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"Portugal" de Cyril Pedrosa, l’événement-émotion de la rentrée BD

Par David TAUGIS le 3 novembre 2011                      Lien  
Alors que Dupuis annonce un retirage après plus de 17 000 exemplaires vendus, ce {one shot} de poids s'impose comme un événement de la rentrée BD. {Portugal} ne se contente pas d'exposer les états d'âme d'un auteur quasi-jumeau de son personnage, mais explore bel et bien la question de la mémoire et du lien familial.

C’était un risque éditorial. Un vrai. Avec ses 260 pages et son prix de vente à 35 euros, faire de Portugal un succès n’était pas une mince affaire. Ici même, nos forums ont vu jaillir des critiques de toute sorte : ennuyeux, égocentrique, bavard... La presse magazine, essentiellement non spécialisée (Télérama, Le Nouvel Obs, Ouest France, RTL...) en faisait un coup de cœur remarqué tandis que les passionnés de 9e art se montraient plus divisés. Première distinction à la clé : Le Prix de la BD du Point 2011...

Simon Muchat, notre personnage, auteur BD blasé, pas loin de la grosse déprime créative et existentielle, ressemble à d’autres. Le photographe du Combat ordinaire vient à l’esprit, par exemple. Mais la différence, c’est la quête de ce Muchat (avec un "T" à la fin, étonnant pour un nom portugais...) : un long parcours vers le pays des origines qui démarre après quelques étapes douloureuses : une séparation, la remise à plat de toute une façon de vivre.

"Portugal" de Cyril Pedrosa, l'événement-émotion de la rentrée BD

Tout le talent et l’originalité, en donnant tout son sens à ce terme, de Pedrosa, c’est bien d’avoir organisé son album avec soin. Plus on avance, plus la découverte des origines et du Portugal occupe l’espace du récit, de même que des personnages extraordinaires que Simon Muchat va croiser, famille ou voisins.

Chacune des parties représente une plongée progressive, à la fois vers l’identité profonde du personnage et vers le passé, dans une mémoire de l’immigration liée à des raisons économiques et politiques, si fondamentale pour nombre de descendants de Portugais et d’Espagnols (catalans notamment).

Si l’on peut difficilement résister à cette passion pour le Portugal que fait grandir Pedrosa, c’est parce qu’il il glisse suffisamment d’éléments universels pour ne pas laisser le lecteur au bord du chemin. Même les dialogues en portugais, nombreux dans le texte, s’avèrent parfaitement digestes.

Certes, les couleurs auraient pu s’habiller différemment, vers plus de réalisme ou de contraste plutôt que ces teintes uniformes les unes à côté des autres. Mais ce choix esthétique ne ralentit en rien ce voyage. Ni la réflexion qui lui succède... Émotion garantie.

Voir en ligne : découvrir le blog de l’auteur consacré à l’album

(par David TAUGIS)

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10 Messages :
  • Ça fait des années que l’on court après le "romanesque en bande dessinée". Pedrosa y est arrivé.

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  • L’autre risque éditorial était de prépublier gratuitement sur internet les planches plusieurs mois avant la parution de l’album, sur le site 8comix. Une publication régulière au fil des semaines qui n’a pas nuit à la réussite commerciale du livre papier, bien au au contraire. Saura-t-on le nombre de lecteurs qu’elle a pu fidéliser au point de leur donner envie d’acheter l’objet à la fin, plutôt que de se contenter de la lecture gratuite en feuilleton ? Sans doute pas, on ne peut mesurer le comportement de tous les lecteurs internautes anonymes... Mais même si les données sont trop volatiles pour en tirer des conclusions, je serai curieux de savoir combien de lecteurs sont venus lire Portugal sur internet. En tout cas, un bel exemple d’une heureuse combinaison de la gratuité numérique et de l’objet papier payant. Et cela, à propos d’une oeuvre qui n’est pas un blog, mais un véritable roman graphique au long cours !... Bravo M. Pedrosa ! Et bravo les éditions Dupuis !

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    • Répondu par Gwen le 3 novembre 2011 à  10:53 :

      La lecture "gratuite" est une chose, mais la différence de support joue aussi... Ce sont deux "contrats de lecture" différents qui sont proposés. On a connu ça avec les pré publications dans les magazines (payants) autrefois. Ils faisaient connaître un album ou une série, sans nuire aux ventes, au contraire. Lire en pré publication peut donner envie d’acheter l’objet, de posséder un livre, d’avoir un confort de lecture et un rapport autre à l’œuvre. Tout ça est complémentaire.

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      • Répondu par Sergio Salma le 3 novembre 2011 à  12:29 :

        Exactement. Très amusant de devoir rappeler que l’album a été longtemps l’objet qui suivait une publication dans une revue. TOUS les albums classiques de nos bibliothèques avaient connu un première vie dans les journaux mythiques. On peut en plus ajouter que certains de ces journaux existent toujours. Mais il y a aujourd’hui bien plus d’auteurs que ne pourraient en contenir les revues hebdos ou mensuelles) . Internet aujourd’hui peut en partie prendre ce relais mais en n’influant aucunement sur les questions économiques des projets. ça change absolument tout.

