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Patrick Sobral : « "Légendaires Parodia" est un défouloir extrêmement ludique ! »

Par Charles-Louis Detournay le 30 juin 2016                      Lien  
"Les Légendaires", l'un des plus importants best-sellers pour la jeunesse de ces dix dernières années (plus de quatre millions d'exemplaires vendus) se décline via un nouveau spin-off parodique où son auteur Patrick Sobral se met en scène avec une réjouissante autodérision.

Patrick Sobral : « "Légendaires Parodia" est un défouloir extrêmement ludique ! »Débutons le tour d’horizon de votre univers par les Légendaires Origines, ce spin-off des Légendaires qui explique le passé de vos personnages. Le quatrième opus paru fin 2015 est centré sur Shimy, un personnage pourtant un peu moins adulé que le précédent Gryfenfer ?

C’est un atout, car j’ai précédemment dévoilé très peu d’éléments de son passé. La particularité de ce récit est justement de présenter beaucoup d’inédits au lecteur.

En présentant l’évolution naturelle de Shimy vers la magie, ce récit est un peu moins sombre que le précédent, même si vous présentez un affrontement terrible avec Solaris. C’est pour ne pas tomber dans la surenchère ?

Non, pas du tout. Je n’ai aucune velléité d’escalade dans la noirceur, ni d’éviter une quelconque surenchère. Je décris le passé de mes personnages, ce qui les a construit et leur a permis de forger les personnalités que les lecteurs connaissent maintenant bien. Certains d’entre eux ont un passé plus sombre que d’autres, sans comparaison d’un récit à l’autre. Ainsi, le prochain tome des Légendaires Origines, qui sera consacré à Razzia, devrait retomber dans plus de noirceur après l’école de magie de Shimy.

Les Légendaires Origines © Éditions Delcourt, 2015 – Sobral, Nadou

Ce quatrième Légendaire Origines se distingue également par une nouvelle forme d’humour. Certains clins d’œil glissés dans les détails restent dans la lignée des précédents récits, comme cette allusion à Game of Thrones, mais c’est surtout la première fois que vous apparaissez vous-même dans une planche du récit avec votre dessinatrice Nadou. Une volonté de préparer le public au premier tome des Légendaires Parodia ?

En effet, c’était la première fois que j’ai ressenti le désir de placer une forme d’humour décalé, comme une ellipse dans l’histoire. Cette première peut effectivement s’analyser comme un des prémisses de ce que j’ai développé par la suite dans Légendaires Parodia : un parallèle s’est fait inconsciemment, car j’avais déjà en tête ce décalage qui serait au cœur de ce second spin-off.

Pour la première fois, les auteurs se mettent en scène au sein des "Légendaires Origines"
Les Légendaires Origines © Éditions Delcourt, 2015 – Sobral, Nadou

Justement, comment est née cette envie de tourner en dérision vos personnages, votre équipe et vous-mêmes au sein de Légendaire Parodia, cette nouvelle série qui vient de paraître ?

Au fur et à mesure que la série des Légendaires s’est déclinée, le ton des albums s’est révélé de plus en plus dur, avec de moins en moins de place possible pour l’humour. Influencé par son ambiance progressivement apocalyptique, l’univers a perdu de sa fraîcheur et de sa légèreté. Or, j’avais le désir de repartir dans un contexte complètement délirant, exempt de dramaturgie, voire également de ligne directrice : bref, un défouloir extrêmement ludique !

Est-ce pour cela que vous avez choisi la forme des gags en une planche, un nouveau format d’écriture en ce qui vous concerne ?

Oui, au sein des Légendaires, je joue sur l’humour de situation pour désamorcer l’aspect dramatique de la scène en cours. En évacuant le contexte, on s’orientait alors résolument vers des gags, même s’il était moins évident pour moi de placer des chutes en fin de planche, sur le modèle des blagues. Ce modèle d’écriture différent, et le fait que je n’avais pas de quoi remplir un album complet, m’ont poussé à trouver un partenaire sur ce spin-off, à savoir Jessica Jung qui apporte sa vraie part de complémentarité au sein du duo que nous formons. Je pensais qu’on écrirait chacun la moitié de l’album, mais finalement, elle a souvent apporté les idées de départ, que je développais et pour lesquelles je trouvais la chute. Comme je le disais : un duo très complémentaire !

Les Légendaires Parodia © Éditions Delcourt, 2015 – Sobral, Jung

Dans cette série, vous jouez beaucoup de l’autodérision, mais vous instituez aussi un dialogue entre les Légendaires et vous-même !?

