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Patrick Gaumer : "Sans Cauvin, sans Rosinski, des maisons comme Dupuis ou le Lombard ne seraient pas où elles en sont aujourd’hui."

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 15 janvier 2014                      Lien  
Patrick Gaumer est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages de référence sur la bande dessinée dont le fameux Larousse de la BD. Il vient de publier coup sur coup deux monographies, l'une sur le scénariste Raoul Cauvin chez Dupuis, une autre sur le dessinateur Grzegorz Rosinski, au Lombard.
Patrick Gaumer : "Sans Cauvin, sans Rosinski, des maisons comme Dupuis ou le Lombard ne seraient pas où elles en sont aujourd'hui."
La Monographie Cauvin

Vous avez publié coup sur coup deux ouvrages imposants sur deux grands auteurs de bande dessinée, Cauvin et Rosinski. Pouvez-vous nous faire une synthèse de leurs apports respectifs à la bande dessinée ?

Ce sont deux auteurs atypiques qui ont réussi, chacun dans un registre différent, à apporter du sang neuf à leurs supports respectifs, Tintin et Spirou, en l’occurrence. Prenez Rosinski, tout d’abord. Il n’a pas vraiment de modèle. Aucun, en tout cas, côté bande dessinée belge. Tout juste se souvenait-il d’avoir lu — ou plutôt vu, d’ailleurs, puisqu’il ne parlait pas encore un traître mot de français — Vaillant, un journal français d’obédience communiste.

Le fait qu’il ait, des années durant, pratiqué l’illustration, qu’il soit depuis toujours passionné de peinture historique — avec des artistes comme Jan Matejko, Wojciech Kossak ou Jozef Brandt — fait toute la différence. Grzegorz est un auteur « physique », au même titre que Vance ou Hermann, capable de donner vie à un morceau de pierre. Sa rencontre avec Van Hamme, un scénariste qui joue sur l’émotion de ses personnages, lui a également permis de construire avec « Thorgal » une véritable « saga »… Saga, un terme viking, rappelons-le !

Pour Cauvin, c’est encore autre chose. Raoul a eu la chance de commencer sa carrière dans le dessin animé. Chez TVA Dupuis. Cela lui a permis d’acquérir une rapidité d’exécution et un humour « visuel » qui vont lui servir par la suite. Le fait qu’il ne soit pas de la « bande à Delporte », l’a obligé à trouver ses propres marques. Il a dû travailler avec des auteurs en devenir comme Claire Bretécher, Philippe Bercovici ou Marc Hardy. Comme Raoul ne voulait pas non plus copier ses aînés, il n’a pas cherché à faire du Goscinny ou du Charlier.

En résumé, sans Cauvin, sans Rosinski, des maisons comme Dupuis ou le Lombard ne seraient pas où elles en sont aujourd’hui. Les collections « Aire Libre » ou « Signé » auraient-elles pu exister sans la manne financière de leurs séries ? Pas sûr.

Ces deux ouvrages sortent concomitamment, mais ils ont eu une gestation plutôt longue...

Plutôt longue, en effet ! J’ai commencé à travailler sur la monographie Rosinski en 2006. Nous en avions discuté avec Grzegorz et sa femme, la regrettée Kasia. Avec son fils Piotr, aussi, qui a assuré un formidable travail de mise en pages. Pour la monographie Cauvin, cela s’est fait un peu plus dans l’urgence. En un an, quasiment jour pour jour. L’idée, dans un cas comme dans l’autre, étant de faire des livres qui correspondent aux auteurs, dont ils puissent être fiers. C’est un travail collectif, sur et avec des auteurs avec qui je me sens bien ; avec des éditeurs qui me font confiance… Nathalie Van Campenhoudt, au Lombard ; Laurence Van Tricht et Stéphane Moulin chez Dupuis. Sans cette harmonie, cette complicité, pas de bon bouquin possible. Je n’ai pas envie de perdre mon temps avec un auteur avec lequel je ne serais pas en empathie, avec un éditeur qui ne croirait pas à ce qu’il fait… Cela arrive hélas ! parfois.

