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Catel portée aux nues pour la toute dernière remise des Prix Diagonale - Le Soir

Par Charles-Louis Detournay le 5 mai 2018                      Lien  
La dernière cérémonie des prix Diagonale – Le Soir a tenu toutes ses promesses : humour, surprises, émotions et fou-rires. Avec à la clef, des prix remis à Alain Dodier, Steve Cuzor, Yves Sente et Catel. Quel palmarès !

Ce vendredi 4 mai, se déroulait la onzième (et dernière) cérémonie des Prix Diagonale – Le Soir, inaugurant en même temps l’ouverture de la quatrième Fête de la BD de Louvain-la-Neuve, un festival rebaptisé Louvain-les-Bulles dont nous vous avons déjà présenté le programme.

D’emblée, la soirée s’est placée sous le signe de l’humour et l’émotion : en attendant que les spectateurs rejoignent leur siège, les organisateurs ont diffusé le faux documentaire réalisé en juin 1978 par les amis auteurs et la famille Culliford pour les 50 ans de Peyo. Un petit trésor exhumé par Frédéric Jannin et pour lequel il avait grandement contribué à la réalisation. Delporte, Franquin, Roba, Schuiten, Hislaire, Thierri Martens et une douzaine d’autres intervenants se sont donc relayés devant la caméra, pour fêter Peyo avec décontraction et parfois insolence ! Le ton était donné : la cérémonie la plus déjantée de la bande dessinée pouvait débuter !

Les adieux de Jean Dufaux

Catel portée aux nues pour la toute dernière remise des Prix Diagonale - Le Soir
Jean Dufaux
Photo : JJ Procureur

Ce n’est pas sans une certaine émotion que Jean Dufaux est monté sur la scène pour son dernier tour de piste. Le scénariste qui avait lancé les Prix Diagonale – Le Soir il y a onze ans avec Daniel Couvreur (journaliste au quotidien Le Soir) et David da Câmara (Échevin de la culture à la ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve) tirait sa révérence.

Après dix ans passé à faire grandir ce projet un peu fou, il a effectivement décidé de passer la main à Bernard Yslaire, comme ce dernier nous l’a expliqué en détails précédemment dans nos pages.. Les spectateurs attentifs n’auront pas manqué d’observer la chaleureuse accolade que les deux auteurs se sont donnée au pied de la scène. Le flambeau était passé.

Comme de coutume, les acteurs-animateurs de la soirée n’ont pas manqué d’imaginer gags et chansons à l’attention des divers intervenants. Et, sur l’air de « Je veux » de Zaz, ils ont entonné un vibrant « Je veux du vrai, mais pas du faux... Enfin je veux dire, le vrai Jean Dufaux ! »

La muse de la BD était présente, la cérémonie de remise de prix pouvait commencer…

Prix Diagonale – Le Soir de la meilleure série : Jérôme K. Jérôme Bloche d’Alain Dodier

Au sein trois séries nominées (Katanga, Airborne 44 et Jérôme K. Jérôme Bloche), l’Académie a donc choisi de récompenser Alain Dodier, « pour la régularité, la qualité et la constance de sa série, depuis ses débuts », expliquait un peu plus tôt Bernard Yslaire. Touché, Alain Dodier est monté sur scène, alors qu’un acteur interprétant le rôle de son personnage Jérôme, faisait le pitre autour de lui. « Je suis heureux de continuer à intéresser les lecteurs, a expliqué l’auteur. Et surtout honoré d’être ainsi récompensé par un jury aussi prestigieux : cela fait chaud au cÅ“ur ! »

