Nos dossiers La vie des Festivals

Rencontres du 9e Art d’Aix : Est-ce encore de la BD ?

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 14 avril 2012                      Lien  
Les Rencontres du 9e Art d'Aix en Provence vivent leur week-end BD depuis hier. Une occasion de voir la bande dessinée tutoyer les autres arts visuels, dans un dialogue riche en échanges.

Quand il parcourt les 16 expositions des Rencontres du 9e Art, le badaud peut se poser la question : est-ce encore de la BD ? De fait, les grandes compositions au stylobille de Dominique Goblet, les pop-ups Robopop de Philippe Ug ou les carnets de dessins d’Edmond Baudoin ressortent-ils encore du 9e Art, comme ce festival le revendique si fièrement ?

La réponse est dans l’intitulé de cette manifestation sans nulle autre pareille : "Festival de bande dessinée et autres arts associés", c’est à dire qu’elle s’intéresse aux passerelles entre la bande dessinée et les autres arts visuels, principalement dans les domaines de l’art contemporain et du graphisme.

Depuis sa naissance, la bande dessinée a été associée à des techniques diverses : de l’impression de gravures en bois de bout pour Gustave Doré pour sa célèbre Histoire de la Sainte Russie au Direct To Print numérique de l’impression à la demande d’aujourd’hui, l’artiste confie toujours ses réalisations à un tiers et la qualité de ce travail d’équipe est déterminant.

Ainsi, longtemps la couleur a échappé à son emprise, ce sont des chromistes qui s’en chargeaient jusqu’au début des années 1980. L’informatique a depuis automatisé et rendues possibles des tâches bien plus complexes qu’avant, redonnant de l’autonomie au créateur, mais peut-on nier que les concepteurs de Photoshop, grâce à certains choix de développement leur outil, ne sont intimement associés à certains rendus esthétiques contemporains, comme naguère a pu l’être l’aérographe, aujourd’hui obsolète ?

Rencontres du 9e Art d'Aix : Est-ce encore de la BD ?

À Aix-en-Provence, l’exposition Génération Spontanée, après avoir fait escale à Angoulême, Paris et Bruxelles, fait sensation.

Cette réflexion sur les techniques et les supports se complexifie davantage de nos jours, alors que les BD se déclinent de plus en plus souvent sur des écrans, qu’elles s’exposent en plus d’être lues, qu’elles offrent une "réalité augmentée". Le discours réducteur qui consiste à affirmer que ceci est une BD ou n’en est pas une est devenu dépassé, et c’est tant mieux.

Pourquoi tant mieux ? Car un dessinateur d’aujourd’hui ne doit pas être prisonnier de son support, ni de sa technique. Il passait naguère de la BD à l’illustration, au story-board, à la publicité... Depuis trente ans maintenant (de Lauzier à Bilal, de Sfar à Riad sattouf...), on le voit même toucher à la réalisation cinématographique.

Les Rencontres du 9e Art prennent en compte cette évolution dans leur programmation artistique. Le fait qu’elles aient repris l’exposition Génération Spontanée où la nouvelle création belge de Fréon-Frémok, La Cinquième Couche ou L’Employé du Moi se décline dans une multitude de styles, de narrations, de techniques, défendant qui une "bande dessinée de poésie", qui une création numérique communautaire comme Grandpapier.org, est exemplaire de cette démarche et son implantation en terre aixoise a fait sensation.

Pop ups de Philippe Ug : quel rapport avec la BD ?

Mais cela n’empêche pas le paisible Willem de porter son regard poético-sarcastique sur notre quotidien en continuant à travailler à la plume, ni à Baudoin de faire vagabonder ses aquarelles au Centre aixois des archives départementales, à Donatien Mary & Didier de Calan (Les Derniers Dinosaures (Ed. 2024), exposés au Muséum d’histoire naturelle) de s’attacher aux antiques techniques gravées, au dessinateur et éditeur Frédéric Pajak d’évoquer Walter Benjamin, un écrivain d’avant l’invention de l’iPad...

Pour le paisible Willem, de l’encre et du papier suffisent...

Qu’elle soit de tradition ou d’innovation, et quel qu’en soit le support, ce qui est important finalement, c’est que la rencontre du lecteur avec l’histoire en images se fasse. En fin de compte... et de conte !

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN :

Le site de l’événement

Week-End BD à Aix

Vendredi 13 avril et samedi 14 avril de 8h30 à 19h - Dimanche 15 avril de 10h à 13h et de 14h à 18h

Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

 
Participez à la discussion
16 Messages :
  • Je trouve l’article vraiment intéressant et la réflexion est bien posée.