La Monographie Rosinki
Éditions du Lombard

Quels sont les tirages de ce genre d’ouvrage ?

5000 exemplaires pour le Cauvin ; idem pour la version française du Rosinski, à laquelle il faut ajouter 2500 exemplaires en néerlandais.

Comment expliquez-vous le mépris d’une certaine catégorie de la critique vis-à-vis d’un auteur comme Cauvin ? Mépris pour la production jeunesse, voire pour l’humour-même, s’il ne ressort pas d’un domaine intellectuel ?

Vous faites bien de le préciser, une « certaine catégorie »…Toujours un peu les mêmes, quand même, qui se croient les gardiens d’un certain « bon goût » voire d’un certain « mauvais goût » à la française. Tout ça n’est pas, parfois, dénué d’arrière-pensées. Un peu snob, un peu « parisien »… Rien de bien grave. Je n’ai, en revanche, jamais ce sentiment d’exclusion lorsque je lis la presse belge. Cauvin y est un auteur respecté, apprécié.

Il y a chez Cauvin, une forme de sociologie, un portrait de l’époque en quelque sorte.

Tout à fait. Gonflé en tout cas d’aborder des thèmes comme la mort, la maladie ou la psychiatrie dans un support juvénile. À l’heure où d’aucuns ne jurent que par l’autofiction, faut-il rappeler que Cauvin et Lambil furent également des précurseurs du genre avec leur « Pauvre Lampil » ? Raoul a aussi abordé la trans-sexualité dans « Coup de foudre », avec David De Thuin. Dommage que cette série n’ait pas rencontré le succès escompté. Moi, elle m’amusait bien.

Bamboo a quelque peu repris le concept de ce type d’humour. Cela ressemble bien à une potion magique...

Olivier Sulpice, de Bamboo, l’a volontiers avoué à Raoul. Une chose est sûre, les responsables éditoriaux qui ont à l’époque refusé « Les Profs » ont dû s’en mordre un peu les doigts !

Avec votre ouvrage, on découvre un Rosinski inconnu. Les Polonais n’ont pas que d’excellents plombiers apparemment...

Apparemment… ils ont aussi de très bons électriciens... Plus sérieusement, c’était une des parties les plus passionnantes à écrire. Il faut tout de même rappeler que lorsque Rosinski se lance dans « Thorgal », il a 35 ans et déjà une longue carrière derrière lui. Des milliers d’illustrations, des dizaines de bandes dessinées. Grzegorz est capable de tout faire !

Il apporte une forme d’académisme à la bande dessinée, sans autre influence que la peinture, quelque chose que l’on ne connaissait qu’au travers d’un Paul Cuvelier, contrairement à un courant réaliste, comme chez Jacobs ou Gillon, très influencé par Alex Raymond. C’est en cela qu’il a dû plaire à Van Hamme, scénariste de Cuvelier.

Exactement. Van Hamme s’est retrouvé face à quelqu’un qui n’était influencé, ni par Hergé, ni par Franquin. Il le dit, c’est ce qui l’a, d’emblée, séduit.

Avec ce type de monographie très luxueuse, ce sont de vrais livres d’art, on a l’impression que l’on franchit une étape supplémentaire dans le domaine de la reconnaissance de la bande dessinée. Le modèle Moliterni est bien derrière nous.

Ne soyons pas si sévères avec ce cher Claude. Au-delà de son côté parfois brouillon, c’était un homme vraiment passionné, bourré d’énergie. Et, mine de rien, sa revue Phénix reste un modèle du genre. N’oublions pas non plus le binôme qu’il formait avec Pierre Couperie. C’est vrai que nous sommes entrés dans une nouvelle ère, mais cela tient aussi à la volonté des éditeurs « historiques » de valoriser leur patrimoine. Les techniques d’impression ont également évolué. Bref, comme aurait dit Reiser, on vit une époque formidable !

Patrick Gaumer dans une des expositions dont il a été le commissaire

Le Dictionnaire Larousse de la BD aura-t-il une nouvelle édition ?

