C’est peu dire que nous l’attendions : nous avions terminé notre entretien avec François Hercouët au printemps 2014 sur la possibilité de voir édité chez nous ce passage de Paul Dini sur Detective Comics et l’annonce avait été officiellement faite en août suivant. Voici donc ce run prévu en trois gros volumes de plus de 250 pages.
Paul Dini, scénariste atypique, travailla à la fois pour le monde du comics et pour celui des séries animées. Dans les années 1990, sa collaboration avec Bruce Timm sur la série Batman est particulièrement remarquée. Parmi les trouvailles et inventions des deux auteurs évoquons la création d’un personnage appelé à devenir majeur dans le Batverse : Harley Quinn.
En 2006, après Infinite Crisis, DC lui confie le magazine Detective Comics, celui qui historiquement vit naître le Chevalier Noir. En parallèle, Grant Morrison entame lui son immense run sur le titre Batman, dont Urban Comics a achevé il y a peu l’édition, toujours dans la collection "DC Signatures" (Grant Morrison présente Batman, en huit tomes plus un numéro 0).
Si Grant Morrison oriente son titre vers l’extraordinaire et conduit fréquemment son héros hors de sa cité pour de vastes aventures, Paul Dini inscrit, lui, son héros dans la veine du polar et n’en fait qu’une figure-relais de la faune de Gotham City. Et c’est bien là tout l’attrait de son travail sur Batman, redevenu l’enquêteur qu’il fut avant de se changer en super-héros.
Ainsi, ce sont souvent de "petits" malfrats, magouilleurs et arnaqueurs, que nous croisons dans ces pages, jalonnées de femmes fatales typiques de la tradition du roman noir. Les héroïnes de Batman - Poison Ivy, Harley Quinn, Zatanna mais aussi une nouvelle invitée dans ce volume - se trouvent revisitées, injectant au sein de ces aventures un trouble sensuel nouveau. Le travail de Paul Dini autour du personnel féminin du Batverse se révèle d’un soin précieux et d’une incroyable richesse.
Renouant avec le format des années 1970 d’histoires en un - ou deux - épisode(s), Paul Dini propose des récits denses dans lesquels, c’est avant tout un milieu, celui de la pègre de Gotham, qui se donne à voir, entre décomposition et recomposition. Batman se contentant la plupart du temps de superviser la résolution de l’énigme qui sert de cadre à cette plongée dans les bas-fonds.
Par petites touches, on assiste à la reconversion du Sphinx en détective pour la haute société et du Pingouin en gérant d’un club huppé, aux renaissances inattendues de Scarface et d’Harley Quinn. Mais on découvre surtout comment de simples gens glissent inexorablement dans le crime et se changent en dangereuses crapules. Que les fans de monstres se rassurent : le Joker tient toujours son rôle et gagne plusieurs fois le droit de nous le prouver. Mais arrangé à la manière de Paul Dini...
Pour sa maîtrise narrative et pour son atmosphère envoûtante, ce premier volume de Paul Dini présente Batman offre un immense plaisir de lecture pour tout amateur, de Batman ou de comics hard boiled.
(par Aurélien Pigeat)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Paul Dini présente Batman T1 : "La Mort en cette cité". Par Paul Dini (scénario), Don Kramer , J.H. Williams III et Joe Benitez (dessin). Traduction Mathieu Auverdin et Alex Nikolavitch. Urban Comics, collection DC Signatures. Sortie le 16 janvier 2015. 272 pages. 22,50 euros.
Participez à la discussion