    Mais l’ouverture d’esprit qui semble naitre dans cette critique ne fait-elle pas défaut chez nous les lecteurs ( j’en suis un ) et également chez les éditeurs ?????

    Il est vrai que j’ai parfois beaucoup de mal avec l’apparition d’artistes contemporain dans la création de bd surtout que parfois le résultat n’est pas folichon ...alors peut être qu’un festival comme celui d’Aix permet une approche plus intelligente contre une réaction épidermique de produits contemporain en bd ??...les expo permettent peut être en y voyant des originaux d’en voir la qualité de travail ??

    Je prends un exemple qui n’a rien à voir , mais si vous n’avez jamais vu un original de Loustal en comparaison des repro que l’on voit sur le net ou dans les bouquins , il y a une certaine marge de qualité qui est assez importante !

    Donc peut être qu’une expo sur le travail de Dominique Goblet puisqu’elle semble concerner est peut être nécessaire afin que l’on saisisse sa démarche ?? je ne sais pas , je me propose d’être plus conciliant comme le dit l’auteur de cet article .....être plus open sur les supports comme les contenus , leur forme et leur fond ..?????

    Seulement beaucoup de lecteurs de bd sont encore à l’étape des séries , du mainstream , et les éditeurs sortent leur épingle du jeu financier grâce à ces productions donc ...et puis de toute façon il n’y a rien de totalement mauvais non plus dans le mainstream ...

    c’est à suivre ...

    Répondre à ce message

  • Rencontres du 9e Art d’Aix : Est-ce encore de la BD ?
    15 avril 2012 19:18, par Laurent Colonnier

    mais peut-on nier que les concepteurs de Photoshop, grâce à certains choix de développement leur outil, ne sont intimement associés à certains rendus esthétiques contemporains, comme naguère a pu l’être l’aérographe, aujourd’hui obsolète ?

    Comme dit le vieux proverbe "le mauvais ouvrier a toujours de mauvais outils."
    Photoshop n’est qu’un outil, on en fait ce qu’on veut, les possibilités sont multiples et ce n’est pas parce qu’on peut le faire qu’on doit le faire, tout est affaire de choix esthétique.

    Photoshop n’est pas un logiciel pour dessin à la base, mais pour la retouche photo, d’où des filtres et des effets particulièrement désastreux associés du dessin (aaargh ! Ces dégradés dégradants !).

    Mais Photoshop offre des possiblités magnifiques, comme intégrer des matières scannées au préalable (comme le fait Sandra Desmazières sur Pour l’Empire ou Pablo), bref, comme tout nouvel outil il faut l’utiliser avec intelligence, se l’approprier.

    Répondre à ce message

    • Répondu par Alex le 15 avril 2012 à  23:47 :

      Bien sûr : ce logiciel est un outil malléable. Il n’y a aucun paramètre pré-établi pour un véritable créateur, juste une palette de choix modifiables à souhaits selon le talent et l’inspiration. Pas grand-chose à voir avec l’aérographe et l’esthétique 80’s puisque celui-ci n’était qu’un instrument ne permettant qu’un effet. Là c’est un programme avec toute une palette d’options d’outils et d’actions transformables en scripts. Ce processus est aussi une part de la création. L’aérographe n’était qu’un outil physique- ici c’est un logiciel qui transforme le processus de création à la base, le mental du créateur. Mais pour cela il faut, comme pour tout, être prêt à s’investir.

      Répondre à ce message

      • Répondu par jony le 16 avril 2012 à  09:46 :

        Je suis assez amusé de ces fadaises idéalistes qui disent que le médium n’est qu’un outil "neutre" et que tout dépend de la façon dont on l’utilise etc etc ...
        Quel aveuglement !

        Répondre à ce message

        • Répondu par Alex le 16 avril 2012 à  18:48 :

          Toujours aussi agréable dans vos interventions je constate... J’ai près de 20 ans d’utilisation de ce logiciel, je crois savoir un peu de quoi je parle. Et si vous êtes à la recherche d’un débat ou d’un échange -ce que je ne crois pas- vous êtes bien maladroit. Je vous laisse à vos fermes convictions, elles ne regardent que vous après tout. Bonne continuation.

          Répondre à ce message

        • Répondu par Laurent Colonnier le 16 avril 2012 à  23:08 :

          L’aveuglement c’est celui du couillon content de lui qui fait bien comme on lui a appris, dans les clous, dans les cases, croire que l’outil c’est ça et rien d’autre. Avec une telle mentalité de bas du front on en serait encore au bâton et au caillou.

