Les rues de Palissade, petite bourgade a priori sans histoire, devraient être sûres. Cinq groupes de mercenaires veillent d’ailleurs sur la cité. Un peu trop d’ailleurs : les ravages causés par ces troupes excèdent de loin les dégâts que pourraient provoquer des hordes de gobelins.
Les Rat Queens, équipe de quatre jeunes femmes n’ayant pas froid aux yeux, ont la langue aussi bien pendue que les lames dressées. Avides de bagarres et de ripailles, elles écument autant les tavernes que les cavernes, et descendent avec la même aisance les trolls mal embouchés et l’alcool fraichement versé. Les exploits auxquelles elles se livrent au retour de leurs missions leur valent assez naturellement l’inimitié de plusieurs habitants de Palissade.
Rat Queens s’offre au premier abord comme un titre très référencé "RPG", c’est-à-dire jeu de rôle. Les rôlistes y retrouveront nombre de clins d’œil, notamment au culte et premier d’entre eux Donjons et Dragons (Dungeons & Dragons en anglais) auquel le sous-titre français du volume fait directement allusion. Orcs, trolls, elfes, nécromants sont de la partie, ainsi qu’un lancement de l’intrigue sous forme de quêtes.
Mais ce cadre et ce schéma initial se trouvent bien vite torpillés, modernisés et profondément revisités. Par l’humour d’abord : le titre s’avère hilarant d’un bout à l’autre, jouant constamment à la fois des comiques de situation, de langage (jeux de mots et "punchlines" scandent la lecture) et de caractère. Par la galerie de personnages développés ensuite, qui propose un personnel résolument moderne dans sa caractérisation, à commencer par femmes fortes et affirmées.
Enfin, c’est la liberté dans le ton et dans les thématiques abordées qui font de Rat Queens un titre particulièrement rafraichissant. Pas de politiquement correct : les héroïnes jurent, se comportent mal, exposent aussi bien leurs désirs que leurs travers. Il y a en outre une volonté manifeste de libérer la parole, les corps et les comportements, de lutter contre l’intolérance et les préjugés. Les filles occupent les premiers rôles, la diversité se fait bien visible, notamment à travers plusieurs personnages noirs, et la sexualité est ouvertement discutée et ses diverses orientations représentées.
Cette nouvelle série n’est pas sans rappeler Saga par sa manière de se réapproprier de manière pertinente et irrévérencieuse un genre classique (space opera pour Saga, fantasy pour Rat Queens). D’ailleurs, Fiona Staples a signé certaines couvertures de la série. Elle constitue donc une excellente surprise mais qui devra confirmer sur la durée, au-delà de ce parti-pris initial, original et tonitruant.
Notons qu’aux Etats-Unis, la série publiée par Image Comics en est à trois volumes parus, auxquels s’ajoutent quelques épisodes annexes dont on se demande si Urban Comics les intégrera à ses propres éditions. L’un d’entre eux, dédié à un personnage secondaire, fut publié dans l’édition Deluxe américaine regroupant les deux premiers tomes.
Par ailleurs si Kurtis J. Wiebe demeure le scénariste du titre, l’autre créateur de cet univers en a quitté la réalisation. En effet, accusé de violence domestique à la fin 2014, le dessinateur et coloriste Roc Upchurch laissa sa place d’abord à Stjepan Sejic pour les deux derniers numéros du tome 2, avant qu’un duo composé de Tess Fowler et Tamra Bonvillain ne reprennent la partie graphique depuis le numéro 11.
(par Aurélien Pigeat)
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