Dans sa chronique du dernier tome paru de la série, David Taugis écrivait à propos de Jérôme K. Jérôme Bloche : « L’équilibre de la série tient à ce mélange particulier entre bonhomie humaniste et trame policière, traits d’humour et personnages secondaires accrocheurs. Et comme dans le tome précédent, Dodier s’inspire de thèmes sociaux importants. Ici, la maltraitance familiale, en proposant un contexte évitant largement les clichés. Même si on peut regretter le voyage dans les Hauts-de-France qui nous éloigne du Paris irrésistible croqué par Dodier, les ambiances nocturnes et pluvieuses du Couteau dans l’arbre illustrent une fois de plus son talent de dessinateur. Sans oublier notre Jérôme tantôt héros tantôt balourd immature, qui redevient un brave maladroit dès son enquête bouclée. »

Alain Dodier : « Quand Jérôme est dans la planche, j’ai le sentiment d’y être aussi. »

Précédemment, Alain Dodier s’était livré à notre micro, expliquant quelle était sa méthode de travail pour réaliser un album de sa série :

« Je suis la caricature-même de l’homme, tel que le décrive les femmes : je suis incapable de faire deux choses en même temps. Lorsque je réalise un album de Jérôme K. Jérôme Bloche, je suis incapable de penser au suivant. Ce n’est qu’après l’avoir terminé, et laissé passer quelques semaines de décompression, que je me mets à farfouiller dans mes vieux carnets. Je retravaille alors d’anciennes idées, croyant avoir trouvé une piste que je n’avais pas identifiée auparavant… avant de rendre compte qu’une nouvelle fois, elle n’aboutira pas, et je la remets de côté. Puis, je me balade dans le lieu où je pourrais placer le cadre de l’aventure, et je retravaille encore d’anciennes idées, qui retournent parfois aussi vite dans les tiroirs. Finalement, sans comprendre pourquoi, un ancien projet prend alors forme, pas du tout celui que j’imaginais, ni dans le cadre où je me baladais, mais il s’impose à moi. Je le suis dès lors jusqu’à sa conclusion, avant de reprendre le cycle. »

Jérôme K. Jérôme Bloche T26 : Le Couteau dans l’arbre, par Alain Dodier (Dupuis)

« Lorsque j’ai une idée de scène, continue l’auteur, Je parcours les lieux avec mon appareil photo, et je me rends compte si la scène est jouable, et s’il n’y a des améliorations qu’on peut apporter. Par exemple, je me suis rendu compte qu’une partie d’un tunnel est inondé, et je me suis mis à la place de Jérôme qui pourrait retirer ses chaussures pour marcher pieds nus dans l’eau, comme le chien. Le décor peut donc influencer l’action du récit. La mise en scène d’une page est un travail assez long, dans le choix des plans et de l’intégration des personnages. Et toujours au service de l’histoire, même si cela nécessite de représenter le même décor à plusieurs reprises. Même après avoir fini la planche, il m’arrive de redécouper toutes les cases et de les placer dans un ordre différent, comme un montage de cinéma. La mise-en-scène est primordiale à mes yeux, car tout est calculé en fonction de la narration. »

Et de continuer : « Le cÅ“ur de la série se situe dans l’observation de Jérôme face aux enquêtes, à un mystère. Dans le dernier tome publié « Le Couteau dans l’arbre », je reviens sur sa famille déjà évoquée précédemment, et l’on comprend mieux pourquoi Jérôme a embrassé cette vocation. Car il a été lui-même coupable d’une toute petite exaction vis-à-vis de son camarade d’école. Cette part de culpabilité l’a donc poussé à se ranger du côté de la justice. »

« Avec le recul, analyse Dodier, Je pense que les deux années pendant lesquelles j’étais facteur, m’ont permis de découvrir les gens, la ville et la société en général. À en découvrir la complexité. Jérôme est tellement impliqué dans ce qu’il est fait, qu’il est parfois un petit peu à côté de la vie de tous les jours. Il a une autre façon de voir ce qui l’entoure. Sans doute comme certains auteurs. »

Jérôme K. Jérôme Bloche T26 : Le Couteau dans l’arbre, par Alain Dodier (Dupuis)