Je l’espère bien ! J’aimerais bien poursuivre mon exploration de la « planète BD ». Dans l’édition de 2010, j’abordais la Chine, commençais aussi, avec Christophe Cassiau-Haurie, à étudier la bande dessinée africaine. Je compte bien, dans les prochaines années, élargir encore l’horizon, Aller voir du côté de l’Inde, de Cuba, des Balkans ou d’Israël… Il y a encore tellement de choses à découvrir !

Quel est le tirage d’une édition ?

Environ 10 000 exemplaires… pour chacune des quatre éditions, S’y ajoutent quelques réimpressions, une version dans la collection « In Extenso », des traductions en espagnol et en grec, etc.

À côté de cela, vous poursuivez vos introductions des intégrales Dupuis. Là encore, il y a un travail historique passionnant...

Bien aimable ! C’est justement ça qui est passionnant : trouver les sources documentaires, replacer dans son contexte un sujet, une série. Et, là encore, ne pas hésiter à arpenter des chemins de traverse. J’en prendrais pour exemple le dossier de «  Buck Danny » sur lequel je suis en train de travailler et dans lequel on découvrira toute la veine « surréaliste » de Victor Hubinon… Franchement, j’adore mon boulot !

Le Larousse de la bande dessinée est le seul dictionnaire de référence sur le 9e Art.

Avant Cauvin et Rosinski, il y avait Tibet, Duchateau, L’Histoire du Lombard, de Dargaud... Vous êtes un "historien officiel", comme il y avait naguère des peintres officiels ?

Glups ! Je suis pas sûr que le terme « officiel » convienne ! En fait, je fonctionne à l’envie. Je pars du principe que ce qui s’écrit ou se prépare avec plaisir — je pense par exemple aux expos que je fais avec mes copains de bdBOUM, du festival de Blois — est plus à même de séduire que ce qui se fait sous la contrainte. Enfin, c’est ce que je pense. Tout est question, par la suite, de sensibilité, de volonté.

Quelle est votre prochaine "grosse machine" ?

Peut-être une nouvelle édition de mon dictionnaire ? Ou bien encore une autre monographie ? Je n’ai pas encore tranché. Une fois la « grosse machine », comme vous dites, lancée, il ne faut plus compter ses heures, et bosser. Beaucoup. Ne pas hésiter non plus à partager ses connaissances. C’est la seule manière de faire un travail sérieux… un travail de transmission.

Propos recueillis par Didier Pasamonik.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Dupuis Le Lombard
 
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25 Messages :
  • Vraiment, cette rhétorique où tout se vaut me déplaît fortement.Il n’y a bien que dans la bd, art qui ne s’assume pas encore vraiment comme tel, qu’on le retrouve. Qui irait, dans le cinéma, mettre sur le même plan Chris Colombus et Woody Allen ? Ou dans le roman, Bernard Werber et Jean D’Ormesson. Il y a une hiérarchie évidente dans l’art, et la bd n’y fait pas exception.

    Raoul Cauvin est en effet un auteur incontournable de la bd franco-belge. Le nier serait pure mauvaise foi. On ne peut que reconnaître sa capacité à faire rire sur la durée un public plusieurs fois renouvelé, des Tuniques Bleues à Cédric et autres.

    Mais ce n’est pas suffisant.
    Où est son Tchao Pantin ? Pour revenir au monde de la bd, où est son Idées Noires, son Grand Pouvoir du Chninkel ? Il n’y a plus aucune originalité chez Raoul Cauvin depuis des années, il se contente de réutiliser les mêmes ficelles dans des univers différents. Le paroxysme ayant sans doute été Requiem pour un Bleu, l’album qui racontait toujours la même chose toutes les dix pages, pour proposer un twist final tout à fait attendu.
    Où est cet album de Cauvin qui nous ferait avant tout réfléchir ? Là où j’ai le plus réfléchi sur un Cauvin, c’est avec Captain Nepel, et croyez-moi que ça ne m’a pas fait réfléchir beaucoup.
    Prenez un Zidrou, par exemple. L’auteur des Crannibales a su proposer autre chose que de l’humour en planche. Et même quand il continue à le faire, comme avec Boule à Zéro, c’est pour proposer quelque chose d’inhabituel, d’original. Et pendant qu’il publie chez Bamboo, le voilà qui sort Le Beau Voyage, album profond et touchant. Et là, il démontre qu’il est un scénariste émérite, capable de manier une large palette du spectre émotionnel.

    Mais dans le propos de Patrick Gaumer, j’entends la nostalgie d’un supposé âge d’or de la bd, celle que les quinquagénaires ont connu enfant, avec la bd gros-nez. Cette belgitude nettement plus prononcé de la bd franco-belge. Cauvin est le symbole de cette époque. Mais la bande dessinée a évolué, s’est ouvert à des propos et à des styles graphiques différents et bien plus recherchés. Faut-il mépriser cette génération pour cela ? Certes non. Mais il faut aussi la remettre en contexte, hiérarchiser ses travaux et ne pas hésiter à les comparer aux autres générations.

    Si les ventes et la longévité étaient les mètre-étalons de la qualité artistique, alors Marc Lévy serait à la tête de l’Académie Française.

    Faire rire, tout en faisant réfléchir, c’est là ce qu’on pourrait attendre d’un Raoul Cauvin aujourd’hui. Et s’il parvenait à cela, à nous surprendre, alors là, oui, il passerait en tête largement, en qualité, des auteurs de bande dessinée.
    Et je serais alors ravi de pouvoir en faire l’éloge sans plus aucune retenue.

    Mais sincèrement, je ne crois pas voir un jour cette situation.

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    • Répondu le 15 janvier 2014 à  11:14 :

      Qui irait, dans le cinéma, mettre sur le même plan Chris Colombus et Woody Allen ? Ou dans le roman, Bernard Werber et Jean D’Ormesson. Il y a une hiérarchie évidente dans l’art, et la bd n’y fait pas exception.

      Votre hiérarchie évidente n’est pas évidente du tout. Qui de Bernard Werber et Jean D’Ormesson est supérieur ? De Chris Colombus et Woody Allen (qui a son lot de navets).
      Je trouve Cauvin largement supérieur à Zidrou bien que vous semblez penser le contraire, la hiérarchie évidente n’est évidente que pour vous.

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      • Répondu par Michel Dartay le 15 janvier 2014 à  14:37 :

        Dans le Cauvin, celui-çi reconnait plusieurs fois l’admiration qu’il éprouve pour Zidrou qui est capable de concilier humour et émotion, des lectures à la fois divertissantes et propices à susciter la reflexion du lecteur. Il y a une différence de génération entre les deux auteurs.

        Bravo en tout cas à Patrick Gaumer qui aprés ses livres sur Tibet et Duchateau, s’est penché à nouveau sur deux auteurs à la longue carrière, rarement récompensés par les trophées.

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        • Répondu par Patrick Gaumer le 15 janvier 2014 à  15:55 :

          Merci beaucoup. Cela fait toujours plaisir à lire.
          Il y a effectivement une filiation naturelle entre Cauvin et Zidrou. Une amitié, aussi. Benoît (Drousie, alias Zidrou) a d’ailleurs très gentiment accepté d’écrire la préface de notre livre. Raoul et moi en étions très contents.
          Bien amicalement,
          Patrick Gaumer

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          • Répondu par Norbert le 16 janvier 2014 à  00:28 :

            Je suis actuellement plongé dans la lecture de votre très bel ouvrage sur Rosinski. Cela me prend du temps car du coup je suis obligé (c’est un plaisir) de relire toute la saga de Thorgal pour être totalement en phase avec les propos du livre. C’est passionnant, merci beaucoup de ce cadeau !

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            • Répondu par Patrick Gaumer le 16 janvier 2014 à  19:15 :

              C’est moi qui vous remercie. Bonne lecture.
              Patrick Gaumer

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      • Répondu par Yaneck Chareyre le 16 janvier 2014 à  07:03 :

        Si vous n’êtes pas capable de faire une hiérarchie entre ces différents auteurs, alors je ne peux rien pour vous. Quand on n’a pas de culture, on évite de le montrer.
        Ah, mais vous le faites anonymement, donc pas de soucis pour vous...

