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O.M.A.C. par Kirby - Par Jack Kirby (Trad. Jérôme Wicky) - Urban Comics

Par Guillaume Boutet le 14 novembre 2014                      Lien  
Petit employé de bureau sans relief, Otto Ordinaire est transformé par l’Agence Globale pour la Paix en protecteur du monde. Une incarnation de la justice qui tire cependant ses pouvoirs, et ses directives, d'une intelligence artificielle omnisciente ! Bienvenue dans le monde qui nous attend, imaginé par l'inépuisable roi des comics !

Poursuivant son travail de publication de la période « DC Comics » de Jack Kirby (1971–1976) [1], et après avoir commencé par une anthologie, qui fut suivie d’une intégrale de Kamandi (deux tomes), Urban Comics nous propose en cette fin d’année une nouvelle intégrale, consacrée cette fois-ci à l’étrange O.M.A.C., l’Organisme Métamorphosé en Arme Condensée (One-Man Army Corps en VO) [2]. Une publication qui s’inscrit dans celle du premier tome de l’intégrale d’Infinite Crisis, qui met justement à l’honneur une reprise d’O.M.A.C.. L’occasion pour le lecteur français de découvrir et de comparer l’original avec la version ré-imaginée par Greg Rucka.

Publiées d’octobre 1974 à décembre 1975, les aventures d’O.M.A.C. proviennent initialement d’une demande de DC Comics d’une nouvelle série se situant dans le futur, sur le modèle de Kamandi qui marchait bien. Le contrat Jack Kirby de l’époque impliquait la réalisation de quinze pages par semaine, soit soixante par mois (dessin et scénario compris). Une production qui aurait semblé impossible à beaucoup d’artistes mais lorsqu’il est question du roi, l’impossible devient possible, et de ce fait, ce dernier publiait plusieurs titres chaque mois.

D’un point de vue pratique, soixante pages correspondent à trois séries d’une vingtaine de pages. Kamandi était à cette époque la série principale de Kirby, dotée d’un rythme mensuel, auquel s’ajoutaient d’autres titres plus irréguliers, dont en particulier sur cette période Our Fighting Force (sur lequel il se mit à travailler en mensuel en 1975) [3]. O.M.A.C. devint ainsi la troisième série de la production régulière de Kirby de l’année 1975 - au rythme bimestriel quant à elle.

Malheureusement, ne rencontrant pas un succès suffisant, elle s’arrêta au huitième numéro, au plein cœur d’une histoire, laissant ainsi le lecteur face à un récit inachevé. DC Comics modifia la dernière case de l’ultime épisode pour y placer un mot de conclusion, fort perturbant car elle indiquait que tous les personnages étaient morts dans les explosions qui concluaient l’épisode ! Ainsi les aventures d’O.M.A.C. par Jack Kirby restèrent inachevées, en dépit évidemment de la reprise du titre par d’autres auteurs par la suite !

O.M.A.C. par Kirby - Par Jack Kirby (Trad. Jérôme Wicky) - Urban Comics
O.M.A.C. porte bien son nom : une armée entière à lui seul !
© Jack Kirby / DC Comics / Urban Comics

De quoi est-il donc question dans O.M.A.C. ? Du futur bien sûr !

L’histoire de la création d’O.M.A.C. est bien connue de nos jours. Elle se trouve d’ailleurs très bien racontée dans la préface de l’ouvrage, signée Mark Evanier, mais rappelons-la brièvement pour situer l’œuvre : il s’agit d’un concept que Jack Kirby avait imaginé des années auparavant, alors qu’il travaillait encore chez Marvel, pour une version futuriste de Captain America – personnage qu’il avait créé avec Joe Simon en 1940. Il n’utilisa finalement jamais ces idées et, lorsque DC Comics lui proposa de créer une nouvelle série dans la lignée de Kamandi, il décida, au lieu de simplement réaliser un spin-off, de reprendre cette version futuriste du super-soldat.

Le récit se situe donc dans le futur et Jack Kirby utilise l’expression « le futur qui nous attend » (The World That’s Coming en VO) pour le nommer, ce qui permet d’impliquer immédiatement le lecteur dans un récit qui le concerne forcément, puisqu’il va s’agir de son futur !

Un avenir qui apparaît inquiétant car au cours des huit épisodes du comics, Jack Kirby va explorer les dérives du progrès technologique, mais également celles des évolutions sociales. En effet, aux côtés des inventions perverties par des criminels pour assouvir leurs désirs -des sujets classiques- le roi des comics va développer certains sujets plus inattendus, comme par exemple des femmes artificielles à monter soi-même ou encore des parents choisis par ordinateur en fonction d’une analyse de compatibilité, dans le but de composer une famille idéale.

