L’objet de la condamnation est tellement anodin qu’on doit en conclure que c’en est fini de la liberté d’expression pour la caricature en Turquie. En cause, un dessin d’Özer Aydoğan daté du 21 août 2014 montrant le président turc sur les marches de son tout nouveau et mirifique palais d’Ankara s’adressant à ses employés, à l’occasion de l’investiture de sa réélection, pour leur reprocher de ne pas avoir égorgé un journaliste en sacrifice, par allusion au rituel que l’on fait dans l’Islam pour célébrer un grand événement.
Un dessin qui peut sembler banal si le reboutonnage respectueux de l’interlocuteur d’Erdoğan ne faisait pas penser, pour un esprit mal tourné, à un geste en forme d’anneau considéré comme homophobe en Turquie. Un membre de l’AKP, le parti de M. Erdoğan, porta plainte...
C’est donc sur cette base pour le moins spécieuse que le dessinateur Özer Aydoğan et son éditeur Bahadir Baruter, l’un des artistes les plus talentueux de Turquie, viennent d’être condamnés à 11 mois et vingt jours de prison pour "insulte à un représentant de l’état".
Absents du lors du jugement du Tribunal à Ankara (les auteurs habitent Istanbul...) qui les condamna en première instance à 14 mois de prison, les auteurs eurent beau plaider que le dessin dénonçait davantage les atteintes à la liberté de la presse en Turquie, qu’une insulte homophobe, rien n’y fit.
Leur peine a certes été commuée par le Tribunal en une amende de 7500 TL (€2500), mais elle n’augure pas un avenir radieux pour la liberté de conscience et d’expression en Turquie. Notre solidarité va aux auteurs.
Nous sommes tous Penguen.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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