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    • Répondu le 17 janvier 2014 à  00:51 :

      Ou dans le roman, Bernard Werber et Jean D’Ormesson.

      Personnellement je n’ai aucun problème à le faire, mais ni l’un ni l’autre n’en sort grandi ;)

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  • C’est trop facile de considérer que si on pense que les scénars de Cauvin sont assez nuls on est "un peu snob, un peu « parisien »", la réalité est peut-être bêtement que sur son énorme production, il n’y a quasiment rien à sauver qualitativement (c’est aussi le cas d’un Corteggiani).

    Raoul n’a pas cherché à faire du Goscinny ou du Charlier

    C’est surtout qu’il n’en a jamais eu la carrure, et comme c’est un homme intelligent, il a fait son truc à lui.

    En résumé, sans Cauvin, sans Rosinski, des maisons comme Dupuis ou le Lombard ne seraient pas où elles en sont aujourd’hui.

    C’est un fait, mais bien malin qui pourrait dire ce qu’elles seraient. Sans l’omniprésence des séries de Cauvin dans Spirou depuis la fin des années 70 (et ça en bouffe de la place dans un canard), il y aurait eu la place pour d’autres auteurs, qui auraient pu évoluer au sein des éditions Dupuis (Yann et Conrad, Hislaire ou Zep seraient-ils partis ?). S’il n’y avait pas eu cette dictature de la série gag, des séries d’aventure, de sf ou d’Héroïc fantasy auraient pu exister, Arleston aurait pu créer son œuvre chez Dupuis.

    Le pire c’est que ces séries aux "gags" quelconques de Cauvin ont gâché des auteurs : Hardy ou Bédu (c’était bien Hugo). Je ne pense pas que ses dessinateurs se plaignent, ils ont la sécurité financière, mais ils auraient pu l’avoir avec une œuvre qui vaille la peine.

    Je pense que Raoul Cauvin est un scénariste médiocre, en revanche c’est un homme éminemment sympathique, modeste et chaleureux, c’est toujours un plaisir de discuter avec lui.

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    • Répondu le 17 janvier 2014 à  00:49 :

      Rien à sauver chez Cauvin ? Sammy, les Tuniques Bleues, les Jungles Perdues et j’en passe.
      Ni chez Corteggiani ? Marine, Pastis, Bastos & Sakousky, d’excellentes histoires Disney...
      De Laurent Colonnier ? Les jeux à la coque de Mister Ploploop, ou Ronald Searle pour les Nuls. Et bientôt entendu un condensé de ses meilleurs dérapages verbaux sur les forums

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      • Répondu par Benoît le 17 janvier 2014 à  11:03 :

        Colonnier a le courage de signer ses interventions sur les fora contrairement à beaucoup (dont vous), et vos références datent, Colonnier a sorti de très bons livres récemment.

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      • Répondu le 17 janvier 2014 à  16:14 :

        Pourquoi " dérapages " ? On se croirait sur le site de Morandini, dès que quelqu’un dit un truc intéressant qui sort un peu des clous on appelle ça un clash, on est tellement dans une époque molle que si quelqu’un dit un truc un peu vif ça devient un dérapage. J’aime beaucoup les Tuniques Bleues (les premiers surtout) et Sammy, mais il faut avouer que les séries gags de Cauvin ne sont pas droles.