Le fil conducteur de la série transparaît à travers ces derniers exemples : une vie future régie par l’artificiel, dont le summum est symbolisé par l’Œil (Brother Eye en VO), un satellite artificiel, qui transforme un simple employé de bureau en une machine de guerre ultime, O.M.A.C., qui n’a plus aucun souvenir de sa vie passée !

O.M.A.C. et l’Œil : une simple relation fraternelle ?
© Jack Kirby / DC Comics / Urban Comics

En effet, lors de la création d’O.M.A.C l’individu original, Otto Ordinaire (Buddy Blank en VO), disparaît complètement au profit du champion, lui laissant une unique identité, celle de l’agent de terrain de l’Œil, qui le guide, le fournit en énergie, et même plus : dès qu’O.M.A.C se trouve face à une situation sans issue, c’est vers le ciel qu’il se tourne pour appeler l’Œil à l’aide. Dans d’autres cas, l’Œil prend l’initiative et intervient au dernier moment pour sauver O.M.A.C.

Le dernier épisode est emblématique de ce rapport entre le soldat et son guide : O.M.A.C. se retrouvant privé de ses pouvoirs, c’est l’Œil qui reprend en main la mission, tout en essayant de recréer son guerrier à partir d’une matrice. Un processus dans lequel l’individu Otto Ordinaire ne joue que le rôle de réceptacle pour cette incarnation, au final déjà entièrement configurée.

Évidemment l’analogie entre l’Œil (Brother Eye), ce satellite tout puissant qui voit tout et sait tout, dirigeant son soldat humain de façon absolue, et la figure de Big Brother, du roman de George Orwell n’aura échappé à personne. Jack Kirby nous décrit un futur certes fabuleux, peuplé de merveilles, qui donne naissance à un surhumain, mais le tout prend place dans un environnement où l’homme ne semble plus maître de son destin ; où la paix, civile et sociale, passe par une forme de contrôle et rationalisation scientifique totale ; où finalement la nécessité passe avant tout autre considération, comme l’est par exemple la création d’O.M.A.C. qui nous y présenté comme la solution inévitable pour s’assurer d’un monde sans violence et sans corruption.

L’Œil : une machine aux pouvoirs tout puissant, et même plus.
© Jack Kirby / DC Comics / Urban Comics

Cette problématique n’aura pas échappé à Greg Rucka qui reprend, après d’autres, le concept d’O.M.A.C. dans l’une des minis-séries introductives du crossover Infinite Crisis, pour un résultat forcément inquiétant et paranoïaque ! Ces questionnements sont également évoqués dans l’intéressante postface, signée Jérôme Wicky, qui met en perspective cette vision peu engageante du futur avec l’évolution moderne de notre propre société.

Une série courte, mais forte, dans laquelle nous retrouvons toute la puissance évocatrice, mais également symbolique, du roi des comics. O.M.A.C. n’est sans doute ni la série la plus étrange, ni le personnage le plus remarquable de Jack Kirby, mais son univers futuriste et son duo formé par l’homme et la machine, proposant une sidérante incarnation de l’Œil de la Providence, portent sa marque inimitable, faite de distorsions du monde, de créatures et d’inventions hors-normes, de fracas et de rayons d’énergie tous azimuts !

Une lecture vivement conseillée, avant de retrouver le roi en janvier, pour le début de la publication de l’intégrale du légendaire Quatrième Monde !

La première page du premier épisode d’O.M.A.C. : le futur qui nous attend !
© Jack Kirby / DC Comics / Urban Comics

(par Guillaume Boutet)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

O.M.A.C. par Kirby. Par Jack Kirby. Traduction Jérôme Wicky. Urban Comics, collection "DC Archives". Sortie le 7 novembre 2014. 192 pages. 17,50 euros.

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[1En réalité Jack Kirby avait déjà travaillé pour DC Comics dans le passé, avant de s’associer avec Stan Lee et de créer l’univers Marvel. Au début des années 1940, il avait par exemple signé des épisodes de Adventure Comics et de Boy Commandos, et à la fin des années 1950, il avait co-créé le comics Challengers of the Unknown.

[2Les épisodes contenus dans O.M.A.C. par Kirby sont :
- O.M.A.C. #1-8 (octobre 1974 à décembre 1975).

[3Our Fighting Forces est une anthologie de comics sur la Seconde Guerre mondiale, publiée de 1954 à 1978. Jack Kirby écrivit et dessina les numéros 151 à 162 consacrés aux personnages des Losers.

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1 Message :
  • À noter, aussi, que John Byrne a fait dans les années 90 une excellente reprise de ce personnage dans un cycle de 4 Deluxe Formats sobrement intitulée OMAC, en noir et blanc somptueux, avec un jeu très stimulant sur le retour dans le temps, s’amusant au passage à donner une origine du nom Buddy Blank et à croiser quelques images du OMAC original, comme celle de Lila en boîte.

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