Je viens de lire quelque-part sur un réseau social que "le storytelling de notre histoire est désormais écrit par les terroristes". C’est sans doute vrai si nous nous contentons de relayer la peur qu’ils nous inspirent. Cela ne l’est pas si nous les affrontons avec courage, avec détermination, en restant fidèles à nous mêmes, à exprimer notre foi en la culture et en la liberté de conscience et d’expression.
Ces moments d’obscurantisme, nous les avons déjà connus, nous les connaîtrons encore. Nous devons briser le silence de la peur comme ces journaux turcs qui ont osé, au lendemain du 7 janvier, défiant leur gouvernement islamo-conservateur, mettre en une de leur journal : "Je suis Charlie". Depuis, ils ont été condamnés à la prison, ils ont du mal à garder la liberté de ton qui était la leur il y a un an encore.
Je vis au cœur du quartier qui a été touché par les attentats. J’ai dîné au Petit Cambodge, je suis allé au Bataclan, je remonte la rue Fontaine au Roy presque tous les jours, j’étais il y a deux jours dans une librairie BD de la rue de Charonne. Aujourd’hui je vais ressortir, j’irai aux mêmes endroits. Je n’ai pas peur.
Lors des attentats de janvier dernier, nous écrivions "Il faut continuer le combat de Charlie Hebdo". Nous avons regretté le concert sirupeux d’hommages absurdes qui a suivi et qui détournait la vérité de leur message : la liberté de conscience, l’anticléricalisme, l’anticonformisme... On a eu droit à des débats sur une liberté d’expression qui n’a jamais existé et qui n’existera jamais, quand il ne s’agissait pas de minables règlements de compte personnels indignes des idéaux que nos amis de Charlie Hebdo représentaient.
Je me souviens du beau discours de Blutch à Angoulême s’adressant au ministre de la culture, reprochant aux politiques d’avoir laissé des dessinateurs sans défense en première ligne, de la rage de Jean-Christophe Menu devant la récupération tous azimuts du drame de nos amis dessinateurs. C’était digne. J’ai compris l’abattement de Luz, anéanti, dégoûté. Il n’est pas le seul et il faut bien du courage à Riss pour tenir ainsi qu’il le fait au milieu de la tempête. Je continue à acheter Charlie toutes les semaines, n’en déplaise aux imbéciles. Je suis Charlie et rien d’autre.
C’est avec une profonde reconnaissance que je vois les dessins que nous ont donnés à chaud nos amis dessinateurs ces dernières heures, à commencer celui de Baudoin en médaillon de cet article, qui rend hommage à nos amis, nos proches, nos sœurs et nos frères qui sont tombés cette nuit. Baudoin, toujours digne, merci.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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