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Philippe Huart : "Walt Disney représente l’Amérique triomphante des années quarante et cinquante."

Par Christian MISSIA DIO le 7 janvier 2013                      Lien  
Afin de terminer 2012 et débuter 2013 en beauté, la galerie Petits Papiers Sablon propose une exposition consacrée aux dessins animés intitulée : "Disney, la part du rêve". Elle confronte les travaux du peintre contemporain Philippe Huart avec ceux du maître de Burbank.
Philippe Huart : "Walt Disney représente l'Amérique triomphante des années quarante et cinquante."
Pierre Laurent et Philippe Huart

Quel est le but de cette expo ?

Pierre Laurent : Nous voulions montrer la richesse du travail des animateurs de Walt Disney. En ce qui me concerne, j’ai prêté les différents originaux qui ont servi à faire les films de Disney. Certains sont très anciens. Par exemple, il y en a un de Blanche Neige avec Simplet, deux autres de Peter Pan et de Merlin l’enchanteur. Ce sont des celluloïds, des dessins originaux qui ont servi à faire les films classiques de Walt Disney. Merlin l’enchanteur date de 1963, Peter Pan a été réalisé en 1952. La Belle au Bois dormant, c’est 1959. Le public doit bien se rendre compte que c’est une époque révolue car aujourd’hui, tous les dessins animés sont réalisés à l’ordinateur. Même si il y a une partie animée, toute la partie décors est créée numériquement. Finalement, nous allons découvrir des vestiges du dessin animé, des "vieilleries", si l’on veut utiliser un terme péjoratif, mais qui émerveilleront par leur qualité d’exécution et de précision, surtout les décors qui sont de véritables peintures !

Philippe Huart, pouvez-vous nous expliquer en quelques mots le traitement particulier que vous avez fait de Mickey en tant que peintre ?

Philippe Huart : À l’origine, je voulais exprimer toute la culture américaine à travers une icône connue de tous. L’histoire des États-Unis est beaucoup plus récente que celle de nos pays européens. J’ai constaté que dans le message et le discours qu’ont pu émettre les grands présidents tels que Lincoln ou Roosevelt, il se dégageait une certaine grandeur et une utopie.

Pourtant, malgré l’affection que je porte à ce pays, je trouve qu’ils ont un peu raté leur coup sur ce point... ils se sont complètement fourvoyés par rapport aux espoirs qu’ils avaient ! J’ai donc fait des recherches pour retrouver ces fameux discours afin d’en extraire certaines phrases emblématiques de ce que aurait pu être ce pays.

Ensuite, je me suis demandé comment j’allais utiliser tout ce matériel en tant que peintre. J’ai cherché quelque chose qui pouvait symboliser cela et après quelques tentatives, je me suis dit que Mickey pourrait illustrer mon propos plus efficacement.

Pour moi, Mickey exprimait à lui seul ce que je voulais dire. Du coup, je m’en suis plus servi comme d’un prétexte. C’est parfois difficile de faire admettre ce point de vue car le personnage a une telle force que le message que je veux apporter derrière ne passe pas forcément. C’est avant tout Mickey qui prend le pas sur tout ce que l’on veut exprimer d’autre.

Disney - la part du rêve

Peut-on classer votre travail dans le courant du Pop Art ?

Philippe Huart : Non, pas vraiment. C’est vrai que j’ai toujours été intéressé par la culture américaine et que j’ai de nombreuses références dans le Pop Art mais mon œuvre est en décalage avec tout ce qui a été fait dans ce domaine car c’est le point de vu d’un Français, d’un Européen qui s’exprime.

J’estime donc qu’il y a un décalage, car j’ai une vision différente de cet art. Et puis, il y a aussi un décalage de génération. C’est un mouvement qui représente un certain nombre d’artistes à une certaine époque. J’ai bien puisé mon inspiration chez certains d’entre eux, mais cela s’arrête là. En tant qu’artiste, je ne pense pas que l’on puisse faire abstraction de nos références car on a plus de 20 siècles de culture et je ne compte pas les hommes préhistoriques !

Le crapeau et le maître d’école
Décor original non utilisé
Une toile de Philippe Huart d’après Disney

Peut-on considérer votre expo comme une sorte de condensé de l’histoire du cinéma d’animation ?

Pierre Laurent : Ce serait prétentieux de dire cela d’autant plus que cette expo n’est pas représentative du foisonnement du cinéma d’animation dans le monde. Mais c’est vrai qu’à travers mes différents travaux et expositions que j’ai faits, je me suis efforcé de montrer cette histoire-là. La plus importante a été réalisée au Grand Palais à Paris et dans celle-ci, j’ai montré toutes les influences européennes qui ont marqué Disney. Néanmoins, cette exposition-ci nous dépeint un âge d’or du dessin animé.

