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« Quand le jazz est… Quand le jazz est là !... » (1/2)

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 25 juillet 2011                      Lien  
C’est l’histoire d’un musicien devenu scénariste de bande dessinée et d’un dessinateur de médiéval fantastique qui se met au diapason de la musique. Cela donne une formidable évocation des ambiances de la Nouvelle Orléans, des images fascinantes qui n’attendent que la bande-son.

Philippe Charlot, la cinquantaine triomphante, n‘est pas un inconnu pour ceux qui aiment la musique. Guitariste et chanteur, il avait fondé le groupe Tonton Georges Trio qui reprenait les standards de Brassens. Comme il écrit des chansons depuis toujours, ses aventures musicales lui valent un Prix Charles Cros et de voyager à travers le monde, de l’Espagne à l’Amérique du Sud, où ses qualités d’arrangeur sont appréciées. À côté de cela, il écrit des nouvelles… pour lui, jusqu’à ce qu’un de ses copains lui dise qu’il ferait un excellent scénariste de BD.

Il le prend au mot, écrit en deux mois et demi un scénario, trouve une dessinatrice et s’en va à Angoulême le carton sous le bras… Première surprise : l’accueil est plutôt bon. Il a failli même signer avec Dargaud, ce qui réjouit cet amateur de Gotlib et de Pemberton de Sirius. Mais cette expérience lui a permis quand même de comprendre comment présenter un projet à un éditeur et surtout le met en confiance : « Si je suis passé de la chanson à la nouvelle, et de la nouvelle au scénario, ce n’est pas par hasard. Pour moi, la bande dessinée est une nouvelle en images, un art de la brièveté. »

Finalement, il signe avec Bamboo mais il n’a pas de dessinateur. C’est son directeur de collection, Hervé Richez, qui pense à Alexis Chabert qui dessine notamment la série médiévale fantastique Rogon le Leu chez Delcourt. Mais ce dernier n’a pas le temps : il a un autre projet en cours. Coup de pot pour l’éditeur, son plan tourne court : le dessinateur peut accepter la commande d’autant que ce projet-ci lui permet de changer de registre graphique.

« Quand le jazz est… Quand le jazz est là !... » (1/2)
Philippe Charlot et Alexis Chabert
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

La douce mélopée de Bourbon Street

La mise en confiance est rapide car il comprend très vite que ce « débutant » en bande dessinée sait raconter des histoires. Comme l’arrière-fond est historique, la documentation joue un rôle important mais le souci de réalisme va plus loin : il fait poser ses proches pour le dessin des personnages, quand il ne se photographie pas devant une glace, à la manière d’un Edgar Pierre Jacobs !

Bourbon Street, c’est l’histoire de musiciens en fin de carrière titillés par le succès de jazzmen cubains retraités et qui décident de les imiter. Le modèle est bien entendu le Buena Vista Social Club, un groupe de virtuoses du jazz caribéen, dont le plus jeune avait 68 ans, que le guitariste légendaire Ry Cooder est allé chercher dans leur maison de retraite à Cuba et dont le disque fait un carton totalement inattendu dans les charts. Le but était de retrouver les racines du vieux jazz cubain. Le cinéaste Wim Wenders a été séduit par l’histoire et a fait un documentaire qui les a rendus célèbres.

Bourbon Street T1 : Les Fantômes de Cornélius – Par Philippe Charlot et Alexis Chabert
(C) Grand Angle / Bamboo.

Sous la protection de Satchmo.

Dans ce récit où des artistes essaient de faire un dernier tour de piste en brillant de tous leurs feux, une figure tutélaire apparaît comme le narrateur dans les moments-clés : il s’agit du fantôme de Louis Amstrong. « Il est celui qui a inventé le rôle du soliste en jazz. C’est le premier qui est passé devant l’orchestre, nous raconte Charlot. C’est lui qui a mis au point l’improvisation de la trompette en jazz, qui a popularisé le scat [1], c’est surtout le chanteur de jazz le plus connu au monde. Je voulais un narrateur omniscient connu. »

Il semble que la France qui a reçu aussi bien Louis Amstrong que Sidney Bechet et Django Reinhardt, leur donnant un accueil qu’ils ne connaissaient même pas aux États-Unis, ait une inclination particulière pour ce type de musique : « Les Français se sont vite intéressés au jazz grâce à des artistes de variété comme Charles Trenet ou Jean Nohain, nous raconte Charlot. Cette musique qui a commencé à percer pendant la guerre a aussi été le symbole de la Libération. Beaucoup de musiciens noirs avaient plaisir de jouer en Europe car ils y étaient autrement mieux payés et mieux considérés que dans leur propre pays. Miles Davis joue en France et y fait un triomphe et passe des nuits de rêve avec Juliette Gréco qui était l’emblème de la femme de cette époque-là. Tout cela parle aux musiciens. »

Bourbon Street T1 : Les Fantômes de Cornélius – Par Philippe Charlot et Alexis Chabert
(C) Grand Angle / Bamboo.

Le dessin utilisé par Alexis Chabert pour illustrer cet album est au diapason : « La technique qu’il a adoptée (il n’y a que du crayon, il n’y a pas d’encrage) est dans une vibration proprement musicale, nous dit Philippe Charlot. Et puis il y a l’ambiance, le respect des instruments, des positions de main,… on est vraiment dedans ! » Les audaces de mise en page du dessinateur qui apprit le métier avec son père, ciseleur-graveur, avec ses points de vue azimutés, sont souvent audacieux. Il se fait plaisir, et le lecteur avec lui !

On ne saurait passer sous silence le magnifique travail du coloriste Sébastien Bouet. « Il a transformé Angelina, qui était blonde, en rousse, ce qui est aussi bien » précise Charlot. Mais il est incontestable que son travail joue un grand rôle dans l‘achèvement de cet album remarquable.

Bourbon Street T1 : Les Fantômes de Cornélius – Par Philippe Charlot et Alexis Chabert
(C) Grand Angle / Bamboo.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Bourbon Street T1 : Les Fantômes de Cornélius – Par Philippe Charlot et Alexis Chabert – Grand Angle / Bamboo.

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[1Improvisation vocale où des onomatopées tiennent lieu de paroles.

 
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