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Pascal Bertho (Saint Kilda) : « On peut dire que l’île est un personnage de l’histoire »

Par Patrice Gentilhomme le 10 juillet 2009                      Lien  
Nouveau titre de la collection Atmosphères des éditions Emmmanuel Proust, l'album Saint-Kilda de Pascal Bertho au scénario et Chandre au dessin nous transporte dans une île oubliée du monde et des hommes.

Pascal Bertho est né en 1964 et a déjà signé de nombreuses séries et scénarios parmi lesquels on retiendra Chéri Bibi, Chevalier Malheur ou l’album Sept Pirates. En situant son histoire sur Saint-Kilda, il nous révèle l’existence de cette île oubliée des hommes à travers un récit original et attachant.

Né en 1977, le dessinateur Chandre a suivi une formation à l’école Émile Cohl de Lyon. Après divers récits publiés dans la collection Agatha Christie chez Emmanuel Proust éditions, il nous livre avec Saint-Kilda une histoire où la richesse de sa palette en couleurs directes restitue admirablement l’atmosphère de l’île.

Votre histoire reste très imprégnée d’un esprit XIXe : référence à Darwin, décors marins, personnages au style « romantique », structure narrative... Pouvez-vous expliquer votre fascination pour ce contexte ?

Chandre : Comme d’autres époques, le XIXe est une époque charnière de la vision occidentale du monde. Avant de plonger dans Saint-Kilda, je ne faisais pas plus attention que cela à Darwin, même si les thèses de ce dernier ne sont qu’évoquées, Pascal a eu raison de m’en parler. Ces théories sont valables également pour ce siècle où une partie de la fourmilière humaine accouche de l’ère industrielle. En contrepartie, le côté naïf et innocent de Darius vient rééquilibrer l’inhumanité de son père ou du monde duquel il est issu. Le plonger dans un univers vierge et sauvage revient à provoquer son passage à l’âge adulte avec la perte des illusions.

Pascal Bertho : Fascination est un mot un peu fort, mais c’est vrai que cette période est assez intéressante. On a décidé de baser l’histoire à cette époque parce que les îles de St Kilda ont été « redécouvertes » à cette époque. Des navires emmenaient des touristes visiter les falaises de Saint Kilda (les plus hautes du Royaume_Uni) et rencontrer les autochtones si particuliers.

Cela a été (à peu près) la période pendant laquelle l’archipel a basculé de l’innocence à la dure réalité de la révolution industrielle et de la civilisation. Ensuite, en quelques décennies au contact du monde, la communauté a périclité et les habitants ont fini par être « évacué » en Août 1930 de gré ou de force.

Pascal Bertho (Saint Kilda) : « On peut dire que l'île est un personnage de l'histoire »

Les paysages et les ambiances bénéficient d’un traitement très abouti, voire naturaliste. C’est presque le « troisième personnage » de l’histoire, non ?

Chandre : Le traitement devait être en corrélation avec l’histoire. Ce n’est pas quelque chose de défini avant de dessiner. Cela vient en dessinant. Cela provient directement du récit, même si nous avons travaillé de façon assez libre.

Pascal Bertho : Oui, on peut dire que l’île est un personnage de l’histoire. Cela pourrait même être le personnage principal. On avait envie, avec Alexandre, de vraiment transcrire une ambiance particulière de paysages vierges. On voulait appuyer le côté découverte d’une contrée inconnue pour plonger Darius dans un univers à l’opposé de celui qu’il connaissait.

L’archipel de Saint Kilda a réellement vécu coupé du monde. Comment avez-vous eu connaissance de cette histoire ?

Chandre : Il y a quelques années, je suis tombé sur un stock de vieux Geo. J’en récupère pour la doc. L’un d’eux contenait un dossier sur Saint-Kilda. Après l’avoir dévoré j’ai continué à me renseigner de temps à autre sur cet endroit tout en gardant au chaud l’envie d’en faire une histoire. Lorsque j’ai terminé Le crime d’Halloween, j’en ai parlé à Pascal avec qui j’avais déjà monté des projets qui n’avaient pas abouti.

Pascal Bertho : Quand Alexandre m’a parlé de cet archipel, j’ai tout de suite été intéressé. C’est comme si j’avais découvert l’existence d’une tribu inconnue en plein cœur de l’Europe. Imaginer que les Kildians ont vécu pratiquement coupés du monde pendant près de mille ans, ont développé une communauté sans argent, sans loi, sans armée a été pour moi une véritable surprise.

Avez-vous déjà visité cette région ?

Chandre : Non, c’est un endroit difficile d’accès. L’archipel qui est une réserve naturelle enregistrée au double titre (humain et naturel) à l’UNESCO se situe au large des Hébrides extérieures. L’équilibre fragile qui y règne ne devrait plus être confronté à l’extérieur. J’aimerais vraiment y aller, mais peut-être est-ce mieux ainsi.

Pascal Bertho : Sur Internet on peut voir quelques images des îles.

Sans être passif, Darius votre héros semble plutôt subir les évènements, comment voyez-vous son évolution par la suite ?

Chandre : On a choisi de jouer la carte du suspense en fin d’album, alors… Pascal, si tu veux dire quelque chose, libre à toi. Je serai muet !

Pascal Bertho : Sans dévoiler la suite, on peut dire que c’est l’histoire d’un passage. Tout d’abord pour l’île, qui est confrontée au monde et à la société, pas sous ses meilleurs aspects, et pour Darius, qui est un pur produit de cette société. Avant de connaître Saint Kilda, il a vécu une vie dans laquelle il n’avait pas à prendre de décision, il n’avait pas à penser par lui-même. Il commence à s’affranchir de son milieu en rencontrant les thèses de Darwin et va continuer dans la suite de l’histoire. Pour en savoir plus, il faudra lire le tome 2…

Votre livre semble hésiter entre réalisme et fantastique, sans dévoiler le dénouement pouvez-nous en dire un peu plus sur l’évolution du récit ?

Chandre : Cette hésitation est volontaire. L’homme est influencé par le fantastique depuis la nuit des temps, mais il ne sait pas si il y a autre chose. Il reste dans le réel. Des sorciers, mages, spirites, auteurs de bandes dessinées et autres charlatans jouent avec cela, alors pourquoi pas ?
On verra dans le tome deux avec le dénouement. Tatadam !

(par Patrice Gentilhomme)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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