          Répondre à ce message

          • Répondu par jony le 17 avril 2012 à  09:16 :

            C’est une argumentation un peu faiblarde justement.
            Il me semble qu’aujourd’hui la bonne norme est celle qui ne fait attention qu’à l’image en positif, démonstrative et bien consommable, terriblement occidentale et dans l’air du temps.
            Puis je vouloir aborder l’image en négatif, et ne pas être fétichiste de la vitrine, et comme Mc Luhan, me concentrer sur l’invisible et la fréquence propre au médium ?
            Un bâton, des cailloux ? Vite donnez moi le titre de la bd qui utilise ce médium, elle soit avoir un charme fou, tellement loin de la vibration plastoque des productions nucléaires et rationnelles de la normalité consumériste. ^^

            Répondre à ce message

            • Répondu par lebon le 17 avril 2012 à  21:35 :

              Jony, je soutiens pleinement vos propos je vous trouve lucide et plein de courage, rassurez-vous, ce sont toujours des qualités mais pour l’instant le politiquement correcte nous dit qu’il faut faire wouah wouah avec tous les autres chiens qui se reniflent le derrière. Patience est mère de la vertue. Bien à vous.

              Répondre à ce message

              • Répondu par jony le 19 avril 2012 à  00:23 :

                lebon, merci.
                Buvons un coup, cher ami, avant la fin du monde.
                Mais sachez qu’à ma table, il y aura aussi toujours de la place pour mes pires contradicteurs.
                santé.

                Répondre à ce message

              • Répondu par Alex le 19 avril 2012 à  02:07 :

                J’aimerai poser à ces 2 messieurs quelques questions : On va pas en faire une fixation, mais pour vous cerner un peu, vous connaissez quoi de Photoshop- cad vos lectures ou vos expériences de travail avec ce logiciel ? Dans un cas comme dans l’autre, où se situent vos déceptions et vos frustrations face à cet outil (avec exemple à l’appui si vous le pouvez, car moi je vous ai indiqué des méthodes de travail- donc en toute justice...)

                Puis je vouloir aborder l’image en négatif, et ne pas être fétichiste de la vitrine, et comme Mc Luhan, me concentrer sur l’invisible et la fréquence propre au médium

                Excusez-moi, je ne suis pas très malin. Mais je ne comprends absolument rien à cette phrase. Pouvez-vous la reformuler en un langage intelligible- imaginez que j’ai 10 ans et que vous vouliez m’expliquer vos idées.

                vibration plastoque des productions nucléaires et rationnelles de la normalité consumériste

                Je comprends pas non plus, c’est quoi les productions nucléaires ? Merci de m’éclairer.

                Répondre à ce message

                • Répondu par jony le 19 avril 2012 à  08:55 :

                  Alex, habituellement je tire un certain plaisir à être incompétent et inadapté aux exigences d’autrui, mais pour le coup j’aimerai vraiment vous contenter. Seulement j’ai peur de ne pas y arriver.
                  Connaissez vous la carte du diable, et la carte de l’étoile dans le tarot de Marseille ?

                  Répondre à ce message

                  • Répondu par Alex le 19 avril 2012 à  15:05 :

                    Connaissez vous la carte du diable, et la carte de l’étoile dans le tarot de Marseille ?

                    Oui. Vous commencez à m’intéresser...

                    Répondre à ce message

                    • Répondu par jony le 19 avril 2012 à  20:09 :

                      Alex, je crois que vous m’avez très bien compris.
                      Je ne peux qu’en rester là pour le moment, et même si je pouvais, je dois filer, ma soupe du soir est prête, faîte d’eau, de légume de la terre, chauffée à l’ancienne, avec la bonne fumée qui me fait déjà saliver ^^
                      Un bonheur à faire et à déguster ma bonne vieille soupe de saison.

                      Bien à vous.

                      Répondre à ce message

                      • Répondu le 20 avril 2012 à  00:32 :

                        C’est typique,le mec dit n’importe quoi et quand on lui demande de s’expliquer il se défausse.

                        Répondre à ce message

    • Répondu par Alex le 15 avril 2012 à  23:57 :

      Et, pour ne pas être complètement à côté de la plaque, j’ajouterais que j’ai visité le festival d’Aix (mais pas cette année) et que c’est l’une des plus belles réussites de ce genre. Mémorable.

      Répondre à ce message

  • Non, ce n’est pas de la bd, la bd c’est une suite d’images qui racontent une histoire.

    Répondre à ce message

CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Didier Pasamonik (L’Agence BD)  
A LIRE AUSSI  
Nos dossiersLa vie des Festivals  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD