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Pang Xianjian (éditeur) : « Aujourd’hui en Chine, notre activité consiste à rééditer les lianhuahua. »

Par Yohan Radomski le 20 août 2012                      Lien  
Pang Xianjian travaille aux Editions populaires des Beaux-Arts de Shanghai où il dirige le département de lianhuanhua, cousin chinois de la bande dessinée. Rencontre sur l’évolution et la situation du marché.

Vous faites une distinction entre les termes « manhua », « lianhuanhua » et « xiaorenshu » ?

Oui. Le manhua est du dessin d’humour publié dans la presse dès le début du XXe siècle. Parfois c’est un dessin seul, parfois il y a plusieurs dessins. Par exemple, le personnage de Sanmao est très célèbre.

Pang Xianjian (éditeur) : « Aujourd'hui en Chine, notre activité consiste à rééditer les lianhuahua. »
Sanmao
(C) http://www.sanmao.com.cn/

Le lianhuanhua (littéralement « dessins enchaînés ») ou le xiaorenshu (littéralement « livre pour enfant »), évoquent un autre support. Ce sont des histoires plus longues et réalistes, publiées souvent directement en livres, ou quelquefois dans des journaux.

C’est peu après la fondation de la République Populaire de Chine, en 1949, que les maisons d’édition d’État ont été créées ?

Oui. De 1950 à 1952, cinq maisons d’édition spécialisées dans les Beaux-Arts ont été créées. À Shanghai, Pékin, Tianjin, dans le Hebei et dans le Liaoning. Mais c’est seulement après la Révolution Culturelle qu’on en a créées dans de grandes villes de chaque province.

En quoi consistait la production des lianhuanhua à cette époque ?

La majorité des œuvres étaient des adaptations d’œuvres littéraires ou de romans classiques, comme Les Trois Royaumes, Le Voyage vers l’Ouest, Au Bord de l’eau, etc. Il y avait aussi des récits historiques et révolutionnaires, et des récits plus modernes qui diffusaient les idées du Parti Communiste.

Et il y avait un peu de littérature étrangère. Le Ministère de l’Éducation avait établi une liste d’œuvres littéraires étrangères adaptables. Il y avait de la littérature russe, française du XIXe... Ici, Hugo, Dumas, Maupassant sont très connus.

Quelques lianhuanhua
Photo (C) Yohan Radomski

C’était une production importante ?

Notre maison de Shanghai était la plus connue dans le domaine de la publication de lianhuanhua. On a fait entre 6000 et 7000 titres depuis 1952, avec des tirages de millions d’exemplaires pour beaucoup de ces œuvres. Par exemple, Les Trois Royaumes atteint presque cent millions pour le tirage.

Vous travailliez sur le modèle du studio ?

Oui. On employait une vingtaine de scénaristes qui écrivaient des histoires, faisant des adaptations dans la plupart des cas. Quelques-uns écrivaient aussi des récits nouveaux pour mettre en avant les idées du Parti Communiste. Il y avait encore des scénaristes qui travaillaient de temps à autre pour nous, à leur domicile.

Concernant les dessinateurs, il y en a eu une centaine au maximum qui travaillaient avec nous.

Vous avez conservé leurs dessins originaux ?

Bien sûr, nous avons des archives avec tous ces dessins. Comme ils étaient faits dans nos bureaux par nos employés, ils sont notre propriété. C’est le patrimoine du peuple chinois.

Le ministère de la Culture n’a pas eu l’idée de créer un musée national où ces originaux pourraient être donnés à voir au grand public ?

Non, à ma connaissance, pour le moment, on n’a jamais parlé de ça.

La librairie des Éditions populaires des Beaux-Arts de Shanghai
Photo (C) Yohan Radomski

Quand la production a-t-elle décliné ?

Dans les années 1980. En 1985, il n’y avait pour ainsi dire plus de production.

Que s’est-il passé pour les dessinateurs que vous employiez ?

Après 1985, certains ont eu d’autres postes dans la maison d’édition. D’autres ont continué à percevoir un salaire, pour couvrir les frais de vie. On avait aussi donné des appartements à ces employés .

À ce moment-là, beaucoup de ces dessinateurs qui avaient de la technique se sont tournés vers la peinture, ils ont travaillé pour le marché de l’art.

Il y a un marché des dessins originaux ?

Il y a des expositions et des ventes aux enchères qui sont organisées par des cercles de collectionneurs une ou deux fois par an à Shanghai. Certains dessins se vendent des dizaines, voire des centaines de milliers de yuans.

Qui achète des lianhuanhua aujourd’hui ?

Coffrets pour collectionneurs
Photo (C) Yohan Radomski

Ce sont surtout des collectionneurs, des gens qui connaissent les lianhuanhua et qui sont passionnés depuis l’enfance. Ils ont en fait un sentiment de nostalgie. Aujourd’hui notre activité consiste essentiellement à rééditer des œuvres anciennes. On fait de beaux coffrets, de belles éditions. Mais avec des tirages de 3 ou 4000 exemplaires.

Il n’y a plus de nouveautés ?

C’est minime. Je ne saurais pas bien dire. Quelques dizaines de titres par an.

Est-ce que les lecteurs connaissent un peu à la bande dessinée occidentale ?

Ils n’ont pas pour la plupart l’occasion de la connaître. Au début des années 1980, on a eu quelques publications. Tintin, par exemple. Ou Toppi, qui était publié dans des revues.

J’étais au Festival de Hangzhou cette année. Justement, ils ont décerné le prix du Golden Monkey King à Sergio Toppi pour son album Un Dieu mineur.

Effectivement. Mais les lecteurs ici connaissent très peu tout cela. J’espère que dans l’avenir il y aura la possibilité de voir des choses sur le marché chinois. Je sais aussi que certains dessinateurs travaillent avec la France. Tout cela est une bonne chose. Espérons que ça se développera !

Propos recueillis par Yohan Radomski

(par Yohan Radomski)

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Merci à Sun Juan pour la traduction.

 
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