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Quatre Sœurs, T2 : Hortense - par Cati Baur, adapté des romans de Malika Ferjoukh - Rue de Sèvres

Par Patrice Gentilhomme Charles-Louis Detournay le 17 février 2014                      Lien  
L’éditeur "Rue de Sèvres" propose des adaptations en bande dessinée d’ouvrages illustrés publiés auparavant par L’École des Loisirs. La proximité du dernier-né de l’édition BD avec l’éditeur historique de littérature jeunesse ouvre de savoureuses perspectives, et légitime la reprise de cette adaptation débutée chez Delcourt.

Nul ne doutait que l’éditeur Rue de Sèvres allait tirer parti du fond particulièrement important de la maison d’édition de Jean Delas, père de l’actuel dirigeant du nouveau label de bande dessinée. Si l’adaptation de textes littéraires connaît des succès divers, la qualité de l’œuvre initiale ne constitue pas forcément un gage de réussite. C’est en effet une curieuse et savante alchimie que de réussir à illustrer des mots, des émotions et des images nés auparavant dans la tête du lecteur par la force des livres.

Malgré le succès de la série des romans écrits par Malika Ferjoukh et donc publiés à L’École des Loisirs, l’entreprise pouvait sembler hasardeuse et risquée. Delcourt avait fait confiance à l’adaptation de Cati Baur, qui avait déjà fait parlé d’elle avec J’arrête de fumer et le remarqué Vacance. Dans ce deuxième tome, Cati Baur confirme les premières impressions nées de la lecture de la première partie parue en 2011.

Une maisonnée bien remuante

Comme les trois mousquetaires étaient... quatre, les sœurs Verdelaine vivent sous la tutelle de leur sœur aînée et sont donc… cinq ! Cinq personnages traversant une période intermédiaire, hybride, entre fillette et femme mûre, et qui constituent les protagonistes de cette chronique familiale originale, à la fois décalée et en prise directe avec notre époque.

Quatre Sœurs, T2 : Hortense - par Cati Baur, adapté des romans de Malika Ferjoukh - Rue de Sèvres
Cinq soeurs pour une histoire à quatre voix.

À la suite de la mort accidentelle de leurs parents, les filles Verdelaine se sont retrouvées orphelines, seules et à la charge de Charlie, l’aînée. Après la benjamine Enid, c’est à Hortense, onze ans, de nous faire pénétrer dans l’intimité de la maisonnée, notamment par l’intermédiaire de son journal intime. Réfugiée dans une vieille bâtisse, perchée au bord d’une falaise, balayée par les vents venus de l’Atlantique, la petite famille continue de vivre au gré de mésaventures souvent cocasses, parfois émouvantes qui font le charme de cette chronique.

Sur les traces d’Hortense, nous allons rencontrer dans ce deuxième tome de nouveaux personnages comme Muguette, la petite voisine atteinte d’un cancer, qui réussira à convaincre son amie de s’inscrire dans un cours de théâtre. Solitaire et toujours un peu mal dans sa peau, Hortense vivra cette nouvelle expérience avec intérêt et une certaine angoisse, avant de connaître un joli succès.

Ambiances et mise en couleurs douce et chaleureuse, il fait bon chez les Verdelaine !

Bettina, une peste... au grand cœur

Si Hortense est au cœur de ce tome deux, rappelons qu’elle n’est pas seule pour autant : la grande Charlie a abandonné ses études de médecine pour veiller sur ses sœurs et gérer le quotidien, à savoir réparer, bricoler, régler les factures et maintenir la vieille bâtisse en état. Geneviève veille à l’intendance en confectionnant de savoureux petits plats tandis que Bettina, 14 ans, ado au caractère très affirmé, reste surtout préoccupée par son look, ses amours et ses états d’âmes de collégienne.

Indirectement, c’est d’ailleurs cette peste de Bettina que le lecteur aime détester. Après sa jalousie maladive du premier tome, elle se retrouve encore au centre de l’action, lorsqu’un livreur de surgelés tombe amoureux d’elle. Mais le jeune homme n’est guère gâté par la nature avec un nez proéminent et de grandes oreilles, un hypothétique croisement entre les O’Timmins et O’hara, les fameux ivaux de Painful Gulch de Lucky Luke, et la jeune fille hésite à s’engager dans une histoire d’amour qui pourrait faire d’elle la risée de toute son école.

