« Je suis né pour révolutionner l’enfer » : voilà ce qui est tatoué sur l’épaule d’un cadavre fraîchement sorti de la mer, par un chaude journée de juillet 1974 sur la plage de Villassar, province de Barcelone.
Très vite, un certain don Ramon charge Pepe Carvalho, enquêteur privé, d’identifier le noyé, dont le séjour prolongé dans l’eau n’a laissé du visage qu’une chevelure blonde pour tout signe distinctif. Le commanditaire de l’enquête se montre peu bavard sur les raisons qui l’amène à engager Carvalho, si ce n’est de découvrir qui était la victime et ce qu’il faisait… Pepe Carvalho commence par faire appel à ses aides locales : Bromure, cireur de chaussures, indic à ses heures, et Charo, prostituée, amie et maîtresse du détective, dans un ordre que celui-ci utilise selon ses humeurs… et nécessités de son enquête.
Cette dernière commencera à Barcelone, avant de l’expédier jusqu’aux quartiers populaires d’Amsterdam et Rotterdam, où Carvalho est tout autant sur la piste de son mystérieux tatoué que des meilleurs restaurants du pays…
Une adaptation réussie
Ce Tatouage est l’adaptation éponyme de la première affaire du détective de Manuel Vazquez Montalban, un personnage apparu pour la première fois dans le roman J’ai tué Kennedy en 1972.
Dans une Espagne qui vit ses dernières années du franquisme et où des posters de Farah Fawcett ornent les salons de coiffure, Pepe Carvalho mène son enquête avec ce qui va devenir sa marque de fabrique : singularité, sensualité et détachement…
Pour lui, l’art de la table compte bien plus qu’un quelconque art martial, et le coup de feu qui lui parle le plus est celui qui se déroule dans les arrière-cuisines. D’entrée, Migoya et Segui nous le font savoir, en montrant Carvalho au restaurant, puis au marché, perdu dans ses pensées culinaires. Le soliloque intérieur est d’ailleurs une autre estampille du carvalhoisme : voici un détective dont on suit tout autant les cogitations sur l’affaire en cours que sur le monde qui l’entoure. Ou sur ce qui semble bien être son autre obsession : les femmes. Ce qui donne une narration un brin labyrinthique et nécessite une vraie concentration de lecture… tout à fait plaisante !
La transposition à l’image par Bartolomé Segui de cette Espagne et cette Hollande des années 1970 est une une vraie réussite : décors et costumes garantis d’époque, soucis des détails architecturaux et de la décoration intérieure, jusqu’au papier peint psychédélique… Et une galerie de personnages, dans un trait semi-réaliste, à laquelle on a fortement envie de s’attacher.
Tatouage est au final une véritable porte d’entrée à l’univers désenchanté d’un romancier du Noir qui a marqué le genre. C’est aussi à cela que l’on mesure la réussite d’une adaptation.
(par Fred PRILLEUX)
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