Rosemary Elisabeth « Posy » Simmonds publie depuis des années dans le quotidien londonien The Guardian où elle produit des illustrations et des strips qui mettent en scène la classe moyenne anglaise, en particulier le milieu littéraire. Un peu comme si notre Brétécher s’était mise à chroniquer les ridicules de Saint-Germain des Prés. Cela donne en particulier deux livres en tous points remarquables, traduits chez Denoël Graphic : Gemma Bovery, le récit d’une jeune anglaise en rupture avec sa famille londonienne venue découvrir les émerveillements de la campagne normande. Mais elle n’a pas vraiment changé depuis Flaubert ; l’ennui continue de tarauder ses occupants. Pour se distraire, notre héroïne prend un amant sous le regard d‘un narrateur qui n’est autre que Joubert, le boulanger, témoin et chroniqueur des désillusions de la belle.
Ce destin de femme libre se retrouve dans Tamara Drewe qui est le prototype de ces prédatrices urbaines dont le nez refait et les jambes interminables font tourner la tête des mâles de la bourgeoisie intellectuelle, Gentry comprise, en particulier quand cette amazone décide de se mettre au vert à la campagne dans une communauté de personnalités plus ou moins connues, retirées du monde afin de « créer en paix ».
Cette fois, ce n’est pas Flaubert qui l’inspire, mais Thomas Hardy et son Loin de la foule déchaînée dont l’héroïne est une femme volontaire qui refuse la main de deux prétendants pour l’accorder à un troisième, un bellâtre un peu fade. Ici, on retrouve ce schéma : une femme et trois hommes. Tamara met en émoi cette communauté d’écrivains, montant en épingle leurs angoisses, leurs insécurités et leurs orgueils… La fascination est réciproque : elle pour leur célébrité, eux pour sa beauté. Elle n’est pas la seule cause de cette touchante tragédie mais elle catalyse des évènements finalement utiles à ses « victimes » un peu consentantes, appliquées qu’elles sont à sortir de l’ordinaire : « C’est très difficile d’écrire, nous dit Posy Simmonds. Tout le monde voudrait écrire un livre, mais c’est extrêmement dur. » C’est pourquoi ces écrivains se retrouvent comme les taureaux affolés de la prairie voisine.
Tamara, quant à elle, écrit pour un « journal de caniveau » une prose vulgaire et sans portée. Elle ressortira néanmoins de cette histoire en ayant appris autant sur elle même que sur l’écriture.
Tamara Drewe est une réussite tant graphique que narrative qui mérite amplement cette distinction accordée par l’ACBD, une association qui compte 81 journalistes et critiques qui parlent régulièrement de bande dessinée dans la presse écrite, audiovisuelle, nationale et régionale, ou sur l’Internet. L’ouvrage a été choisi parmi quelque 3543 nouveautés publiées dans l’espace francophone européen (France, Belgique, Suisse), entre novembre 2007 et fin octobre 2008.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Posy Simmonds par D. Pasamonik (L’Agence BD)
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