Quand il parcourt les 16 expositions des Rencontres du 9e Art, le badaud peut se poser la question : est-ce encore de la BD ? De fait, les grandes compositions au stylobille de Dominique Goblet, les pop-ups Robopop de Philippe Ug ou les carnets de dessins d’Edmond Baudoin ressortent-ils encore du 9e Art, comme ce festival le revendique si fièrement ?
La réponse est dans l’intitulé de cette manifestation sans nulle autre pareille : "Festival de bande dessinée et autres arts associés", c’est à dire qu’elle s’intéresse aux passerelles entre la bande dessinée et les autres arts visuels, principalement dans les domaines de l’art contemporain et du graphisme.
Depuis sa naissance, la bande dessinée a été associée à des techniques diverses : de l’impression de gravures en bois de bout pour Gustave Doré pour sa célèbre Histoire de la Sainte Russie au Direct To Print numérique de l’impression à la demande d’aujourd’hui, l’artiste confie toujours ses réalisations à un tiers et la qualité de ce travail d’équipe est déterminant.
Ainsi, longtemps la couleur a échappé à son emprise, ce sont des chromistes qui s’en chargeaient jusqu’au début des années 1980. L’informatique a depuis automatisé et rendues possibles des tâches bien plus complexes qu’avant, redonnant de l’autonomie au créateur, mais peut-on nier que les concepteurs de Photoshop, grâce à certains choix de développement leur outil, ne sont intimement associés à certains rendus esthétiques contemporains, comme naguère a pu l’être l’aérographe, aujourd’hui obsolète ?
Cette réflexion sur les techniques et les supports se complexifie davantage de nos jours, alors que les BD se déclinent de plus en plus souvent sur des écrans, qu’elles s’exposent en plus d’être lues, qu’elles offrent une "réalité augmentée". Le discours réducteur qui consiste à affirmer que ceci est une BD ou n’en est pas une est devenu dépassé, et c’est tant mieux.
Pourquoi tant mieux ? Car un dessinateur d’aujourd’hui ne doit pas être prisonnier de son support, ni de sa technique. Il passait naguère de la BD à l’illustration, au story-board, à la publicité... Depuis trente ans maintenant (de Lauzier à Bilal, de Sfar à Riad sattouf...), on le voit même toucher à la réalisation cinématographique.
Les Rencontres du 9e Art prennent en compte cette évolution dans leur programmation artistique. Le fait qu’elles aient repris l’exposition Génération Spontanée où la nouvelle création belge de Fréon-Frémok, La Cinquième Couche ou L’Employé du Moi se décline dans une multitude de styles, de narrations, de techniques, défendant qui une "bande dessinée de poésie", qui une création numérique communautaire comme Grandpapier.org, est exemplaire de cette démarche et son implantation en terre aixoise a fait sensation.
Mais cela n’empêche pas le paisible Willem de porter son regard poético-sarcastique sur notre quotidien en continuant à travailler à la plume, ni à Baudoin de faire vagabonder ses aquarelles au Centre aixois des archives départementales, à Donatien Mary & Didier de Calan (Les Derniers Dinosaures (Ed. 2024), exposés au Muséum d’histoire naturelle) de s’attacher aux antiques techniques gravées, au dessinateur et éditeur Frédéric Pajak d’évoquer Walter Benjamin, un écrivain d’avant l’invention de l’iPad...
Qu’elle soit de tradition ou d’innovation, et quel qu’en soit le support, ce qui est important finalement, c’est que la rencontre du lecteur avec l’histoire en images se fasse. En fin de compte... et de conte !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Week-End BD à Aix
Vendredi 13 avril et samedi 14 avril de 8h30 à 19h - Dimanche 15 avril de 10h à 13h et de 14h à 18h
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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