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  • Car il s’agit d’auteurs productifs qui ont longtemps travaillé l’échine courbée, penchés sur leur table à dessin ou leur machine à écrire. Monsieur Cauvin avait un diplôme qui ne servait à rien (la linogravure....), les universités françaises ont voulu dupliquer ce système avec de longues études de sociologie, langues orientales, économie, pour lesquelles in n’y a que très peu de demande en entreprises. Ensuite il travailla dans le studio de dessin animé Dupuis et à la photocopieuse Rank Xerox. Il avait déjà plein d’idées, mais le rédac-chef de l’époque, ami de Peyo et de Franquin, ne trouvait pas son humour efficace. Il fut donc longtemps mis en quarantaine de publication, même s’il travaillait déjà dans les locaux de Dupuis. Le changement de rédac-chef, le départ de Lucky Luke pour Pilote, et d’autres facteurs entraineront une forte augmentation de sa production, qui globalement plaisait aux lecteurs de l’hebdo et en librairie. Bien évidemment, plusieurs séries fonctionnent mieux que d’autres, et certaines peuvent s’arreter, les éditeurs ne vont quand même pas publier à perte des livres, à moins de bénéficier des aides du CNL ou régionales.

    Dans tous les cas, il s’agit d’un grand travailleur, d’un homme simple et peu prétentieux, qui n’a pas gonflé des chevilles, et dont la lecture des livres présente une étape dans la vie de tout lecteur de BD, principalement de 8 à 14 ans. Le livre le mettant à l’honneur de son vivant est plus que justifié, car cela flattera son égo, et c’est une satisfaction différente que celle d’avoir un compte en banque bien garni, chose normale quand on a vendu des dizaines de millions d’exemplaires.

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    • Répondu par Jean-Paul Jennequin le 16 janvier 2014 à  15:38 :

      Culotté, l’oncle François, de mettre en parallèle l’enseignement de la linogravure et celui de la sociologie. D’autant qu’il faudrait plutôt les opposer : enseigner la linogravure, dans les années 1950, dans une perspective d’emploi, c’était plutôt un archaïsme. Il me semble qu’il y a eu de tels archaïsmes dans pas mal de pays. Michel Rabagliati raconte dans "Paul en appartement" comment, à la fin des années 1970, il apprenait dans son école de graphisme des techniques qui n’avaient plus cours depuis des décennies.
      Quant aux langues orientales, l’école française des langues orientales (appelée couramment Langues’O) a été créée en 1795. Effectivement, pour les oncles François de l’époque, cela devait sembler une très mauvaise idée mais que voulez-vous : il fallait bien une école où les futurs diplomates apprendraient la langue du pays où ils seraient envoyés. Aujourd’hui, apprendre les langues orientales (ou n’importe quelle langue) sert plutôt pour le commerce et je ne crois pas que les nombreux étudiants qui ont étudié le Chinois ou le Japonais s’en portent plus mal.

      Pour en revenir à Raoul Cauvin, pourquoi penser qu’Yvan Delporte avait "mis en quarantaine" Cauvin, qui "avait déjà plein d’idées" ? Pour accréditer la théorie du complot, des copains et des coquins ? Si l’on regarde les sommaires de "Spirou" entre 1960 et 1968, on voit que les nouvelles têtes ne manquent pas : Salvé, Gennaux, Hubuc, Devos (entre autres). Leur point commun : ils dessinent. Cauvin, même s’il est capable de tenir un crayon de manière fort sympathique, est avant tout scénariste. Il se trouve donc confronté à la difficulté de tout scénariste débutant : trouver des dessinateurs avec qui collaborer. L’une de ses premières séries à gags, "Arthur et Léopold", qui commence en 1968, est dessinée par Eddy Ryssack, avec qui il avait déjà réalisé des histoires courtes en 1965 et 1966. Toujours en 1968, il commence une collaboration avec Claire Brétécher, nouvelle recrue de "Spirou" et avec Salvé, avec lequel il lance "Les Tuniques bleues". Si l’on examine la bibliographie de Salvé, on constate que jusqu’en 1967, il animait une série à gags sur scénario de Devos "Whamoka et Whikilowat". La bande s’interrompt en 1967. Pourquoi ? Manque de popularité ?Lassitude de Salvé qui aurait préféré dessiner des cow-boys que des indiens ? En tout cas, en 1968, il abandonne "Whamoka" pour "Les Tuniques bleues", qui est au début une série de gags et d’histoires courtes. La première série à suivre de Cauvin est "Les mousquetaires", dessinée par Mazel, qui démarre en 1969. À partir de 1970, Cauvin écrit des histoires plus longues des "Tuniques bleues" et lance "Les Gorilles" (qui deviendra "Sammy" en 1970. Il est bon de noter que ces premières histoires longues ne sont pas encore des 44 pages, mais des récits de 16 à 22 pages. Cauvin, qui a surtout écrit du gag et de l’histoire courte, se met progressivement au récit long.
      Je vois dans ce parcours, somme toute assez rapide (en l’espace de trois ans, Cauvin se retrouve scénariste de trois séries à suivre dans "Spirou") une évolution assez courante dans les carrières de scénaristes.

