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Réseau Positif : une BD pour la prévention du Sida

Par François Peneaud le 3 décembre 2005                      Lien  
À l'occasion de la Journée mondiale contre le Sida est parue une BD originale: dessinée suivant des codes graphiques souvent associés aux mangas, Réseau Positif combine messages de prévention à l'intention des jeunes et mise en scène de personnages typés et attachants.

Les chiffres actuels de la lutte contre le Sida ne sont pas bien brillants : les contaminations ne sont pas à la baisse, loin de là, les comportements à risques se répandent, et l’information sur les modes de transmission n’est pas ce qu’elle devrait être. On ne peut donc que saluer l’initiative de membres du SNEG [1], qui ont voici deux ans et demi lancé l’idée de la réalisation d’une BD pour aider à la prévention. Les ont rejoints des membres de AIDES et de Sida Info Service, des artistes de l’Atelier BD, et un jeune dessinateur alors âgé de 17 ans. Tout ce petit monde a donc monté un "manga" de 120 pages, financé par des DRASS et autres organismes publics, et disponible gratuitement depuis le 1er décembre en ligne et dans divers endroits du pays [2].

Réseau Positif : une BD pour la prévention du SidaX est le chef d’un petit groupe de jeunes qui utilisent les moyens modernes de communication pour faire passer un message alter mondialiste, en partie dans l’illégalité. L’activité du groupe a attiré l’attention de grands groupes industriels qui n’apprécient pas tellement qu’on mette le nez dans leurs affaires. La sécurité de X pourrait bien être menacée, et l’annonce de sa séropositivité va bouleverser les jeunes gens.

La BD aborde divers sujets liés au Sida et à la sexualité de façon honnête, en privilégiant les faits et non une quelconque morale. Les personnages sont eux aussi variés : sexe, préférence sexuelle, ethnicité, caractère... tout cela est mélangé avec une énergie communicative, qui montre que l’on peut réaliser une histoire à message sans sacrifier à la fiction. Le fait que des artistes se soient associés à cette aventure partie du besoin du milieu associatif témoigne de l’importance du sujet. Deux d’entre eux ont pu répondre à nos questions. Commençons avec Thierry Mary d’atelierbd.com (direction artistique, coéditeur).

Qu’est-ce qui vous a décidé à accepter ce projet ?

On a accepté pour un ensemble de choses, la première étant sans doute la personnalité des porteurs du projets, le fait aussi que cela nous semblait une très bonne idée d’utiliser le manga comme moyen de communication, et contrairement aux outils habituels (plaquettes, affiche,flyers...), celui-ci sera conservé, il sera prêté, il va circuler, il sera encore là après le 1er décembre, alors que toutes les affiches disparaîtront et que les médias passeront à autre chose jusqu’à l’année prochaine. Le côté "utile" du projet a joué dans notre décision de participer.
Mais en fait, on n’a pas hésité, on a surtout discuté pour savoir si le projet était cohérent et réalisable, cela nous a semblé être le cas. Alors on s’est lancé dans l’aventure. Le fait aussi que le manga ne soit pas un alibi, c’est un outil de prévention mais avec la volonté de construire une véritable intrigue. Ce livre est sans doute le premier manga fait en France par un auteur français, mais c’est une des choses dont on s’est rendu compte en cours de route, et l’idée ne nous a pas déplu, au contraire.

Comment s’est passée la collaboration entre toutes ces personnes, de votre point de vue ?

La collaboration s’est plutôt bien passée, il a fallu mettre en place une méthode de travail, il y avait des réunion très régulières et personne n’a lâché le projet en cours de route, ce livre aurait peut-être pu être réalisé plus rapidement, mais Nelson est encore à l’école, et beaucoup de choses reposaient sur ses épaules, on a rapidement décidé de ne pas lui mettre la pression . Il n’y pas eu de vrais soucis en fait, tout le monde voulait que ce projet devienne réalité, le vrai stress est venu du fait que la journée mondiale de lutte contre le SIDA, c’est le 1er décembre, et que finir le livre après cette date aurait sans doute joué sur le moral de tout le monde. D’un autre côté, c’est aussi un risque de sortir une BD, ce qui est généralement peu considéré par les médias traditionnels, avec la possibilité de passer totalement inaperçus.

Que pensez-vous du résultat, avez-vous atteint les objectifs que vous vous étiez fixés ?

En termes d’objectifs, pour ce qui est de la communication, je pense que c’est un succès, tous les médias en parlent, en mettant l’accent sur la prévention et sur le fait que ce soit un manga. Par contre en termes de prévention, cela sera sans doute difficile à savoir, mais le site du manga est là pour essayer de recueillir des retours de la part des lecteurs, en tout cas, ce que je souhaite c’est que le livre remplisse son rôle à ce niveau-là. Pour ce qui est de la qualité objective de l’album, de l’histoire, du dessin, j’avoue manquer de recul, il a été fait un avec une véritable exigence éditoriale, avec une grande sincérité aussi et en essayant de "tirer" le maximum de chacun des participants, ce qui était relativement simple vu que tout le monde est resté motivé, mais c’est un peu comme les Cahiers de l’image narrative que nous éditons : quand on les reprend, on ne voit que les défauts et ça nous rend malades. Ce sera aussi le cas avec ce manga. D’ici quelques semaines, je le relirai et je verrai tous ce qui aurait pu être amélioré.

