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Philippe Xavier : "J’ai toujours été captivé par l’orientalisme"

Par Nicolas Anspach le 18 décembre 2007                      Lien  
Philippe Xavier s’était fait remarquer en succédant à Alberto Varanda sur {Paradis Perdu}. Ce dessinateur au trait réaliste élégant avait rejoint les éditions du Lombard en illustrant {Croisade}. Avec Jean Dufaux, il nous emmène en Orient, à Jérusalem, où une guerre sainte éclate entre les Chrétiens et un sultan. Une force maléfique, le Qua’dj, semble tirer les ficelles de ces évènements.

Votre parcours est atypique. Après des études en Amérique du Sud, vous partez aux États-Unis pour y faire des comics…

J’y suis allé en touriste, avec mon sac à dos, puis ai décidé d’y vivre sans avoir l’intention de travailler dans ce secteur d’activité. Quatre ans après mon arrivée, j’ai décroché mon premier travail dans les comics. À vrai dire, durant ma jeunesse, je n’ai jamais été friand de ce genre de bande dessinée. Je préférais les BD franco-belge classique comme celles de Moebius ou d’Hermann. Aux USA, j’ai découvert les X-Men dessinés par Jim Lee. Une claque ! Son travail a été le déclencheur de mon envie de travailler dans ce genre-là. J’ai fais des essais pendant un an, et de refus en refus, j’ai finalement décroché un contrat.

Philippe Xavier : "J'ai toujours été captivé par l'orientalisme"Quel est votre formation graphique ?

Aucune. Seulement les conseils d’auteurs de comics tels que Jim Lee ou Marc Silvestri. Ils m’ont permis de me perfectionner. J’ai démarré dans ce métier en réalisant le dessin de 18 numéros de Legendlore, une histoire d’Héroïc Fantasy. Et j’ai de manière irrégulière travaillé sur des illustrations ou des histoires courtes autour de personnages plus connus tels que X Men et Wolverline.

Comment en êtes-vous arrivé à publier « Le Souffle », une série aux éditions Soleil en 2004 ?

Jean Wacquet m’avait téléphoné aux USA, et nous avons sympathisé. Il a deviné mon envie de dessiner des bandes dessinées, et m’a mis en relation avec Ange. J’ai dessiné le premier tome du Souffle aux États-Unis. Je suis rentré vivre en France pour différentes raisons familiales et j’ai commencé les premières pages du deuxième tome de cette série. Jusqu’à ce que l’on me propose de reprendre Paradis Perdu. Je ne connaissais pas le travail de Varanda, et encore moins la reconnaissance qu’il avait des autres auteurs. Son travail me paraissait proche de celui de certains dessinateurs de comics…

Vous ne le connaissiez vraiment pas ?

Non. J’ai arrêté de lire des bandes dessinées européennes entre mes 18 et mes 33 ans, excepté les auteurs classiques qui me faisaient rêver lorsque j’étais adolescent. J’ai découvert le travail de Varanda en m’attaquant à la reprise de Paradis Perdu. J’ai dessiné les trois derniers albums de cette série. Après cela, j’ai souhaité reprendre Le Souffle et boucler cette histoire en un deuxième et dernier tome. Mais Soleil voulait que je me consacre à d’autres projets.

Etude préparatoire pour une illustration

Entretemps, j’ai rencontré Gauthier van Meerbeeck, éditeur au Lombard, qui m’envoyait régulièrement des scénarios. Ces projets étaient souvent fort intéressants, mais je n’y adhérais pas. Je les ai refusés poliment, jusqu’au jour où il me téléphone pour me dire que Jean Dufaux appréciait mon style. Il avait flashé sur un album de Paradis Perdu qui traînait sur un coin du bureau de Gauthier. Nous nous sommes rencontrés à Bruxelles et avons parlé de nos envies, de nos influences. Je voulais faire quelque chose de différent tant dans les thèmes que dans la forme.

Ils n’étaient pas réticent de réaliser ce dépliant, qui est au cœur de l’album ?

