Quand le Père Noël met le Paquet !

Au-delà des locomotives représentées par les ouvrages de Romain Hugault ou l’étonnante reprise de Bob et Bobette (Amphoria) ; l’« ex-petit éditeur » s’invite désormais parmi les grands avec un choix éditorial de plus en plus large.

D’abord les petits…

Le nouveau label Chours propose une série de nouveautés au jeune public. A tout seigneur tout honneur, Tony Sandoval, directeur de collection Calamar invite nos chères têtes blondes à fréquenter son univers macabre, fantastique et toujours un peu effrayant. Dans ce petit album au format italien, il nous mène à suivre une petite fille accompagnée de son cerf-volant à travers une forêt peuplée de monstres et autres bestioles inquiétantes. Elle finira par rencontrer un immense chien-loup. Brrr !

Le livre du dessinateur mexicain, Jour de vent, s’apparente davantage à un album de littérature jeunesse qu’une véritable bande dessinée. Mais quand même, quelle claque !

Dans la même collection, les amateurs de « petites bestioles » découvriront les habitudes et les caractéristiques de la plupart de nos insectes.

Avec L’École des bestioles de Xiangmin Wu, spécialiste chinois des petites bêtes, Ji an Xia et jianyu zhuang nous plongent dans cet univers minuscule. À la suite de ce premier tome devraient paraitre d’autres volumes tout aussi séduisants consacrés aux larves et aux faux insectes !

Déclinée en quatre tomes ( et sous forme de roman) cette série se revendique pédagogique, ciblée , et ludique. Le graphisme hésitant entre l’esthétisme proche du dessin animé et du « manga » suffira-t-il pour séduire le jeune public ? C’est le pari de ce produit très ciblé qui n’est pas sans rappeler d’autres tentatives du même genre.

Côté comique...

Au sein de la collection Kramiek, les amateurs d’humour décalé (pour ne pas dire déjanté...) ont déjà pu trouver matière à se régaler. De nouveaux auteurs de Flandres ou des Pays Bas viennent enrichir cette collection recyclant certains thèmes déjà connus sous l’angle d’un humour flirtant avec l’absurde et le non sens. Usant d’un graphisme assez convenu, une ligne claire classique, quatre nouvelles publications nous font découvrir cette nouvelle BD d’humour, venue du Nord.

© Illustrations de Otto de Frofo de Decker - Editions Paquet

De la Ferme aux îles pas si désertes que ça, Sti décline toute une série de situations délirantes.

La ferme,du Lillois Sti nous offre un panorama assez inédit de la vie à la campagne. Vu côté bétail ou basse cour, « l’humour est dans le pré », avec ces veaux, vaches, cochons qui passent leur temps à faire les pires bêtises, n’hésitant à reculer toujours plus loin les limites du ridicule et de l’absurde. Cet univers loufoque qui rassemble des gags parus dans divers supports (Journal de Mickey, Spirou ou Lanfeust Mag) est à rapprocher d’un autre album pour lequel l’auteur a confié la mise en images à Cromheecke  ; L’Île carrément perdue.

Les pingouins y remplacent les vaches ; les paysans sont devenus pirates ou naufragés mais l’humour absurde et décalé subsiste pour le plus grand plaisir des amateurs. Humour exotique mais tout autant déjanté figure au programme des mésaventures de ce naufragé involontaire mais heureusement pas solitaire !

Dans Jump, Charel Cambré nous entraine dans le monde fabuleux mais sans pitié des compétitions de BMX. Nous suivons l’intrépide Brains et sa bande de copains dans leurs tribulations pour conquérir le titre de vainqueur à la compétition locale. On n’échappe évidemment pas aux manigances, triches et dopages de toute sorte sur fond de cascades et de virées trépidantes !

Amusante synthèse entre un esprit « Spirou » ou « Schtroumpf », voire « Totoche », cette première histoire se lit avec plaisir sans pour autant révolutionner le genre. Registre classique aussi bien sur le plan de la narration que sur celui du dessin pour les aventures de cette sympathique bande de copains qu’on retrouvera sans doute prochainement dans les bacs.

Avec le premier tome de cette nouvelle série Coloc’, Aimée de Jongh s’adresse à un public plus citadin. Toute l’intrigue est dans le titre ! Faut-il préciser que cette jeune auteure nous relate les bons et mauvais jours d’Aimée et Stef , colocataires pour le meilleur et pour…le rire. Au fil de cette série de gags plus ou moins drôles, plus ou moins autobiographiques on suit les deux héros dans leurs péripéties quotidiennes. Les situations vécues par cette jeune néerlandaise sonnent « vrai » par la description simple et concrète des joies de la vie en société ou de la promiscuité domestique. A découvrir avec son colocataire préféré !