« Tout ce que je désire, c’est réaliser des histoires avec Jérôme !, poursuit-il. Jérôme est un héros à l’ancienne. En 26 albums, il a sans doute vieilli de six mois à un an. D’un côté, il reste donc ce distrait, parfois un peu gauche, ce qui le rend attachant. Il est plutôt doué dans son métier, et parfois maladroit dans la vie. De l’autre, il évolue, y compris dans sa relation avec Babette, mais par petites touches. »

« Pour ces raisons, je ne ferai plus de récits sans Jérôme, concède-t-il. S’il me vient une bonne idée, et que je ne parviens pas à intégrer mon héros (comme j’ai pu le faire dans « L’Ermite »), je laisserai tomber le projet. En fait, je ne prends pas de plaisir à dessiner une planche qui ne contient pas Jérôme. Quand Jérôme est dans la planche, j’ai le sentiment d’y être aussi. »

Alain Dodier n’a pas manqué de terminer par ce touchant trait d’humour : « La seule chose que je peux vous garantir, c’est qu’après 26 tomes, je ne ferai pas l’album de trop : je m’arrêterai à cinquante ! »

Alain Dodier
Photo : Charles-Louis Detournay

Prix Diagonale – Le Soir du meilleur album : Cinq Branches de coton noir d’Yves Sente & Steve Cuzor

Après un intermède musical en hommage à Jean-Sébastien Bach dont tous les spectateurs garderont certainement un souvenir vivace, il était temps de passer au deuxième (et avant-dernier) prix de la soirée. Pris au débotté pour remplacer son rédacteur-en-chef, Daniel Couvreur du Soir a expliqué à l’assistance la mutation entreprise par les Prix Diagonale – Le Soir, qui allaient devenir partie des Prix Victor-Rossel, comme Yslaire nous l’expliquait précédemment.. Puis il a accueilli sur scène Yves Sente et Steve Cuzor, les auteurs de Cinq Branches de coton noir primé comme le meilleur album de l’année.

Pour rappel, Cinq Branches de coton noir met en scène trois soldats afro-américains qui se morfondent au milieu des troupes de réserve, après le débarquement de juin 1944. Ils voudraient combattre, prouver leur valeur face à l’ennemi, mais ils n’obtiennent aucune considération. Jusqu’au jour où un lieutenant à lunettes a besoin d’eux pour récupérer un des premiers drapeaux américains, datant de l’époque de l’indépendance, en 1776. Un récit « impressionnant de maîtrise », comme le commentait David Taugis dans sa chronique.

L’Echevin David da Câmara a une nouvelle fois subi la fantaisie des acteurs
Photo : Charles-Louis Detournay

Ainsi que l’expliquait précédemment Yslaire, « Ce prix récompense bien entendu les auteurs ; Yves Sente qui peut passer d’un album de Blake et Mortimer à ce type de roman graphique épique, et le soin graphique porté par Yves Cuzor. Et cela récompense également l’investissement en temps pour l’éditeur, qui a osé attendre pour tout rassembler dans un seul album. Aire Libre est une collection qui permet de révéler les vraies personnalités des auteurs. Cinq Branches de coton noir est donc à la fois innovant et dans la foulée de la BD belge. C’est pour cela que l’Académie a tenu à lui décerner ce prix. »

Il n’est pas toujours facile de réaliser un discours de remerciement à la cérémonie des Prix Diagonale – Le Soir ; les acteurs et chanteurs accomplissant des prouesses pour vous distraire ou vous couper la parole. Et Steve Cuzor et Yves Sente en ont pris pour leur grade, car une armée de Gis s’était donné rendez-vous pour occuper le terrain.