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      • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 16 janvier 2014 à  18:11 :

        Mon cher Jean-Paul, Cauvin lui-même a souvent fait la confidence que la porte lui était fermée au temps de Delporte. Un excellent rédacteur-en-chef, mais "qui avait ses têtes" comme on dit du côté de Charleroi... La lecture de la biographie de Delporte par les Pissavy-Yvernault confirme cette impression.

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      • Répondu par Patrick Gaumer le 16 janvier 2014 à  19:12 :

        Cher Jean-Paul,

        Je t’invite juste à lire notre livre (et notamment le sixième chapitre, où j’aborde l’épisode du Trombone illustré).

        Bien à toi,

        Patrick Gaumer

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      • Répondu par Oncle Francois le 17 janvier 2014 à  12:24 :

        Désolé, Monsieur Jeannequin, mais c’est vous qui semblez culotté !
        Je croyais que vous étiez un professionnel de la BD, de la famille des critiquaquatiques, comme dans un Philèmon. Vous nous faites un petit résumé de carriere officielle de Cauvin, à la wikipedia....et vous montrez que vous commentez un livre que vous n’avez sans doute même pas ouvert ! En effet, Monsieur Gaumer a déniché de nombreuses informations inédites jusque là, notamment chez les prétendus spécialistes de la BD. Histoires jamais publiées en français, récits non crédités chez des concurrents (pour ne pas froisser Dupuis, ou pour d’autres raisons. Vous ne croyez tout de même pas que je vais vous résumer le livre de Monsieur Gaumer ?).

        Il y a donc de nombreux témoignages qui expliquent que la carrière scénaristique de Cauvin aurait pu commencer plus tôt dans Spirou, s’il ne s’etait heurté à Delporte qui avait tendance à enfouir ses textes dans ses tiroirs.... Heureusement, Monsieur Dupuis avait de l’humour, et il trouva normal d’en encourager la publication.

        Il évita une injustice, et donna à sa maison un de ses auteurs les plus rentables.

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    • Répondu le 16 janvier 2014 à  16:15 :

      mais le rédac-chef de l’époque ne trouvait pas son humour efficace

      Delporte était un très bon rédacteur en chef, il avait bien vu que Cauvin c’était pas Goscinny. Thierry Martens n’avait pas cette lucidité, il a fait plonger Spirou dans la médiocrité (et le réac avec Archie Cash et les maquettes d’avion nazi).

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      • Répondu par Michel Dartay le 16 janvier 2014 à  20:03 :

        Oui, Delporte avait un talent de scénariste, et c’était effectivement un bon rédac-chef, maintenant nul n’est infaillible, d’ailleurs c’est l’érosion des ventes qui semble avoir justifié son licenciement. Cauvin n’a jamis prétendu être un clone de Goscinny, il a essayé de fabriquer son propre style. Pour Goscinny, je ne suis pas sûr que les relations entre les deux hommes aient été des plus cordiales, car à la fin des années cinquante, Goscinny avait du mal à se faire publier dans Spirou, à part Lucky Luke, déjà installé grâce à Morris.

        Pour être plus comparatif, Delporte a co-écrit une courte série sur la prohibition, Mulligan, pour Berck. Je ne suis pas persuadé qu’elle soit meilleure que les Gorilles, qui se situent à peu prés à la même période...

