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Pour une caricature de Moïse, le journal turc Gırgır ferme ses portes.

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 19 février 2017                      Lien  
La Turquie file un mauvais coton démocratique, c’est une évidence depuis de nombreux mois. Mais il restait quatre journaux satiriques qui tenaient le cap : LeMan, Uykusuz, Penguen et Gırgır. Pour avoir publié une caricature de Moïse, Gırgır a fait l'objet d'un déferlement d'insultes et même un appel à massacrer la rédaction de la part de quelques excités. Dans la foulée, un procureur assigne l'hebdomadaire et le propriétaire du journal décide d'arrêter le titre.

Aujourd’hui, les Français devraient l’écrire et le faire circuler sur Twitter : « Je suis Seyfi Sahine  ». C’est par lui que le scandale arrive : il publie dans l’hebdomadaire satirique Gırgır une caricature de Moïse guidant les Juifs hors d’Égypte, ses coreligionnaires maugréant contre cette équipée aventureuse...

Figure sacrée pour l’islam comme pour le judaïsme, ce dessin du prophète a provoqué un raz de marée de réactions haineuses sur les réseaux sociaux, certaines appelant à « massacrer la rédaction ». Résultat : Le 17 février 2017, le procureur de la République de Küçükçekmece, impressionné par ce déferlement, assigne le titre en invoquant l’article du Code pénal turc qui punit le blasphème. Quant au porte-parole du président Erdogan, Ibrahim Kalin, il s’est fendu d’un tweet considérant que ce dessin n’avait « rien à voir avec l’humour et la liberté d’expression », pire : que « c’est immoral et un crime de haine.  »

Pour une caricature de Moïse, le journal turc Gırgır ferme ses portes.
L’image qui a fait scandale

Gırgır n’est pas n’importe quel journal. C’est le premier grand journal satirique de la période moderne créé en 1972 par l’éditeur Haldun Simavi mêlant esprit Underground, érotisme, humour et politique. Dans ses belles années, il tirait à plus de 500.000 exemplaires par semaine et jusqu’à un million quelquefois. Il était dirigé par Oğuz Aral (1936-2004) et Tekin Aral (1941-1999) et a dû son immense notoriété à sa sourde opposition aux pouvoirs militaires en place. Toute la génération des dessinateurs et des éditeurs des grands journaux satiriques actuels sont issus de ce journal fondateur. Le titre s’arrêta en 1993 et la marque fut rachetée en 2015 par le groupe Sözcü qui possède aussi un quotidien nationaliste d’opposition, mais dont la politique éditoriale pour Gırgır était d’ordinaire moins incisive que ses concurrents LeMan, Penguen et Uykusuz.

Cet aspect timoré se confirme dans cette affaire car c’est l’éditeur lui-même qui a décidé de fermer le titre, s’excusant pour cette « caricature offensante » qui avait échappé à la vigilance de la direction « débordée et fatiguée », invoquant une volonté délibérée du dessinateur de « mettre l’entreprise dans une position délicate ». Ce brillant patron de presse a même déclaré se mettre à la disposition du procureur pour désigner les responsables... C’est gracieux.

L’étau se resserre sur la presse satirique turque. Après la condamnation de Penguen, l’embastillement de deux journalistes de Cumhuriyet pour avoir publié des dessins de Charlie Hebdo, la saisie du « spécial coup d’état » de LeMan, les pressions sur Uykusuz, c’est le premier des quatre grands hebdomadaires satiriques de Turquie qui ferme, et il s’agit de Gırgır, la symbolique est forte.

Aujourd’hui, nous devrions tous être #jesuisGirgir

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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6 Messages :
  • Non, le site n’a pas fermé à cause d’une caricature de Moïse. Dire ça, promouvoir cette fausse information, c’est faire le jeu du dictateur.
    La caricature de Moïse n’est qu’un prétexte. Le titre de votre article masque la réalité, et peut faire accepter ce qui se passe en Turquie plus facilement. Vous faites le jeu de ce dictateur. Je trouve ça dommage pour actuabd qui en dehors de ça est plutôt un bon site.
    Un meilleur titre aurait pu être "Sous prétexte de caricature de Moïse, le pouvoir turc fait fermer le journal Gırgır". Ou similaire (je ne suis pas journaliste).

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 19 février 2017 à  18:04 :

      Eh bien, cela se voit que vous n’êtes pas journaliste. Un journaliste n’aurait pas votre absolue assurance d’avoir raison. Mais examinons votre argumentation.

      Non, le site n’a pas fermé à cause d’une caricature de Moïse. Dire ça, promouvoir cette fausse information, c’est faire le jeu du dictateur.
      La caricature de Moïse n’est qu’un prétexte.

      L’article se contente d’énoncer les faits. Prétendre que c’est de la fausse information est une malhonnêteté. Nous avons recoupé l’information auprès de diverses sources, en Turquie, et auprès même des membres de la rédaction.
      ActuaBD est sans doute le seul site d’information sur la BD en France où la bande dessinée turque est présente de façon précise et documentée. Les plus grands auteurs turcs ont été interviewés dans nos pages (Galip Tekin, Ersin Karabulut, Memo Temlbecizer, Ramize Erer...) Les connaissez-vous seulement ?

      Le titre de votre article masque la réalité, et peut faire accepter ce qui se passe en Turquie plus facilement. Vous faites le jeu de ce dictateur. Je trouve ça dommage pour actuabd qui en dehors de ça est plutôt un bon site.

      Nous connaissons très bien la situation en Turquie. Nous sommes quotidiennement en contact avec des personnalités de la bande dessinée turque. Nous ne faisons le jeu de personne, et encore moins du gouvernement islamo-conservateur de M. Erdogan.

      Un meilleur titre aurait pu être "Sous prétexte de caricature de Moïse, le pouvoir turc fait fermer le journal Gırgır". Ou similaire (je ne suis pas journaliste).

      Cela se voit que vous n’êtes pas journaliste. Votre information est fausse. C’est l’éditeur, dont nous soulignons dans l’article la lâcheté, qui a fermé le journal et licencié ses 25 employés, pas le pouvoir turc.

      Plus que le gouvernement, ce sont des éléments actifs de la société turque elle-même qui font pression pour que la liberté de la presse soit entravée. Et c’est bien plus violent encore que ce que vous pouvez imaginer.

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  • Peut-on avoir une traduction du texte du dessin, ou est-ce trop dangereux ?

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    • Répondu par Zemnos le 20 février 2017 à  13:54 :

      Traduction littéral…

      De gauche à droite
      -  Je baise ta bouche (en gros : ferme ta gueule)
      -  J’ai tapé le bâton par terre et la mer rouge s’est ouvert en deux ! Qu’elle ne le fasse pas si elle ose !
      -  Il nous a niqué la tête toute la route sans se taire… Si t’es si fort que ça… pourquoi ne pas avoir combattu les soldats au lieu de séparer la mer en deux… enfin bon vaut mieux que je ferme ma gueule..
      -  Qu’est ce tu nous a niqué la tête (en gros : casser les couilles) mon oncle…

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      • Répondu par Margot le 1er mars 2017 à  12:39 :

        Les textes (merci pour la traduction) sont grossiers voire ordurier mais l’idée, la caricature sont amusantes. ActuaBD, vous omettez de préciser que la Turquie est un pays en passe de devenir une dictature islamiste. Les Juifs ne sacralisent pas leurs prophètes, Moïse pas plus qu’un autre, même s’il est une des grandes figures de la Torah... et ils n’appellent pas au meurtre pour des caricatures religieuses.

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