Yves Sente ayant pu juste remercier Reynold Leclercq, à l’initiative du projet, ainsi que leur éditeur José-Louis Bocquet, Steve Cuzor s’était fendu précédemment d’une petite saillie : « J’ai essayé de réunir deux bandes dessinées : la belge et la française, le récit réaliste et le roman graphique. Dans le même temps, je remarque que j’ai reçu deux prix dans ma carrière : le prix Uderzo, qui s’est arrêté juste après moi ; et je reçois aujourd’hui le prix Diagonale – Le Soir qui va également s’interrompre. Comment ne pas y voir un présage : à quand le prix du meilleur album à Angoulême ? »

Les acteurs grimés en GIs tentent le tout pour le tout pour empêcher Yves Sente (à g.) et Steve Cuzor (à d.) de parler au micro. Même en les invitant à danser !
Photo : JJ Procureur

Yves Sente : Un drapeau en cadeau

Yves Sente
Photo : Charles-Louis Detournay

Rencontré précédemment, Yves Sente nous avait expliqué la genèse peu commune de Cinq Branches de coton noir : « Le point de départ de ce récit fut une demande de Rosinski il y a plusieurs années. Il désirait traiter de la Seconde Guerre mondiale, et me demandait de réfléchir à cette thématique. Je cherchais une quête personnelle qui puisse permettre de suivre un groupe d’hommes au-delà du conflit en lui-même, et j’ai trouvé un livre qui traitait des Monument Men, bien avant que cela soit porté au cinéma. »

« Il me fallait un symbole fort pour initier cette quête, et je me suis rappelé mon année passée dans l’Illinois lorsque j’étais étudiant nous explique Yves Sente. J’avais été invité à une soirée, et j’ai fait la connaissance du jeune homme qui habitait là. Nous nous sommes liés d’amitié et, en fin de soirée, il a voulu m’offrir un cadeau : un instant plus tard, il est revenu très sérieux avec un drapeau américain, proprement plié. Avec chaleur et respect, il me l’a offert, mais je devais lui faire une promesse : si le drapeau touchait terre pour n’importe quelle raison, je devrais alors le brûler ! Ce patriotisme ainsi que cette foi en son pays et son drapeau m’ont profondément marqué, car ce n’est pas une attitude très commune dans mon pays, la Belgique. Aussi me suis-je dit par la suite que la quête du premier drapeau américain serait un sujet suffisamment fort pour mon récit. »

Le scénariste continue : « L’autre point du départ du récit était la ségrégation, encore fort présente aux USA, et le fait que des hommes de couleurs voient en la guerre l’occasion d’obtenir plus de droits au terme de celle-ci… malgré que les autorités rechignaient à les incorporer dans des bataillons combattants. Ces hommes ont donc dû se battre pour avoir le droit d’aller se faire tuer ! Une démarche d’ailleurs partiellement vaine car leurs actes héroïques ne leur ont pas permis de modifier leur statut après la guerre. J’ai donc rassemblé le tout, en pensant que cela pourrait convenir, mais Piotr, le fils Rosinski n’a pas apprécié le récit, trouvant que cela s’apparentait à de la propagande américaine. »

Et de conclure : « Par la suite, j’ai présenté le projet chez Dupuis, qui y a directement cru. José-Louis Bocquet m’a indiqué qu’il préférait en réaliser un seul livre à la place du triptyque envisagé. Et lorsque Steve s’est accaparé le projet, en proposant quelques adaptations, j’ai directement accepté, car finalement, je ne suis que le scénariste : je fais des propositions, puis je donne le tout au cinéaste (le dessinateur) qui met réellement en scène le récit. »

Cinq branches de coton noir par Cuzor Sente © Dupuis 2018

Steve Cuzor : Se mettre au service du récit

Steve Cuzor
Photo : Charles-Louis Detournay

Steve Cuzor prend le relais : « Précédemment, on m’avait proposé le scénario d’ « Il était une fois en France », continue Steve Cuzor. C’était une très belle histoire, mais je ne voyais pas ce que je pouvais y apporter, et j’ai donc appelé mon ami Sylvain Vallée… qui l’avait déjà dans ses mains ! Mon sentiment a été différent avec le scénario d’Yves. J’ai ressenti cette ambition de raconter un récit très consistant, et la place que je pouvais prendre. Je me la suis appropriée et je l’ai appelé (alors qu’on ne se connaissait pas) pour lui dire : « Je vais te raconter ton histoire, à ma façon, pour t’expliquer comment je ressens les personnages ! ». Étonnamment, il a très bien accueilli ma démarche. Au-delà d’une potentielle frustration, il a compris mon envie de m’investir et de trouver ma place dans le livre. Voilà tout l’objectif de la rencontre entre deux auteurs : de se retrouver pour que le projet devienne un livre. »

« D’emblée, j’ai souhaité dépasser le stade du dessin et de la documentation, explique Cuzor, car je voulais que mes planches sentent le vécu. J’ai donc joué sur les ambiances, ou les aplats pour éviter la surabondance de détails. Je préfère privilégier l’émotion au réalisme, quitte par exemple à ce que le son apparaisse avant l’image. Mon travail doit être narratif avant tout, et cette narration doit elle-même entraîner le graphisme et le dessin. Et pas le contraire. Même si on peut s’évader par le dessin, la bande dessinée n’est pas l’amour du dessin, mais l’amour de la narration. Je ne suis pas là pour faire étalage de prouesses graphiques, mais pour dire : « Ami lecteur, tu dois passer plus de temps sur cette case, et moins sur la suivante. » Il faut donc trouver une traduction graphique du récit qui dépasse le dessin et impose le rythme de lecture. J’ai ainsi cherché une forme d’immédiateté du graphisme : ne pas dessiner l’explosion, mais la faire vivre. J’ai donc essayé de me rapprocher d’Hermann, qui ne dessine pas le brouillard, mais devient le brouillard. »

« Cinq Branches de coton noir est un récit riche, voire complexe, commente le dessinateur, Avec de nombreux personnages et une interaction de la petite histoire dans la grande. Mon travail résidait à simplifier le propos par des codes et des références afin d’amener le lecteur à tourner les pages et procurer une lecture aisée. J’ai utilisé des codes connus du public et des symboles. Comme les stéréotypes du polar américain afin d’implanter une atmosphère, ou des visages d’acteurs pour le lecteur emmagasine facilement les différents personnages. J’ai aussi rassemblé deux photos célèbres d’Omaha Beach pour camper le débarquement en une seule case. Et fait rentrer les troupes par la Porte d’Orléans à la place de la porte d’Italie, pour placer le Lion de Belfort, car les lecteurs maîtrisent la référence imposée par Tardi. En une case, on comprend qu’on est à Paris : il faut être efficace dans le propos ! J’ai adopté la même réflexion avec la couleur : il ne fallait pas apporter d’information complémentaire au noir et blanc, de crainte de perdre le lecteur. J’ai donc voulu être le plus simple pour servir la lisibilité du récit d’Yves. »

Le tandem franco-belge de "Cinq Branches de coton noir"
Photo : Charles-Louis Detournay

Grand Prix Diagonale – Le Soir : Catel

Dans le foulée de Daniel Couvreur, et comme il nous l’avait expliqué précédemment, Yslaire a détaillé à l’assistance les nouveaux principes des Prix Diagonale – Le Soir : l’institution de l’Académie pour le jury des auteurs, la mutation en Prix Victor-Rossel de la bande dessinée (avec la volonté de primer des albums et séries portés au moins par un Belge ou une personne vivant en Belgique depuis 5 ans), et les Grands Prix données en alternance à un auteur et une autrice. Voulant éviter toute équivoque, le président a précisé que ces futurs grands prix ne devaient pas du tout être belges.