Comment avez-vous fait pour réunir une telle collection ?

Pierre Laurent : Toutes ces pièces viennent en vérité de dons que faisait Disney aux personnes qui visitaient ses parcs et studios. On a des exemples célèbres comme avec la princesse Grace Kelly qui avait reçu un cellulo de la Belle et le Clochard lors de la naissance d’une de ses filles. Certains celluloïds ont été vendus dans les parcs Disneyland au public pour une bouchée de pain. D’autres, enfin, ont été offerts à la presse comme publicité pour la promotion de leurs films.

Cela fait un peu plus de trente ans que j’écris et expose sur Walt Disney et le cinéma d’animation et, avec le temps et de la patience, j’ai réussi à rassembler toutes ces pièces.

Malheureusement, cela ne représente qu’une petite partie du patrimoine Disney parce que beaucoup de ces documents ont été détruits car ils prenaient beaucoup trop de place dans leurs archives. Par exemple, le dessin animé de Merlin l’enchanteur a nécessité 250 000 celluloïds et autant de dessins !

Blanche-Neige 3
Encres de couleur sur papier. 27x22 cm.

Quel regard portez-vous sur le travail des uns et des autres ?

Pierre Laurent : Je trouve cela hyper-intéressant et c’est une expérience que j’avais déjà faite à l’époque de l’expo au Grand Palais de Paris car il y avait tout un espace réservé aux artistes contemporains et dans lequel ils exposaient leurs visions de Disney et de Mickey. C’était une très belle exposition qui est d’ailleurs devenu itinérante. Elle a été exposée à Montréal et elle fut particulièrement enrichie à cette occasion.

Ce que j’aime, c’est l’aspect universel de Mickey et, forcément, des films de Disney. Quel que soit l’âge que l’on a, on en a tous une vision différente. On avait interviewé des personnalités à ce sujet. Par exemple, Pour Pierre Tchernia, c’est Blanche Neige et les Sept nains et pour Luc Besson c’était Le Livre de la Jungle. Donc, suivant la génération dont on fait partie, on a un Disney préféré. Et puis, trente ans plus tard, on le regarde toujours avec ses yeux d’enfant.

Dans l’interprétation de Mickey, on ressent ces chosesèlà aussi sauf qu’elles sont devenues modernes. Le travail de Philippe Huart est représentatif de cette modernité car il utilise un personnage qui date de 1928 mais dans une vision contemporaine.

Ce n’est pas pour rien que lorsque l’on se rend à Disneyland, quelques kilomètres avant d’arriver au parc, on est accueilli par le Mickey apprenti sorcier du film Fantasia. Ce film, qui ne devait être au départ qu’un court métrage, a été le projet d’animation le plus cher de son temps ! À l’époque, Walt Disney avait rencontré au restaurant Léopold Stokowski, qui était un très grand chef d’orchestre et a qui il a proposé d’adapter l’œuvre du compositeur français Paul Dukas. C’est parti de là. Le film fut tellement réussi que c’est devenu le long métrage le plus populaire de Walt Disney, grâce notamment à cette fameuse séquence de 14 minutes et 23 secondes.

Peter Pan - Crochet furieux

Souhaiteriez-vous ajouter quelque chose Philippe Huart ?

Philippe Huart : Je n’ai rien d’autre à dire. Il a tout dit ! Walt Disney fait presque partie de nos gènes car tout le monde connaît ses dessins animés et c’est pour cela que j’ai pris Mickey, car c’est un personnage compréhensible par tous. Il est incontournable !

Pierre Laurent : Si on voulait prendre un équivalent, on aurait pu opter pour la silhouette de Charlie Chaplin mais à part lui, il n’y en a pas beaucoup.

Philippe Huart : Je pense quand même que Mickey est au dessus de Chaplin. C’est une icône aussi forte que la Statue de la Liberté ! Initialement, j’avais d’ailleurs pensé à la Statue de la Liberté pour mon expo mais c’est un symbole figé Tandis que Mickey vit et représente à travers son auteur les USA triomphantes des années quarante et cinquante. C’est le symbole du renouveau de l’Amérique post-crise de 1929, car par un geste simple qui est le dessin, Walt Disney a réussi à créer un empire. C’est un symbole de notre civilisation contemporaine.

Pinocchio
Story drawing - Crapule changé en âne

(par Christian MISSIA DIO)

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Code EAN :

GALERIE PETITS PAPIERS SABLON à Bruxelles

Place du Grand Sablon

8A rue Bodenbroeck

1000 Bruxelles

Tél. +32 (0) 2 893 90 30

Mobile +32 (0)478 319 282

Courriel : contact@petitspapiers.be

Le site de la galerie

 
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