« Écrivain, artiste, historien, critique, anarchiste, autodidacte, chanteur, chansonnier, scénariste, performeur, magicien, charmeur de serpents, célébrité de la bourgade de Northampton, personnalité culte... », tels sont les qualificatifs qui semblent manquer, selon Paul Gravett au titre de la biographie du « mage de Northampton » publiée par The Ilex Press au printemps dernier : « Alan Moore, storyteller » (Alan Moore, raconteur d’histoires) de Gary Spencer Millidge.
Difficile en effet d’enfermer dans un seul vocable le destin d’un garçon issu d’une famille défavorisée du centre de l’Angleterre, embringué dans sa prime jeunesse dans le trafic de drogue avant de devenir le scénariste le plus adulé de sa génération et la coqueluche des producteurs d’Hollywood qu’il a d’ailleurs fini par répudier.
Cette biographie, que nous espérons voir publiée en français bientôt (avis aux amateurs...), viendra à point pour situer les « incunables » que publie ces jours-ci Soleil US Comics, à savoir La Ballade de Halo Jones (dessins : Ian Gibson, coll. Les Trésors d’Alan Moore), une BD parue dans la revue AD Comics en 1984, un curieux récit de « science-fiction féministe ».
Le graphisme de ces histoires est, comme souvent chez Moore, l’objet de dessinateurs tous très différents, pas forcément spectaculaires, mais qui recèlent tous une singularité qui s’accorde parfaitement avec le scénario. Il y a dans cette approche une logique toute "moorienne" : le fantastique est dans le quotidien, le merveilleux est tapi dans l’ordinaire. Dès lors, chacun de ces récits, même s’ils ne sont pas graphiquement engageants, soulignent la primauté de la narration dans la bande dessinée (et Dieu sait si les indications de Moore, lui-même dessinateur à ses débuts, sont d’une méticulosité maniaque). On constatera chez ce scénariste alors débutant une maitrise déjà surprenante.
Cette publication fait suite aux Inédits d’Alan Moore publiés chez le même éditeur en 2010 et qui contiennent quelques perles narratives d’une saveur rare et D.R. & Quinch, délinquants cosmiques (Dessins : Jamie Delano & Alan Davis). Publié en février dernier, cet album nous conte un « space movie » de deux aliens insupportables ravis de provoquer des guerres dans la galaxie, surtout quand elles sont nucléaires…
Aujourd’hui, fatigué par la pauvreté des adaptations tirées de son œuvre par Hollywood et leurs affligeantes concessions commerciales, Moore leur a tourné le dos pour s’investir dans des productions plus Underground comme Dodgem Logic et se produire sur scène comme récemment au Barbican de Londres le 28 juillet dernier où il a lu ses textes de V For Vendetta lors de projections de dessins animés expérimentaux de Harry Smith. Il est des moments où l’on regrette de ne pas être londonien...
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon, la couverture du livre de Gary Spencer Millidge. La photo "christique" d’Alan Moore est due au talent de Jose Villarubia.
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