Cette héroïne, apparue pour la première fois dans la dernière planche du comics Wolverines #2, série nouvelle qui fait suite à la mort annoncée de l’hirsute mutant aux griffes en adamantium Wolverine, est une voleuse experte qui peut créer des illusions dans la tête de ses adversaires et échapper ainsi aux balles qui la ciblent... Pratique dans son activité. Elle dispose également d’un lien psychique avec son drôle d’animal, un renard étrange du nom de Culpepper, victime probable, comme elle, du programme de l’Arme X... Mais c’est le troisième numéro de Wolverines qui introduit vraiment ce tout nouveau personnage, à priori une Française, qui répond au doux nom de Fantomelle.
Pas de rapport avec Fantômette, personnage fameux des romans jeunesse de Georges Chaulet publiés dans la Bibliothèque Verte chez Hachette, mais plutôt avec Fantomex, un membre des X-Force, une équipe de mutants made in Marvel à qui le programme Arme X (projet gouvernemental canadien qui avait pour but de modifier des hommes ou mutants afin d’en faire de parfaits soldats. C’est ce programme Arme X qui a greffé un squelette en adamantium sur les os de Wolverine) qui aurait en quelque sorte copié ou volé les pouvoirs pour créer Fantomelle. Cette mutante artificielle a survécu à Paradise, curieuse organisation développée par la série dans un imbroglio narratif dont les comics ont le secret et dont on vous épargne pour l’instant les détails...
Cette maîtresse-voleuse semble dévolue à un domaine particulier : dérober des accessoires appartenant à des super-héros, qu’elle revend à un courtier-receleur spécialisé dans ce genre de souvenirs. Étrange, non ? Décidément, les collectionneurs en tous genres, avec leur soif frénétique d’exclusivités sont d’irrécupérables fous furieux.
On se souvient également, pour rester dans ce domaine qui valorise honteusement notre fibre cocardière appuyée, de Nightrunner, un autre super-héros français "récent" appartenant à l’univers de DC Comics, de son vrai nom Bilal Asselahe. Créé en 2010 par le scénariste anglais David Hine et le dessinateur Tom Lyle, il était d’origine algérienne et de confession musulmane sunnite. Il venait de Clichy-sous-Bois et fut repéré par Batman qui voulait en faire un assistant combattant du crime. Un personnage qui avait fait du bruit, notamment auprès des politiciens conservateurs des États-Unis...
On remarque au passage que l’industrie des comics s’est engagée depuis un certain temps dans un vaste plan de féminisation et d’ouverture de ses titres aux diversités ethniques sexuelles, religieuses et sociales.
Un marketing de la diversité
Fantomelle peut en être vue comme un bon exemple. Déjà, Axel Alonso éditeur-en-chef chez Marvel Comics, structure éditoriale qui a souvent eu un coup d’avance sur ces questions sociétales, l’affirme : "Sans afficher de politique officielle en la matière, la volonté serait à la promotion de la diversité, que ce soit en termes de protagonistes, de fiction comme au niveau du choix des artistes. Lentement, nous avons fait des progrès sur ce front particulier."
Il est vrai que, en ce qui concerne la représentativité féminine, une étude du marché du marché étasunien datant de 2014 avait révélé que 46,67% des lecteurs de comics étaient des lectrices, d’où cette attention soudaine.
C’est là d’ailleurs qu’Alonzo y va sans détour : "Nous croyons qu’il existe un public de femmes qui ont faim de comics, et nous voulons nous assurer qu’elles obtiennent de quoi se sustenter. C’est une réponse par l’affirmative. Dans la logique capitaliste !" Voilà qui a le mérite d’être clair. Il rajoute, en bon communicant : "Nous sommes à un niveau record d’environ 30% de femmes dans la rédaction du groupe, environ 20% de notre gamme est constituée de comics avec des femmes super-héroïnes, et notre gestionnaire principale de talents, Jeanine Schaefer, recherche activement des scénaristes et des artistes femmes. Ainsi, vous pouvez voir que nous sommes à l’écoute des préoccupations de nos fans afin de faire les choses au mieux à leur endroit." On n’en a jamais douté...