Je n’ai vraiment pas analysé le contexte de la série de cette façon. C’était surtout l’occasion de présenter les Légendaires dans un univers très déjanté, toujours en faisant preuve de beaucoup de franchise : on les perçoit comme si les personnages jouaient un rôle d’acteur plutôt que de vivre réellement leurs aventures. Ce décalage peut d’ailleurs induire un malaise auprès de certains lecteurs, et c’est pour cela que nous avons modifié certains éléments pour distinguer cette planète Parodia, où se déroule ce spin-off.

Vous apparaissez également comme un auteur-créateur de monde assez mégalomane, en constante discussion avec vos collaborateurs.

Au départ, nous voulions juste présenter un premier gag qui introduisait au sein de notre petit monde Jessica, la dessinatrice et co-scénariste de la série. Je ne pensais initialement pas qu’on réapparaîtrait aussi régulièrement dans l’album. Mais finalement, je trouve que présenter des coulisses des séries apporte une réelle valeur ajoutée, même si c’est bien entendu une vision bien déformée de la réalité. La présence des “créateurs” des série originales dans Parodia renforce l’aspect du monde parallèle.

Les Légendaires Parodia © Éditions Delcourt, 2015 – Sobral, Jung

Est-ce que la création de Légendaires Parodia répondait à une attente exprimée par des nombreux fans de votre univers ?

Non, mais la série est effectivement dédiée avant tout aux amateurs des Légendaires. Si les albums des Légendaires Origines répondait à une attente des lecteurs qui demandaient des aventures des Légendaires adultes, Légendaires Parodia est avant tout née d’une envie personnelle.

Au contraire des Légendaires Origines dans lesquels nous dédions un album par Légendaires, nous n’avons pas de plan préétabli pour Parodia. Nous allons nous investir tant que nous nous amusons et que nous avons des idées, afin de sortir un peu de la noirceur des deux autres séries. Rajoutons que Parodia s’adresse principalement aux fans des Légendaires, car une bonne connaissance de l’univers est nécessaire pour saisir l’humour que nous y avons glissé.

Les Légendaires Parodia © Éditions Delcourt, 2015 – Sobral, Jung

Vous rebondissez tout de même sur d’autres références, comme les Pokémon, Star Wars, Retour vers le futur, etc ?

Nadou & Patrick Sobral
Photo : Charles-Louis Detournay

Oui, nous faisions déjà des clins d’œil dans les deux autres séries, mais c’était souvent limité au second plan (personnages à l’arrière-plan, détails dans le décors, etc.) afin de ne pas casser le fil du récit. Au contraire dans Parodia, rien n’est à prendre au sérieux. On peut donc aller plus loin dans la parodie et les hommages aux œuvres cultes, voire même se focaliser dessus le temps d’un gag. Par exemple, la référence à la Reine des Neiges est une idée de départ de Jessica pour un autre gag, mais que j’ai développée différemment.

Justement, comment avez-vous rencontré Jessica ?

Comme pour Nadou, la dessinatrice de Légendaires Origines que j’ai rencontré sur Internet, je m’étais mis en recherche de jeunes auteurs prometteurs. J’étais en visite lors d’une précédente édition de Japan Expo, et j’ai pris quelques contacts aux stands amateurs. Après quelques tests, Jessica est sortie du lot, et je suis ravi car notre tandem fonctionne très bien.

Les Légendaires Parodia © Éditions Delcourt, 2015 – Sobral, Jung

Profitons pour faire un rapide point sur les Légendaires. Rappelons qu’après le retour de Danaël, le tome 17 proposait un incroyable cliffhanger, et qui devait se conclure sur la fin du cycle dans le tome 18, alors que Kalandre dévoilait enfin sa vraie nature. Comment avez-vous imaginé ce troisième et dernier cycle, dont vous dévoilez les prémices à la fin du tome 18 : un monde sans les Légendaires ?

Au début de mon travail sur Les Légendaires, je comptais terminer la série avec le combat contre Athanos. Finalement, je ressentais encore l’envie de progresser dans la psychologie de mes personnages, en dévoilant une trame plus mature : il s’agit du cycle de Kalandre qui vient de se terminer. Pour moi, il s’agissait presque de la fin de la série, mais ce n’était pas encore la conclusion dont je rêvais. Mais maintenant, je sais que j’ai trouvé comment clôturer cette série à la hauteur de mes attentes : avec la saga World Without.

L’affrontement final du second cycle...
Les Légendaires T18 : La Fin de l’histoire ? © Éditions Delcourt, 2015 - Sobral

Vous continuez toujours à proposer des surprises et des rebondissements de plus en plus innovants.

