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Qui ne dit mot - Par Stéphane de Groodt & Grégory Panaccione - Delcourt

Par Charles-Louis Detournay le 30 novembre 2015                      Lien  
La rencontre du dessinateur d' "Un Océan d'amour" et de l'humoriste-écrivain-réalisateur belge laissait présager un récit trépidant et absurde... Mais on n'imaginait pas jusqu'à quel point !

John est un sympathique trentenaire, très amoureux de Julie. Mais voilà, sa journée commence très mal : c’est le changement d’heure, et le voilà très en retard à un rendez-vous important !

Erreur de facteur, voisins pénibles, embouteillages, taxi lourdingue : le monde entier semble s’être ligué contre lui et la journée se révèle difficile, « trop » pleine de surprises, pour ne pas dire étrange. Tous ces obstacles sont-ils vraiment le fruit du hasard ? Non, une intelligence machiavélique œuvre dans l’ombre...

Après Toby mon ami en 2012, le dessinateur Grégory Panaccione n’a cessé de monter en puissance : l’univers plus sombre d’Âme Perdue a été suivi ensuite par le loufoque et rythmé Match débordant de mimiques visuelles hilarantes. On pensait que le sommet avait été atteint lors sa collaboration avec Wilfrid Lupano qui déboucha sur Un Océan d’amour, une merveille de poésie et de tendresse multi-primée. Mais l’annonce du partenariat avec l’humoriste belge Stéphane de Groodt qui a vendu plus de 500.000 exemplaires de ses Voyage & Retour en Absurdie laissait présager un nouveau succès.

Ce "Qui ne dit mot" démarre d’ailleurs sur les chapeaux de roue, alors que John et Julie quittent justement la ville pour une fatidique présentation aux beaux-parents de la belle. La séquence permet de s’habituer progressivement à la veine plus réaliste du dessin de Panaccione, tandis que l’humour du scénariste en herbe (il s’agit de sa première bande dessinée) fait mouche grâce à de joyeux quiproquos oraux entre John et les parents de Julie, catalysés par la mère dure d’oreille.

Qui ne dit mot - Par Stéphane de Groodt & Grégory Panaccione - Delcourt

Le récit se poursuit dans une scène plus urbaine, presque cartoon : John se lève seul dans son appartement, et commence à se préparer lorsqu’il se rend compte qu’il est en retard, et à partir de ce moment, les importuns et les coups de téléphone semblent se multiplier, comme si la Terre se liguait contre lui… Et contre le lecteur !

En effet, l’humour absurde de Stéphane De Groodt créée progressivement une faille, puis un gouffre entre son personnage et le lecteur. Certes, on s’amuse de certaines séquences, comme le fait d’appeler la voiture devant vous pour savoir si elle compte avancer, mais le fond continue d’échapper à la compréhension.

Ce sentiment est bien entendu parfaitement étudié par l’écrivain-humoriste, et la fin du récit apporte toutes les solutions, à un tel point qu’on ne peut résister à l’envie de relire tout le livre pour mieux comprendre tout ce qui nous avait échappé ! Mais là où le retournement d’un Shutter Island est libérateur, celui de Qui ne dit mot ne parvient pas à compenser la part de frustration qui s’est emparé du lecteur au long du livre.

Si le découpage de Panaccione impose le rythme de lecture, l’empreinte plus réaliste de son dessin et ses couleurs sombres alourdissent néanmoins son style graphique. On ne rit plus d’une mimique comme dans Match, on ne s’émeut plus d’une belle représentation telles celles d’Un Océan d’amour.

Même après une seconde lecture, ou une troisième, l’alchimie de l’humour de Stéphane De Groodt ne cadre pas avec le style choisi par Panaccione. Après l’attente générée par l’annonce de la collaboration de ces deux grands artistes, et le suspense entretenu au long du récit, la sentiment qui clôt la lecture est : « Tout ça pour ça ?! »

(par Charles-Louis Detournay)

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De Grégory Panaccione, lire nos articles :
- Match
- Âme Perdue
- Un Océan d’amour : Pourquoi vous ne regarderez plus jamais une boîte de sardines comme avant
- Les Prix de la BD de janvier pointent les oubliés d’Angoulême

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4 Messages :
  • j’aimais beaucoup les interviews posthumes de de Groodt (un lien de famille avec Bob ?) sur Canal Plus en Claire Chazal (arf !°), mais peut-être aurait il du éviter de se mettre à la bande dessinée, genre difficile où les lecteurs sont à juste titre exigeants.

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  • Il faudrait que les éditeurs arrêtent de publier n’importe quoi sous prétexte qu’un des auteurs à une grosse couverture médiatique. Si les éditeurs faisaient leur boulot, ils feraient que les très bons auteurs de BD passent à la télé et la radio (y-a-t-il encore un budget promotion/pub/attaché de presse quand on sort un album ? Si des auteurs peuvent nous dire).

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  • C’est marrant, moi j’ai beaucoup aimé cet album. J’ai trouvé les dialogues brillants, l’idée autour de laquelle est fondé tout le récit m’a enthousiasmé et pour moi les dessins sont en parfaite adéquation avec le scénario.

    Comme quoi, les goûts et les couleurs...

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    • Répondu par Pirlouit le 30 novembre 2015 à  20:26 :

      Il a mis la barre très haut sur Canal Plus (30 gags à la minute ?). Là c’est plutôt un bon gag toutes les dix pages, et encore, comme le lecteur ne comprend pas la situation ou plutôt le pitch avant la centième page environ...

      Répondre à ce message

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