Autre nouveau venu : Mycroft, un rat au comportement bien singulier, à l’origine de péripéties drôles et pathétiques. Pendant ce temps, Geneviève choisit de s’initier à la boxe chinoise, tout en s’efforçant de cacher cette passion à son entourage pour une raison inconnue. Les personnages croisés auparavant répondent bien entendu présents dans ce tome deux : Basile le médecin amoureux de Charlie, Lucrèce la vieille tante, ou Colombe la pensionnaire, sans oublier les fantômes des parents décédés qui interviennent régulièrement dans le récit. Tout ce petit microcosme s’agite au gré des humeurs des uns et des autres, suivant des événements plus ou moins graves, plus ou moins sérieux, mais toujours traités avec sensibilité.

Journal intime, images pleine page ou planches de BD...ces albums multiplient différents procédés narratifs

De Delcourt à Rue de Sèvres

Le premier tome de cette adaptation fut initialement publié en 2011 aux éditions Delcourt. Un choix légitime, car Cati Baur avait réalisé ses précédents albums solo chez l’éditeur au triangle. Dans un format plus proche du "poche", ses cent soixante pages se rapprochaient visuellement d’un roman.

Avec l’arrivée de Rue de Sèvres dans le marché de la bande dessinée, il paraissait logique que la maison liée à l’Ecole des Loisirs, détentrice des droits des romans Malika Ferjoukh, puisse faire prévaloir ses droits sur la bande dessinée éponyme. Mais l’éditeur ne s’est pas contenté de reprendre la publication avec ce tome, il s’est également orienté vers un format plus grand, conservant la pagination et l’aspect broché, mais en agrandissant les planches pour donner plus de lisibilité à l’ensemble. On profite donc de la sortie conjointe du deuxième tome et de la réédition du premier sous ce nouveau label.

Dans le premier tome la chronique débute à travers les yeux d’Enid, la plus petite de la famille.

Au cours de cette longue chronique, qui n’hésite pas à solliciter diverses techniques de narrations (extraits du journal, récitatifs, planches, etc.), on perçoit vite l’affection de la dessinatrice pour ses personnages, et pas seulement ceux qui sont au premier plan. Cati Baur livre un récit bien construit et parvient, non sans délicatesse, à suggérer une large palette de sentiments, constitués aussi bien de joies que de fêlures. L’émotion suscitée est d’autant plus perceptible que le graphisme souple et léger de la dessinatrice est magnifiquement servi par le traitement des couleurs. La coloriste Elodie Balandras joue avec subtilité pour livrer des ambiances douces aux tons pastels et conforte ainsi la finesse ainsi que la subtilité du propos.

L’auteur de bande dessinée nous avait d’ailleurs expliqué en détails le cheminement de son adaptation : "J’ai voulu garder la force des détails et des dialogues du roman. C’est pour cela que la pagination de l’album est conséquente.[...] En suivant la ligne des romans, je souhaite présenter quatre volumes fort différents, à chaque fois selon la personnalité de la sœur qui “conduit” le récit. Dans le troisième tome centré sur l’hyperactive Bettina, il y aura sans doute plus d’action. Je n’ai pas réellement prémédité ce choix de forme, mais je voudrais que chacun de ces volumes puisse obtenir son identité propre, quitte à être lus séparément."

L’adaptation d’un des principaux succès de Malika Ferdjoukh s’affirme ici comme l’une des plus réussies. Présenté dans un format généreux pour un prix plus qu’abordable, ce roman graphique dense et intimiste séduira aisément bon nombre d’ados (et d’adultes) qui pourront y retrouver une part d’eux-mêmes.

(par Patrice Gentilhomme)

(par Charles-Louis Detournay)

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Lire notre interview de Cati Baur à propos du premier tome de Quatre Sœurs : « Je ne veux pas être une fille dans la bande dessinée, juste auteur de bande dessinée »
Lire nos chroniques des précédents albums de Cati Baur : J’arrête de fumer et Vacance

 
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