance futuriste post-apocalyptique ont fait de ce récit un incontournable et de fait, une attraction de ce recueil.
En ce qui concerne les années 2000, l’anthologie nous présente le début du run de Grant Morrison et Frank Quitely sur la série : E comme Extinction qui marque le départ de New X-Men. En soi, cette lecture est assez intéressante mais pas passionnante pour les néophytes : ces épisodes nous présentent un univers plus contemporain, des personnalités qui ont tendance à évoluer vers de nouveaux horizons, mais... Les véritables retournements de situations ou les moments marquants du travail de Morrison sur cet univers, on les retrouve davantage dans la poursuite de son run qu’ici. Et puis, pour ne rien arranger, ce n’est pas avec la pâle Cassandra Nova (sœur jumelle psychopathe de Charles Xavier que ce dernier a voulu assassiner in utero) que le lecteur néophyte va trouver un intérêt en terme de confrontation pour ce nouveaux départ...
Pour le reste, l’anthologie propose des histoires bien trop anecdotiques pour convenir. Mis à part un épisode parodique dans le Mojoverse (un univers parallèle où tout est régi par un extra-terrestre pour faire de l’audimat à la télévision vingt-quatre heures sur vingt-quatre) qui joue de la popularité des X-Men, les autres épisodes proposés ne rendent pas foncièrement hommage à cet univers. Ainsi, nous n’avons pas droit à un épisode de véritable confrontation entre Magnéto et Charles Xavier, les aventures marquantes des années 1990 passent à l’as et surtout, le retournement de situation provoqué dans les années 2000 par House of M n’est pas présenté. Comment un lecteur peut, sorti de la découverte de ce recueil, comprendre foncièrement la situation dans les revues de l’éditeur paraissant en kiosque s’il ne sait pas qu’il y a encore peu les mutants étaient en voie d’extinction ?
Nous sommes les X-Men est une anthologie décevante : si l’on met de côté le caractère patrimonial du premier épisode ou de l’apparition de la seconde équipe ainsi que les formidables histoires de Claremont, difficile de trouver un intérêt dans le reste des épisodes proposés. Pour retrouver d’autres histoires décisives de l’histoire des X-Men ou des confrontations idéologiques fortes qui font le sel de cet univers, il faudra certainement reporter son regard vers les autres intégrales ou omnibus proposés par l’éditeur.
(par Romuald LEFEBVRE)
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[1] Pour une présentation plus complète de l’univers des X-Men, nous vous invitons à jeter un coup d’œil à l’un de nos articles qui leur a été consacré.
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