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        • Répondu par Thomas le 3 novembre 2011 à  15:33 :

          Comment ça "en n’influant aucunement sur les questions économiques des projets" ?
          Il suffit de voir l’exemple des Autres Gens pour voir que bien sûr que si ça peut aussi modifier les enjeux économiques.
          (ou bien je n’ai rien compris, ce qui est hautement probable avec moi, d’où ma question)

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          • Répondu par Sergio Salma le 3 novembre 2011 à  23:01 :

            Oui exact, pardon, j’ai complètement négligé les nouvelles structures de cet ordre. C’est la notion de blog que je mettais en avant. Et là encore, je me demande si un site ultra-fréquenté n’attire pas des annonceurs...Mais est-ce que le modèle économique est viable ? Comme l’étaient les revues pendant très longtemps, Si oui et si l’album existe dans la foulée, est-ce le même compte d’exploitation suivant le modèle économique de l’éditeur qui possédait à la fois la revue et qui éditait les albums. Spirou, Tintin ou Pilote ont eu des tirages qui nous sembleraient effarants aujourd’hui. Pour en revenir à Portugal, moi qui ai tendance à faire long , un seul mot : chef-d’oeuvre.

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            • Répondu le 4 novembre 2011 à  02:31 :

              un seul mot : chef-d’oeuvre.

              Oui mais bon, maintenant tout est chef d’oeuvre, le dernier Spielberg, Murakami,le cd de Thomas Dutronc ou n’importe quoi qui sort un peu du lot. Chef d’oeuvre onéreux celui-ci, 35 euros, je regrette les brochés à 3 francs 50 (qui font encore de l’usage en plus, je relis toujours mes vieux Lucky Luke).

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              • Répondu par Sergio Salma le 4 novembre 2011 à  12:07 :

                D’accord avec vous quand vous dites que le terme est trop souvent utilisé donc galvaudé . Etant encore un lecteur assez attentif ( c’est évidemment subjectif) il me semble tout de même que Portugal mérite le compliment . La définition du chef-d’œuvre est double. Personnellement, dans sa première acception c’est au regard de l’œuvre d’un artiste ce qu’il a fait de supérieur. Même si Trois ombres était déjà une claque, Portugal visite des territoires avec une force peu courante. Pedrosa prend son temps , les cases sont des moments suspendus et il apporte le même soin à un visage dans un taxi au second plan qu’à un paysage. Car tout est important dans ce récit. Il s’agit de sensations, d’images, d’odeurs , d’espace, de lumière... Et pour faire naître cette émotion auprès du lecteur( après tout pourquoi l’auteur ne garde-t-il pas cette intimité pour lui seul ?) il faut une science incroyable. Bien sûr le dessin est remarquable et tellement en accord avec le sujet mais ce qui est plus fort encore c’est cette constance. Qu’on soit en page 3 ou en page 200, l’auteur a la même conviction dans son propos. Le récit est long car l’auteur a décidé de retranscrire méticuleusement toutes les étapes qui font naître les émotions ; En ça , on pourrait même dire que le récit est trop court, qu’il y a des milliers d’ellipses. Le récit aurait pu s’attarder sur les nuits, les silences...quand le personnage s’endort ou rêve, on aurait pu montrer ce qui se passe dehors la vie qui continue. Pedrosa prend la réalité et avec grâce la "découpe". Et attention, je ne défends pas le livre qui n’en a pas besoin ; je défends simplement cette idée qu’un auteur ait un réservoir à ce point rempli d’émotions et qu’il s’investisse autant sur un projet hors norme. Il est là aussi le chef-d’oeuvre , dans cette mise à l’écart des contingences matérielles . Au regard du sujet ( après tout pas grand-chose ) comment l’auteur accomplit un travail sur lui-même autant qu’un travail rémunéré. Chef -d’œuvre aussi donc dans l’environnement actuel où les considérations de tous ordres entrent en ligne de compte. Il y a une vigueur dans cette entreprise-là qui mérite un coup de chapeau. Je ne serai pas le seul à saluer ce livre qui est évidemment une bête à concours ! Sinon, il est sûr que la notion de chef-d’oeuvre est fluctuante, qu’elle est un effet émanant du contexte culturel .

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                • Répondu par Sergio Salma le 4 novembre 2011 à  16:09 :

                  Et j’ajouterais qu’il y a un paquet de Lucky Luke très moyens. Aïe pas sur la tête.

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  • Même les dialogues en portugais, nombreux dans le texte, s’avèrent parfaitement digestes.

    Si on lit le portugais, sinon ils s’avèrent frustrants.

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