Otto du néerlandais de Frofo de Decker, reste sans doute l’album le plus intrigant et le plus intéressant de cette sélection. Au cours d’un voyage aux limites du merveilleux et du non sens ce curieux personnage à l’aspect lunaire croise un poisson au-dessus de lui.

Après avoir rejoint la surface, il rencontre non pas une belle sirène mais le roi Neptune qui se servira de lui comme appât pour pêcher des requins ! Un peu plus tard (ou plus loin), on le retrouvera en compagnie de Noé et son arche. Otto n’en sera pas pour autant au bout de ses peines !

Au fil de strips de format inégaux, on suit avec amusement les aventures rocambolesques, absurdes de ce petit bonhomme sympathique aux prises avec des personnages insolites, au fond des océans, comme sur les sommets. Pleine d’humour et de poésie, les tribulations d’Otto fantastiques et muettes (car toutes ces histoires sont sans paroles) séduisent aussi bien par la simplicité du trait que l’absurdité des situations proposées. L’un des albums les plus inventifs de cette collection !

Trois petits singes, premier volume de la nouveauté-événement d’Emilio Van Der Zuiden.

Rayon aventures

On s’intéressera tout particulièrement aux aventures de Mc Queen, archétype du privé plutôt perturbé (qui suit une thérapie suite à la mort de son ex girl friend !). Chargé d’enquêter sur la disparition de la nièce d’un colonel reconverti en marchand d’art, partie avec son secrétaire, le détective se retrouve vite mêlé à une affaire aux multiples ramifications. Le mystérieux assassinat de son associé va motiver Mc Queen à creuser une affaire qui s’éloigne vite de l’enquête de routine. Coups de feu et belles américaines cabossées, filatures et femmes fatales ponctuent ce récit haletant ayant pour décor le New-York de 1967. Emilio Van Der Zuiden réussit son immersion dans un polar noir et contrasté. Révélé à travers des séries automobiles tendance glamour (les enquêtes de Margot ou les filles de l’oncle bob) cet auteur franchit une nouvelle étape avec un album solo, graphiquement très réussi, dont l’intrigue dense et touffue nous tient en haleine de bout en bout. On attend avec impatience la suite de ce thriller très prometteur.

Autre univers qui nous invite à un audacieux voyage dans le temps et l’espace : Le Dixième Peuple, premier album de ce jeune auteur nous plonge dans une atmosphère mythologique fortement influencée par l’ancienne Égypte sur les pas du nain Aha, membre du clergé doté de pouvoirs magiques. Ce dernier cherche avant tout à profiter des plaisirs de la vie (tous les plaisirs !) jusqu’au jour où le grand prêtre Dahouty choisit de renier sa foi. Un événement qui bouleverse l’équilibre bien fragile d’un monde où les hommes aux pouvoirs magiques, et des animaux qui se prennent pour des dieux se disputent pouvoir et territoires à l’ombre de temples gigantesques aux architectures démesurées.

Neuf peuples zoomorphes cherchent à asseoir leur pouvoir sans hésiter à recourir à la force et à la violence. Pour mettre fin aux menaces de guerre et de chaos, Aha devra se faire aider par le plus puissant des peuples ennemis des hommes, les Ded-wen. Commence alors une course longue et difficile pour rejoindre ces félins vindicatifs et violents, une marche que l’on devine semée d’embûches.

Si on perçoit à travers ces aventures chimériques et ces combats furieux , le récit reste bien mené, fort bien servi par un trait solide et maitrisé. Associant violence, magie et humour ces ambiances surnaturelles sont traitées avec talent. Une découverte, à suivre !

Et toujours, la der des der ?

2014, année du centenaire du Premier Conflit mondial, chaque éditeur s’est efforcé d’être présent sur le créneau, désormais très porteur de la « BD poilue » [1] ! Après Le Pilote à l’Edelweiss, les éditions Paquet nous proposent un autre point de vue : celui d’un très jeune homme, l’un des plus jeunes engagés sur le front courant 1914.

Jean Corentin Carré a même pris le risque de tricher sur son âge et ses origines pour suivre son père sur les champs de bataille. Patriote convaincu, le jeune breton ne va pas tarder à prendre conscience de la dure réalité du conflit. Il va alors chercher un moyen de dénoncer et témoigner de l’horreur de cette guerre.

Inspiré d’une histoire vraie, le récit de Pascal Bresson met en scène la transformation morale du personnage principal au milieu de l’horreur des tranchées. Dessiné par Duval et Chouin, cette descente aux enfers suivi de la révolte du jeune homme suscite l’intérêt et se distingue au sein d’une production 1914 19418 qui risque de provoquer l’overdose !

Pour être complet , il faudrait aussi citer la vision non politiquement correct de Ptiluc avec ses Jeux sans frontières. Une chronique acide et non complaisante du petit monde des associations humanitaires. Un album, qui en cette période de fêtes et d’appel à la charité risque de faire grincer autour du sapin ! Joyeux noël à tous !