« Ainsi, termina Yslaire, Lorsque une femme recevra le Grand Prix, il ne s’agira pas de discrimination positive. Et c’est pour cela que nous sommes heureux et fiers d’attribuer ce Grand Prix cette année à Catel. Catel, tu ne reçois donc pas ce prix car tu es une femme, mais parce que tu es une grande autrice. »

Depuis son enfance, Catel Muller dite Catel, dessine et met en images les scénarios qui l’inspirent. À 15 ans, elle est marquée par la lecture de l’ouvrage « Ainsi soit-elle », signé Benoîte Groult, une écrivaine engagée et féministe qui deviendra un modèle. Passionnée d’Art et d’Histoire, Catel met en lumière dans son Å“uvre des femmes et des héroïnes, réelles ou de fiction, celles du quotidien comme celles de la grande Histoire, qui rêvent de liberté et d’échapper aux normes qui leur sont imposées : Lucie, Le Sang des Valentines, Kiki de Montparnasse, Olympe de Gouges, Ainsi soit Benoîte Groult, Dolor, Quatuor et plus récemment Joséphine Baker.

Catel
Photo : CL Detournay

Avec les « Bio-graphiques », biographies dessinées, Catel et José-Louis Bocquet valorisent des héroïnes, racontent une époque et rendent hommage à celles, parfois oubliées, qui se sont battues pour défendre leurs idées. Ces albums richement documentés confèrent à la bande dessinée une nouvelle force et lui apportent un nouveau lectorat. Si la question de défense des droits des femmes est plus que jamais d’actualité, Catel s’inscrit dans cette voie militante depuis de nombreuses années.

« Je m’intéresse aux héroïnes de la vie, a précisé Catel, Des femmes qui représentent de vrais modèles pour nous. Ce sont des clandestines de l’Histoire : elles ont laissé une trace dans la société, mais l’Histoire ne les a malheureusement pas retenues. Merci pour cette consécration, une valorisation trop peu fréquente dans ce milieu masculin, et une preuve que les femmes peuvent avoir du talent malgré le manque de reconnaissance. »

« Lorsque j’ai commencé à dessiner, il y avait 7% de femmes dans ce métier, continua-t-elle. Et maintenant, nous sommes 23%. Malgré cela, une seule femme seulement a reçu le Grand Prix d’Angoulême en 45 ans, soit 2% de femmes primées… Par contre, avec Maryse Charles, nous sommes maintenant deux femmes en 11 ans au sein de cette Académie, soit une proportion de 20%, ce qui correspond à la réalité du métier, et qui ne fera qu’évoluer avec les années. »

« Pour terminer, je voudrais dédier ce prix à José-Louis Bocquet, avec qui je forme un équipage en parfaite parité. »

Catel a joué le jeu, tout en commentant la remise de prix de "la plus loufoque qu’elle n’avait jamais vue".
Photo : Charles-Louis Detournay

La dernière cérémonie des Prix Diagonale – Le Soir s’est terminée sur une très belle chanson dédiée à Catel. L’autrice a dansé au rythme des voix des acteurs qui avaient endossé les tenues de ses héroïnes. Les lecteurs désireux d’en savoir un peu plus pour Catel pourront se rendre au Musée de la Bande Dessinée de Bruxelles (CBBD), qui a justement organisé une exposition « Catel, héroïnes au bout du crayon » du 19 juin au 25 novembre.

L’année prochaine, se déroulera la première cérémonie des Prix Victor-Rossel de la bande dessinée, dans une atmosphère certainement tout aussi chaleureuse et qui nous permettra de vérifier comment le nouvel élan et la mutation des Prix Diagonale – Le Soir se sera opérée.

Steve Cuzor et Alain Dodier exhibent leurs prix ; la soirée peut commencer !
Photo : JJ Procureur

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Sur le même sujet, lire également notre article Louvain-les-bulles : la Wallonie fete la BD ainsi que l’interview du nouveau président de l’Académie des auteurs Bernard Yslaire : « Nous voulons instaurer la parité entre auteur et autrice au sein de l’Académie du Prix Diagonale »

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Lire notre chronique de Cinq Branches de coton noir