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      • Répondu par Michel Dartay le 16 janvier 2014 à  20:10 :

        Je ne me souviens pas trop bien des premiers Archie Cash (publiés et lus au début des années soixante-dix), à part le dessin assez inspiré par Hermann. Mais qu’en est il du coté réac des histoires ?

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  • Sacré Raoul:C’est l’athlète du divan.C’est allongé sur son meuble favori ,qu’infatigablement depuis des décennies maintenant ,il régale ,avec son talent d’humoriste à la coloration particulière.Il faut le souffle.Celui du marathonien .Mais surtout le souffle créatif.Et quelle est cette magie qui lui permet de toucher,au sens le plus valorisant du terme,le plus grand nombre ? Ça donne vraiment à réfléchir.

    Il a le talent de l’évidence.Et c’est pas rien. Évidence que les "beaux esprits" ,qui décidément ramènent tout à leur condition,confondent avec le simplisme.Ceci explique cela.Ça aussi donne à réfléchir.Une hiérarchie naturelle doit se faire au niveau des pas doués de la comprenante et des autres !

    Ses histoires ont une forme d’épure,de logique ,qui donnent à penser qu’elles ne pouvaient être racontées autrement.Ou alors pas aussi bien.Donc pas capable de réjouir une telle audience.Surprenant.Et admirable .O combien.Il y a du "less is more" dans sa manière,le parfois si décrié " moins c’est plus".C’est l’efficacité avant tout.Une efficacité plus commode à voir chez un dessinateur mais bien présente chez lui.Alors.

    C’est le mètre étalon de la bonne humeur.Lui.Il ne s’égare pas dans la provocation facile genre :Minnie n’est pas la fiancée de Mickey,en fait c’est son frère,il s’habille en fille parce que, honteux ,il en a une toute petite.D’où le nom :Minnie....Ohaa Trop créatif trop subversif.Loin de la vile médiocrité.Que d’articles enfiévrés en perspective !!Miam.

    Quel dialoguiste.Efficace là aussi.Ceux bondissants du Vieux Bleu et du Pauvre Lampil en font un incontournable du genre.Et marquent une estampille.C’est du Cauvin.C’est sa marque. Son talent.Du coup il n’y a pas de nécessité à vouloir qu’il soit un autre.

    Pour ceci et bien d’autres choses merci Raoul.Mais on peut dire aussi MONSIEUR Cauvin.

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    • Répondu par Oncle Francois le 23 janvier 2014 à  11:18 :

      Vous avez raison, ami occulte. Ce livre répare une grande injustice, puisque l’auteur (qui à mon avis est plus à l’aise dans les dialogues écrits de ses séries que dans l’accumulation d’interviews ; et qui est sans doute de surcroit un grand modeste) connait de son vivant la récompense d’une belle monographie. Un petit reproche, toutefois : la maquette est un peu monotone, avec trop souvent des illustrations sur la page de gauche, et du texte sur la page de droite. Et quel intéret de reproduire des planches pleines pages sur un format si réduit ? Le livre est consacré au scénariste, donc si on ne peut pas lire le contenu des bulles, quel intérêt ?

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      • Répondu par la plume occulte le 24 janvier 2014 à  12:29 :

        Je suis également d’accord avec vous cher Oncle le grand Raoul Cauvin est" un grand modeste".Humble et attentif aux autres.Comment voulez-vous dès lors que la colonne des "beaux esprits" se reconnaissent en lui....?!!

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  • Cauvin comme Trondheim est un boulimique, il privilégie la quantité de livres publiés, il essaye même d’être édité par Sandawe.

    http://www.sandawe.com/fr/projets/le-batard-des-etoiles-1

    Voir Cauvin se faire financer via un mouvement participatif, c’est une perversion du système je trouve.

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    • Répondu par Jacques le 25 janvier 2014 à  11:27 :

      Cela l’amuse^peut-être de tester le système, et il rend ainsi service à son ami Pinchart. N’oubliez pas que ses séries non vendeuses ne sont pas continuées chez Dupuis. Et que ce nouveau projet ne connaitra sans doute pas de prépublication dans Spirou

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PAR Didier Pasamonik (L’Agence BD)  
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