Pas du tout. Ils étaient en plein réflexion concernant la collection Portail. Ils ont été séduits par cette idée. Nous avons eu un souci lors de l’impression de ce livre. Il était tellement bien découpé, à l’identique d’un album normal, que l’on ne devinait pas que certaines pages se dépliaient. Ils ont du le réimprimer. Chaque album contient un dépliant. Les services marketing et commerciaux ont joué le jeu…
Dans le découpage de son intrigue, Jean a tenu compte de cette contrainte. Ainsi, chaque pan du dépliant montre une des armées, et à l’intérieur, le lecteur peut découvrir la bataille.

Illustration pour "Croisade"

Pourquoi traiter des croisades ?

C’est un genre qui privilégie l’aventure ! Les croisades en Orient, à Jérusalem, permettent de dessiner des décors fabuleux tant pour les paysages que pour les constructions orientales. J’ai toujours été captivé par l’orientalisme. Et puis, j’ai été un grand lecteur des Tours de Bois-Maury d’Hermann

Quelle relation avez-vous avec Jean Dufaux ?

J’ai emménagé à Bruxelles au mois de mai 2006. Je le vois donc fréquemment. C’est un plus de travailler de la sorte. Il critique mes crayonnés et s’inspire de mon dessin pour inventer la suite de l’histoire. Il s’imprègne de mon travail, tout comme moi du sien. Notre relation est humaine, amicale et riche.
Je travaillais différemment avec Ange. Je recevais les pages par mail. Je les dessinais dans mon coin. Nous nous voyions que deux ou trois par an. Notre relation était plus distante. À l’époque, cela ne me dérangeait pas…

Votre style graphique est très esthétique.

C’est celui qui me vient naturellement. Le style est quelque-chose d’inné, que l’auteur a en lui. J’ai besoin de dessiner des choses qui me plaisent…

Il se raconte que vous vous rendez régulièrement chez Hermann pour lui montrer vos planches.

C’est vrai ! Il m’a proposé de lui montrer mon travail de temps en temps. Il prend le temps d’analyser mes planches et de me conseiller sur le cadrage ou la mise en scène. Parfois il prend le crayon pour me montrer certaines erreurs. Je me souviens d’une côte de maille que j’avais dessinée : ce dessin ne collait pas car on ne ressentait pas la lourdeur de cet habit. Il a dessiné un personnage dans la même posture et avec les mêmes vêtements. C’était beaucoup plus expressif !
J’ai modifié quatre ou cinq cases dans le premier tome suite à ses conseils. Hermann reste fort humble, et est surtout très franc. Il dit ce qu’il pense, sans avoir besoin de plaire ou déplaire.

Pourquoi voir inventé une nouvelle croisade pour votre récit ?

Nous ne sommes pas dans le registre du récit historique, à l’instar de Murena. Nous avons inventé une nouvelle croisade, qui s’intercale entre la troisième et la quatrième. Le lecteur a ainsi des repères qu’il peut reconnaître facilement : Jérusalem, le Saint-Sépulcre, etc. Nous voulions prendre quelques libertés par rapport à l’histoire. L’intrigue comporte beaucoup plus d’éléments fantastiques que Jean ne l’aurait imaginé. La vision de Jean me plaît beaucoup. Dans le deuxième album, on découvrira un nouveau personnage : le maître des machines. On ne le verrait pas dans les livres d’Histoire (Rires).

Ce récit tiendra sur trois albums ?

Oui. Je n’ai pas d’autres projets pour le moment. Je suis en passe de boucler le deuxième tome, qui sortira en juin 2008. Enfin, tout dépendra du coloriste, Jean-Jacques Chagnaud

Pourquoi avoir mentionné que les couleurs étaient réalisées avec la technique traditionnelle ?

Tout simplement parce que l’utilisation de cette technique est de plus en plus rare en bande dessinée. Mon style est détaillé et riche, mais aussi moderne. Les couleurs traditionnelles sont beaucoup moins froides que celles réalisées avec l’outil informatique.
J’ai été épaté par le travail de Jean-Jacques Chagnaud sur « Où le regard ne porte pas ». Il est le coloriste idéal pour Croisade. Il voulait travailler avec nous, mais avait un problème de planning. Eric Stalner a accepté de retarder l’un de ses livres pour que Jean-Jacques puisse travailler avec nous. Je le remercie pour cette attitude élégante !

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Illustration (c) P. Xavier, J. Dufaux & Le Lombard
Photo en médaillon (c) Nicolas Anspach - Reproduction interdite sans autorisation préalable.

 
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