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Poulbots - Par Patrick Prugne - Éditions Margot

Par Charles-Louis Detournay le 24 décembre 2014                      Lien  
Après ses trois récits "indiens", Patrick Prugne revient à l'Europe en réalisant une fable urbaine enfantine, au centre de Montmartre, au début du XXe. Artistes et anonymes s'y croisent sous les pinceaux de ce surdoué, de quoi faire un des grands albums de cette fin d'année.

L’Alph-Art Avenir obtenu en 1990 fut l’impulsion que Patrick Prugne attendait pour se lancer dans la bande dessinée. Il réalisa tout d’abord deux séries chez Vents d’Ouest : Nelson et Trafalgar sur un scénario de Goupil ainsi que Fol seul aux commandes.

Poulbots - Par Patrick Prugne - Éditions Margot
L’intégrale de L’Auberge du Bout du Monde vient de paraître chez Casterman

Mais la collaboration avec Tiburce Oger sur la trilogie de L’Auberge au Bout du Monde représente certainement le tournant de sa carrière. Dans cette fable bretonne de la fin du XIXe, Prugne soigne effectivement son atmosphère avec ses couleurs soignées et travaillées. Ses traits disparaissent parfois dans les arrières-plans et paysages, afin de laisser ses aquarelles prende le pas : ses brouillards et ses éléments maritimes rivalisent alors avec ceux des plus grands noms du neuvième art.

Le galeriste-éditeur Daniel Maghen ne s’y trompe pas : les planches et originaux de cet auteur sont aussi exemplaires que particuliers. Il publie alors le nouveau récit du tandem : Canoë Bay qui connaîtra un retentissement conséquent. Ces contrées sauvages de l’Amérique du Nord mêlant paysages et aventures conviennent à Patrick Prugne. Il prolonge seul le partenariat avec Maghen, pour un ensemble de deux récits : Frenchman et Pawnee.

Pour son nouvel album, Prugne change alors aussi radicalement d’univers que d’éditeur. Ce sont effectivement les Éditions Margot qui l’accueillent, désirant ainsi se lancer dans la bande dessinée dans la foulée de leur collection jeunesse. Quant au cadre, fini les indiens et les sous-bois : Prugne s’est installé dans le Montmartre de 1905, aux côtés du dessinateur-illustrateur Poulbot et des gamins des rues qu’il a si bien dépeints et défendus. Il leur a d’ailleurs donné son nom : les Poulbots.

En ces années encore difficiles, l’abysse qui sépare les classes sociales n’est pas un vain mot. Sur la butte Montmartre, des familles sont expropriées faute de pouvoir payer leur loyer. C’est notamment le cas d’un gamin, membre d’une petite bande qui fait les quatre cents coups près de la rue Lepic.

Pour remédier à ce tragique départ forcé qui les met à la rue, nos poulbots kidnappent le fils d’un promoteur immobilier qui s’était égaré, afin de demander une rançon. Ce petit bourgeois va se retrouver immergé dans l’univers et le quotidien de ces miséreux. Malgré le choc culturel bilatéral, peu à peu vont se tisser des liens d’amitié entre les enfants.

Si l’on s’est éloigné du continent nord-américain qui avait fait sa renommée, Patrick Prugne n’a rien perdu de son efficacité pour ce retour en Europe. Loin de dépeindre une misère sociale crue, la mise en situation de ces enfants permet d’aborder avec douceur et poésie ce climat particulier où les artistes côtoient les miséreux et les promoteurs immobiliers.

Même si on ressent plus les aspirations de liberté de ce jeune bourgeois sous la coupe de son père, nous n’avons pas le temps de bien connaître les différents enfants pour distinguer leur caractère. Qu’importe ! Montmartre est en définitive le véritable personnage de l’histoire, avec ses individus authentiques comme Bibi-la-Purée ou ces artistes emblématiques tels que Poulbot, Steinlen, Bruant, Dorgelès, etc.

À la vue du seul personnage féminin de cet album, on sent venir une pointe de regret : Prugne aurait pu lui donner un rôle plus éloigné du cliché. Mais il voulait avant tout se baser sur les dessins de Poulbot et les cartes postales d’époque, afin de faire revivre la Butte, le temps d’un album. Un pari réussi haut la main, et on prend autant de plaisir à feuilleter le carnet en fin d’album (une tradition "prugnienne" des plus réjouissantes), qu’à tracer les parallèles entre ses cases et les photos d’époque, sa technique ne laissant justement pas transparaître ce support.

Miroir de la pauvreté de l’époque, Poulbots n’est pas une histoire haletante, mais plutôt une belle fable qu’enfants et parents pourront lire à leur tour, chacun y trouvant sa part de beauté et rencontres. Le tout est bien entendu sublimé par le dessin et les aquarelles de Patrick Prugne, ce qui en fait une grande réussite pour les Éditions Margot, et un album à ne pas louper en cette fin d’année !

(par Charles-Louis Detournay)

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