Cet homme qui chute a choisi son destin. Michel végète dans un service d’archives de la sécurité sociale et vit en reclus, agité d’obsessions urbaines, et de tendances dépressives. Rapidement placé en arrêt maladie, il utilise son temps libre à creuser son malaise existentiel, tout en plongeant dans la vie d’un malfrat qu’il a croisé par hasard. C’est l’escalade, mais en sens inverse. Pour Michel, le chemin va mener au bord du précipice.
On pense immédiatement aux personnages de Michel Houellebecq en entrant dans la vie de ce grand frustré solitaire, devenu incapable de sauvegarder les apparences sociales. Tiré du roman de Tristan Perreton (même titre, paru en 2015), ce volume impressionnant allie séquences introspectives souvent poignantes et échappées savantes sur les conflits en Afrique, la prostitution, le marché du diamant... Le voyage n’est pas de tout repos pour le lecteur, plongé dans des cases charbonneuses aux décors glaciaux.
Si parfois les auteurs forcent le trait, notamment dans la quête de la plus grande crudité, le propos s’appuie sur un personnage marquant. Michel expose des contradictions dans lesquelles beaucoup peuvent se reconnaître, et son désespoir reste cohérent.
Et puis on erre avec lui dans Lyon, ses contrastes, ses zones sombres, ses reliefs. Hors de tout cliché. Les apartés oniriques (la vie fantasmée du malfrat) auraient pu être écourtés, et les têtes à têtes médicaux développés. Mais globalement ce récit de chute - fall, en anglais, faut-il le préciser - maintient une puissance d’évocation constante. Et le destin de cet employé en pleine noyade s’ancre dans l’esprit du lecteur pour longtemps.
(par David TAUGIS)
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