Catharsis de Luz figure en bonne place dans la sélection d’Angoulême 2016. "Dans ce livre touchant qui remet les idées en place, écrivions-nous en juin dernier, Luz est seul face à la gravité qui l’assaille. Qui peut l’aider ? Pas même celle qu’il aime, ou si peu. Il doit lui-même se reconstruire. Il s’exprime comme un artiste, avec une éloquence qu’aucun média ne saurait égaler. Carthasis est un livre marquant, essentiel, poétique, magnifiquement dessiné, un moment de dignité."
Comment France-Info pouvait-il éviter de distinguer Charlie-Hebdo dans son « Prix de la bande dessinée d’actualité et de reportage » ? Qui, mieux que Luz a pu être au plus près de cette terrible tragédie, de son ressenti, de ses tourments et de l’exprimer en bande dessinée ? Personne, sauf Riss peut-être.
"Le jury du 22ème prix France Info considère que Luz a réussi à mettre des images et des mots sur notre sidération, écrit Jean-Christophe Ogier. Luz se dit fier de recevoir le Prix France Info mais il ajoute que ce livre, Catharsis, est désormais derrière lui. Il ne peut pas le relire, il ne peut même plus dessiner sur l’actualité. Luz a quitté Charlie Hebdo où il était entré en 1992."
Quel terrible constat que celui-là : un journaliste que le terrorisme a fait taire et qui se tourne vers un dernier projet : l’adaptation en bande dessinée du chef-d’œuvre d’Albert Cohen, Ô vous, frères humains. Tout un symbole...
Un renard malin
Si l’actualité a imposé le choix de France Info, ce n’est pas le cas pour le Prix BD 2016 de la Fnac choisi par le vote des lecteurs de la Fnac sur le site Internet de l’enseigne. Parmi 30 titres proposés, une short-list s’est dégagée dans laquelle figuraient six titres pour la plupart présents dans la liste des nominés d’Angoulême 2016 : California Dreamin’ de Pénélope Bagieu (Gallimard BD), Le Grand Méchant Renard de Benjamin Renner (Delcourt), Cher Pays de notre enfance d’Étienne Davodeau et Benoît Collombat (Futuropolis), Le Piano oriental de Zeina Abirached (Casterman), Le Sculpteur de Scott McCloud (Rue de Sèvres) et Undertaker, tome 1 de Ralph Meyer et Xavier Dorison (Dargaud).
La récente polémique féministe angoumoisine n’a pas empêché le choix de l’album de Benjamin Renner dont notre collaborateur David Taugis disait le plus grand bien sur ActuaBD.com, voici un an : "Il y a du Reiser dans les mines dépitées et les formes à tendance molles des personnages de Benjamin Renner. Mais il y a surtout une magnifique idée de scénario qui redistribue les rôles dans le monde animal. Les poules sont toniques et organisées, le cochon est bête mais brave, le lapin crétin et serviable, et le loup malin mais pas si mauvais bougre.
La petite famille des trois poussins et du renard/maman malgré lui apporte un lot de cocasserie d’une redoutable efficacité. On sent bien la rédemption hésitante de notre chasseur au museau pointu, mais aussi le poids de la fatalité qui l’écrase un peu plus à chaque scène. Renner touche à l’universalité tout en raccrochant systématiquement son récit à des réalités humaines très contemporaines. L’arrivée des poussins à l’école, par exemple, est implacablement irrésistible. Maîtrisé jusque dans sa conclusion sarcastique, Le grand méchant renard fait partie de ces belles surprises de la BD qui apportent à l’auteur un crédit massif. Et surtout de quoi persévérer dans le neuvième art."
Les lecteurs de la FNAC ont dû ressentir la même chose...
Hier soir, le scénariste Wildrid Lupano , qui avait reçu le prix l’année dernière et qui avait trois titres dans la sélection, a remis le trophée au nouveau récipiendaire. Le coréalisateur du dessin animé Ernest et Célestine, conçu avec Belges Vincent Patar et Stéphane Aubier, et en partie réalisé et produit à Angoulême par Les Armateurs et le studio Blues Spirit, un film qui avait été, rappelons-le, nominé aux Oscars, trouve ici une reconnaissance éclatante de son talent.
Avant un nouveau prix la semaine prochaine ? Pour lui, en tout cas, 2016 commence bien.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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