La féminisation de l’univers des super-héros
C’est ainsi que le personnage Thor le dieu nordique, symbole s’il en est de la virilité, a été remplacé dernièrement par une femme en raison du fait que Thor Odinsson -le Thor d’origine- n’apparaissait plus assez méritant pour être le porteur de Mjölnir, le célèbre marteau mystique, symbole de la charge divine asgardienne !
Ainsi aussi, la dernière Miss Marvel en date, qui porte le nom de Kamala Khan, est une jeune pakistanaise d’origine, qui plus est musulmane, héroïne d’une série dont l’objectif éditorial est précisément de briser les préjugés des lecteurs américains envers la jeunesse musulmane. Kamala est une Américaine dont les parents sont des immigrés pakistanais conservateurs modérés, et qui se trouve tiraillée entre ses deux éducations pas toujours raccords. On suit sa vie, elle qui a bien du mal à suivre la sienne, notamment dans sa difficulté à s’intégrer parmi ses camarades alors que ceux-ci stigmatisent ce qui la rend différente.
Ses doutes et ses paradoxes sont conçus par la scénariste G. Willow Wilson, Américaine musulmane convertie, tandis que la série à été inspirée par l’éditrice de chez Marvel Sana Amanat qui, au détour d’une conversation informelle, parlait de ses problèmes pour vivre sereinement son quotidien en tant que femme de confession musulmane aux USA. Un sujet qui, loin des tropismes communautaristes particuliers, apparaît comme universel.
Cette nouvelle Miss Marvel qui lutte autant contre un ostracisme latent que contre des super-vilains, a fait du remous au pays de l’Oncle Sam : quelques politiciens ont haussé le ton, surtout après le 7 janvier dernier et les insupportables événements de Charlie Hebdo, aux répercussions mondiales. Kamala Khan a même servi d’étendard en juste contre-feu à l’encontre de certains esprits qui s’échauffaient à San Francisco, pourtant ville ouverte par excellence, attisés par d’opportunistes souffleurs de braises.
Alors oui, il y a un fond de militantisme chez cette nouvelle Miss Marvel musulmane, ou dans cet afflux d’héroïnes, décideurs, artistes représentants de la diversité la plus large, souvent choisis précisément pour s’occuper des titres que cette ouverture au monde concerne.
Rappelons que, depuis longtemps déjà, on avait vu se multiplier dans les comics les personnages chrétiens, juifs, bouddhistes, de couleur, homosexuels, etc. Mais les mots prononcés par Axel Alonzo plus haut en attestent : ces velléités procèdent toujours, il ne faut pas l’oublier, d’une froide logique capitaliste.
Le monde bouge. Connaître le profil de l’acheteur est vital pour toute entreprise moderne qui se veut offensive et pérenne. Pas d’illusion pour le monde des comics, donc, qui est avant tout une industrie. Ce qui n’empêche pourtant pas la créativité : les artistes sont têtus... Dans notre petit monde de la BD franco-belge, pourtant très orienté idéologiquement vers ce que l’on qualifiera à gros traits de "vision humaniste dominante", nous ne sommes pas forcément les mieux placés pour ironiser sur cet état de fait. La BD reconnue comme étant de qualité ne semble être que d’un seul type, enrubanné dans un format qui singe le livre plutôt que l’album, moins prestigieux. Un format cependant que de plus en plus de gens issus de la diversité, crise économique oblige, ne peuvent plus s’offrir....
Pour en revenir aux comics, cette manœuvre d’ouverture des éditeurs US, pleine de contradictions, a cependant le mérite de faire avancer les choses, Axel Alonso l’éditeur-en-chef chez Marvel Comics déclara même dans une interview au quotidien The Telegraph (sept. 2014) qu’il était même ouvert à l’idée d’animer un super-héros transgenre ! Chiche ?
(par Pascal AGGABI)
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