Les vrais passionnés des Légendaires me connaissent maintenant bien, et il devient de plus en plus complexe de les surprendre. Je pense pourtant que personne ne s’attendait au retournement de situation que l’on découvre à la fin du tome 18 intitulé La Fin de l’histoire ? , où toute la série est remise à zéro car on y apprend que les Légendaires... n’ont jamais existé ! Je dois d’ailleurs à mon éditeur d’avoir mis le point d’interrogation final à ce titre, et malgré cela, les théories les plus folles sont émises par les fans. Ce dernier cycle comptera quatre ou cinq albums, et je ne vais pas amener toutes les réponses dès le premier tome qui paraîtra à l’automne. Je vais donc distiller les indices au fur et à mesure, en travaillant sur la thématique d’un monde à la fois familier et nouveau pour les lecteurs. C’est le dernier baroud d’honneur.

On ressent votre appréhension avec ce coup de théâtre ; vous aviez pourtant été loin en tuant Danaël précédemment ! Les lecteurs vous en avaient voulu, mais ils ont été ravis de la nouvelle tournure de la série…

La conclusion du second cycle en a fait enrager certains. J’espère pourtant qu’il vont accepter de me suivre sur ce troisième cycle. Je suis convaincu du potentiel de ce dernier retournement de situation. Il y aura certainement un gros travail de communication à réaliser afin d’empêcher les lecteurs de croire que c’était la fin des Légendaires. J’espère juste ne pas avoir trop bien réussi mon coup… Réponse fin octobre !

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay

...avant un innovant rebondissement qui introduit le troisième et dernier cycle !
Les Légendaires T18 : La Fin de l’histoire ? © Éditions Delcourt, 2015 - Sobral

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 978-275607345

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A propos des Légendaires, lire :
- Patrick Sobral et le phénomène des Légendaires
- Angoulême 2013 : "Les Légendaires Origines" de Sobral et Nadou, Essentiel Jeunesse
- Angoulême 2014 : Les Légendaires, une expo dédiée au jeune public du festival
- Les Légendaires de Patrick Sobral (Delcourt) passent à l’écran
- les chroniques des tomes 11 et 13
- une interview de Nadou & Patrick Sobral concernant Les Légendaires - Origines : « Nous voulons tenir le lecteur en haleine, en réalisant des albums très denses ».

Photo en médaillon : Charles-Louis Detournay

 
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6 Messages :
  • Il faut se rendre à l’évidence, tant sur le plan graphique que littéraire, Patrick Sobral est un génie. Et quel sens de la composition et quel inventivité ! C’est grâce à cette série que Guy Delcourt a enfin été révélé comme le meilleur éditeur contemporain de bandes dessinées. Ils peuvent être fiers d’eux !

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    • Répondu par Gilles le 30 juin 2016 à  23:20 :

      C’est pas beau de se moquer. En attendant ça marche, ça a trouvé son public, c’est bien là le principal.

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      • Répondu le 1er juillet 2016 à  08:37 :

        Quel cynisme ! En clair, du moment que ça marche, peu importe la qualité. Détrompez-vous, Les Légendaires est une série de très haute qualité ! Et ce souci qualitatif se traduit par un succès quantitatif bien mérité pour l’auteur et son éditeur.

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    • Répondu le 1er juillet 2016 à  11:25 :

      Ils peuvent être fiers, en effet, de distraire et de faire rêver quelques centaines de milliers de gamins (qui ne constituent pas, même si vous pensez peut-être le contraire, un public plus méprisable que celui des adultes). Êtes-vous capables d’en faire autant ? Moi pas.

      Le succès extraordinaire des "Légendaires" est entièrement et uniquement dû à son public, aux jeunes lecteurs qui se sont spontanément passionnés pour cette saga. Croyez-vous qu’en dehors de l’école, quiconque est capable de les obliger à lire ce qu’ils n’ont pas envie de lire ? Avez-vous déjà vu Sobral en dédicace, assailli (gentiment) par des dizaines de gamins émerveillés ?

      Je pense qu’il doit effectivement, et sans ironie aucune, y avoir une part de génie (dans le sens magique du terme) chez Sobral pour avoir réussi à toucher ainsi l’imaginaire des jeunes.

      Et ça, ça se respecte !

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      • Répondu le 1er juillet 2016 à  12:26 :

        Je ne suis évidemment pas capable d’en faire autant. Je ne sais ni dessiner, ni écrire. Je ne suis qu’un simple lecteur et je n’ironise pas. Patrick Sobral est un véritable génie et Delcourt le meilleur éditeur de bandes dessinées actuel. Parce que je dis tout le bien que je pense de cette série, je suis aussitôt suspecté d’ironiser. Est-ce que je vous accuse d’être de mauvaise fi ? Non !

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