Lionel Larchevêque est un étudiant d’Atelier BD. Il a réalisé le découpage de l’album, sous la supervision de Joseph Béhé. Voici ses impressions.

Comment êtes-vous arrivé sur ce projet ?

C’est Joseph Béhé qui m’a proposé de participer à ce projet : j’ai accepté très vite, parce que c’était la première fois qu’on me proposait un travail de longue haleine ; je me suis dit que ça serait intéressant et surtout formateur de le faire.
Ensuite, il est certain que le thème et l’objectif du projet ont été déterminants. Si j’avais jugé le thème sans intérêt, je ne l’aurais pas fait. Pour ce qui est du "style manga" (rien que l’expression pourrait amener des acharnés à discuter des heures... !), ça ne m’était pas très familier. Je n’avais lu que quelques volumes de Hikaru No Go, par exemple. Mais c’est vrai que ça aussi c’était intéressant, d’essayer de comprendre et de retrouver les éléments typiques de découpage, de mise en scène, de cadrage...

Comment s’est passée la collaboration avec le dessinateur ?

Il était convenu que je réaliserais le storyboard pour alléger le travail de Nelson Mayanda (le dessinateur) qui est encore au lycée et qui doit passer (et réussir !!!) le bac cette année.
Isasch et Thierry Goguel d’Allondans, les scénaristes [membres du SNEG. ndlr], me transmettaient au fur et à mesure les scènes à storyboarder. Je réalisais une proposition en intégrant les dialogues (pour ne pas avoir de mauvaise surprise avec les bulles lors de la mise au net...) que je faisais passer à Joseph Béhé qui la "validait" (ou me la renvoyait pour corriger ce qui n’allait pas), puis les pages étaient transmises à Nelson qui réalisait le dessin final. La majeure partie du travail s’est faite par internet. Je ne voyais Nelson et les autres membres du collectif qu’une fois par mois pour faire le point sur l’avancement du projet. Je découvrais alors mes crayonnés mis au propre, c’était chouette !

Que retirez-vous de ce projet ?

J’ai appris des tas de choses... sur le découpage, la documentation, la fabrication d’un livre... À titre personnel, je dois aussi rendre hommage à la détermination et à l’implication de Kal, d’Isasch et de Thierry Goguel d’Allondans qui ont initié et porté le projet. C’est une belle histoire ! Et pendant que moi je m’angoissais sur des problèmes de cadrage, de narration, de dialogue, leur principal souci à eux restait de réaliser le meilleur outil possible de prévention du sida... en espérant sauver des vies... changer des mentalités...
Au-delà des compétences techniques que j’ai pu acquérir en faisant ce travail, c’est aussi un petit peu de cet état d’esprit que je retiendrai !

Il ne reste maintenant plus qu’à cette BD agréable à lire à trouver son public. Une large diffusion dans les établissements scolaires serait certainement une bonne idée...

(par François Peneaud)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

- Réseau Positif
- L’atelier BD

[1Syndicat national des entreprises gay.

[2Vous en trouverez la liste sur le site officiel.

 
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2 Messages :
  • > Réseau Positif : une BD pour la prévention du Sida
    4 décembre 2005 16:50, par Asacem

    Franchement est-ce bien sérieux de prétendre que cette bande dessinée est le premier manga dessiné par un français et publié en France ?

    Répondre à ce message

  • > Réseau Positif : une BD pour la prévention du Sida
    4 décembre 2005 20:19, par François Peneaud

    L’un des scénaristes, Thierry GOGUEL d’ALLONDANS, n’a pu répondre à nos questions qu’avec un peu de retard. Nous tenions tout de même à inclure ses réponses.


    J’ai été sollicité, il y a trois ans, en tant que sociologue, par les
    acteurs de prévention du sida en Alsace (SNEG, AIDES, SIDAINFOSERVICE). Ils
    souhaitaient confronter une enquête qu’ils avaient réalisée avec celles que
    j’avais moi-même menées. Les résultats étaient éloquents : les jeunes sont
    saturés par les discours de prévention du sida mais ont, du coup, des
    représentations fausses. On pourrait résumer la situation ainsi : ils savent
    comment se protéger (la capote) mais ils ne savent pas comment ça s’attrape
    (d’où de nombreuses erreurs dans leurs réponses à nos questions
    épidémiologiques).

    Il s’agissait donc de réfléchir à une nouvelle action de prévention plus
    adaptée aux 12-25 ans. Deux membres de l’équipe sont passionnés de mangas et
    nous ont fait remarquer que notre public cible en était très friand. D’où
    l’idée d’un manga de prévention.
    C’est là que les amis m’ont lancé le défi de participer au scénario avec
    isasch. J’ai accepté avec enthousiasme et voilà !
    Je n’étais pas amateur de mangas, je suis en train de le devenir.

    Pour le scénario isasch étant actrice de prévention et moi sociologue,
    l’écriture à deux mains s’est articulée avec nos champs de compétence. Je
    pense avoir tenu l’idée d’un scénario où transparaisse une réalité
    sociologique de la jeunesse (typologie, caractère, culture...). Isasch était
    plus sensible aux messages de prévention. J’étais très sensible aux
    interactions entre les personnages ; isasch était plus sensible au
    déroulement même de l’histoire et au suspens final. Bref c’était une
    articulation simple, amicale et efficace.
    L’accueil réservé depuis quelques jours à ce manga dépasse nos espérances et
    démontre que notre idée était loin d’être mauvaise !

    Répondre à ce message

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