Concernant Alain Dodier et sa série Jérôme K. Jérôme Bloche, lire également :
- Jérôme K. Jérôme Bloche T26 : Le couteau dans l’arbre
- Jérôme K. Jérôme Bloche T25 : Aïna
- Jérôme K. Jérôme Bloche T24 : L’Ermite
- 23 Post Mortem
- 22 Mathias
- 21 Déni de fuite
- 20 Fin de contrat
- 19 Un chien dans un jeu de quilles
- 18 Un petit coin de paradis
- Jérôme K. Jérôme Bloche : Un anniversaire et une intégrale
- l’intégrale de 2007 (tomes 2 et 3)
ainsi qu’une précédente interview d’Alain Dodier : "C’est le scénario qui impose le décor"

Concernant Catel, lire nos articles :
- Josephine Baker, le nouveau biopic de Catel & Bocquet
- Kiki de Montparnasse ainsi que l’interview de Catel & Bocquet : "Kiki fait partie de l’imaginaire collectif, comme le poster de Che Guevara"
- Quatuor
- Olympe de Gouges, ainsi que l’interview de Catel & Bocquet : « Olympe de Gouges est la source d’inspiration de beaucoup de personnalités du féminisme. »
- Dolor, un roman sombre par les yeux d’une femme, ainsi que l’interview de Catel & Paringaux : « Nous avons abandonné nos habitudes pour nous laisser entraîner dans l’univers de l’autre »
- Ainsi soit Benoîte Groult, ainsi que l’interview de Catel : "Benoîte Groult est une très belle représentante de la cause féministe"
- Adieu Kharkov - Par Bouilhac & Catel d’après le livre de M. Demongeot - Dupuis

Au CBBD, exposition « Catel, héroïnes au bout du crayon » du 19 juin au 25 novembre

Sauf exceptions mentionnées, toutes les photos sont : Charles-Louis Detournay.
Photo de Steve Cuzor & Alain Dodier en médaillon : JJ Procureur.
Photo de Catel en médaillon : CL Detournay.
Pas d’utilisation sans accord préalable.

 
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6 Messages :
  • Ce reportage est aussi génial que la soirée de vendredi. Après quelques instants de désarroi attentif Catel est entrée merveilleusement dans le jeu, un peu à la mode Joséphine Backer.
    Mais à sa place je n’aurais pas parlé de "loufoque", plutôt de "surréaliste, dans sa variante belge".
    La bande dessinée a fait un grand pas à LLN ce weekend.
    L’an dernier j’avais trouvé certains moments un peu vulgaires, cette année l’équilibre était établi entre l’indécent et le littéraire.
    Paul Thielen.
    Président sortant de l’Association des Habitants de Louvain-la-Neuve.

    Répondre à ce message

    • Répondu par Henri Khanan le 8 mai 2018 à  20:22 :

      Très jolie sélection, des livres qui se sont venus et ont été félicités par les critiques...

      Répondre à ce message

  • Je vois que mon précédent message (pourtant tout à fait correct) n’a pas été validé, ce qui, paradoxalement, corrobore ce dont je parlais...

    Répondre à ce message

    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 8 mai 2018 à  10:33 :

      Vous ne comprenez pas que nous en passons pas les posts comportant des allégations fausses, voire injurieuses, susceptibles d’engager la rédaction. Vous êtes coutumier de ce fait. C’est votre problème plus que le nôtre.

      Répondre à ce message

      • Répondu par Laurent Colonnier le 8 mai 2018 à  15:30 :

        Vous aviez pourtant publié un article sur le sujet, rien de faux là-dedans.
        http://www.actuabd.com/+Rik-žd-image-embarrassantes-dans-Liberation+

        d’où mon étonnement de cette "portée aux nues"....

        Répondre à ce message

        • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 8 mai 2018 à  23:12 :

          Soyez étonné. D’abord vous ne l’avez pas formulé de la même façon que dans cette brève qui a quand même onze ans. Deuxièmement, cet accessit est le fait d’un jury d’auteurs qui ne font pas spécialité de répandre leur aigreur dans les forums et qui ont trouvé le talent de Catel digne de cette distinction.

          Répondre à ce message

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