S’il y avait un Prix pour récompenser le meilleur héritier du professeur Choron, de Reiser ou de Vuillemin, Abraham Kadabra et Goupil Acnéique auraient de fortes chances de monter sur la première marche du podium. Comme leurs illustres prédécesseurs, ils ont choisi de faire rire en dénonçant la connerie humaine d’une manière forte et spectaculaire, où le mauvais goût côtoie la provocation. Un peu comme dans les expressions "soigner le mal par le mal" ou "combattre le feu par le feu". C’est qu’il n’est pas question ici de brandir des panneaux "la guerre c’est moche" ou "la famine faut que ça cesse", mais plutôt de mettre en exergue les petites (et grandes) lâchetés, les "racismes" de toutes sortes ou les hypocrisies de tout acabit.
A l’aide de strips de trois cases et de deux personnages principaux réunissant toutes les tares psychologiques que l’être humain peut compter, Abraham et Goupil tapent sur tout ce qui bouge. Paf, le chien, et Hencule, le chat (aucun respect pour nos lectures d’enfants) sont les bras armés de cette plongée dans la noirceur de l’âme (de la même couleur que l’humour des deux auteurs). On ne peut même plus parler d’anti-héros à ce degré de bassesse. Et c’est justement le fait d’en faire des personnages principaux qui interpelle le lecteur. Ne craignez rien si vous les trouvez immondes, c’est bon signe. L’inverse serait particulièrement inquiétant.
Évidemment, lorsqu’on est sur le fil du rasoir comme les deux auteurs, les risques sont grands. D’abord de ne pas être compris et d’être rattrapés par la fameuse expression de Pierre Desproges "on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui" (penser à ajouter Desproges dans la liste citée plus haut). Le second degré n’est pas une qualité partagée par tous. Le test est simple : si le livre ne vous tombe pas des mains après la lecture de la percutante préface dessinée par Bastien Vivès, vous êtes prêts pour aller jusqu’au bout de ce livre.
Ensuite, de ne pas être drôle. Et là, force est de constater que les deux auteurs s’en tirent parfaitement (sous réserve bien sûr, que vous ayez passé le test cité plus haut) en gardant un niveau d’humour constant au fil des pages.
Certes, c’est bien souvent un rire nerveux qui prend le lecteur. Celui qui permet de trouver une porte de sortie lorsqu’on est mal à l’aise. Car tout le monde en prend pour son grade, des plus attendus (Ku Klux Klan, CRS, corrida, intégristes) aux plus intouchables (femmes enceintes, homosexuels, SDF, enfants, handicapés, enfants handicapés). Et c’est bien ce qui fait tout l’intérêt de Paf et Hencule.
(par Thierry Lemaire)
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