Élodie Shanta fait preuve d’une habileté à retourner les situations : les sorcières qui passent au bûcher renaissent avec un niveau de magie supérieur. Sauf que certaines ont déjà été brûlées plusieurs fois et se plaisent chez elles. Être brûlée veut dire déménager, changer d’apparence, changer de vie. Elles ont comme tout le monde envie d’avoir un chez soi, d’être entouré de gens qu’elles aiment, d’un métier, d’une routine tranquille. Ce sont d’ailleurs des personnes sociables de très bonne compagnie. Résine aide ses amies dans le besoin et a le courage d’affronter les propagateurs de rumeurs.
Leur magie n’est donc pas utilisée pour faire le mal comme les légendes le laissent croire. La seule différence avec les humains, c’est que quand elles disent « Habradak ! », il se passe des choses. Alors pourquoi les brûler ?
Parce que ce sont des femmes entreprenantes dotées d’un pouvoir qui fait peur à certains. La justice est tournée en ridicule lorsque pour le jugement d’une sorcière, le premier témoin appelé est un chien. Aucun argument valable n’est mis en avant. Mais quand l’esprit de groupe se met d’accord pour lyncher une personne, rien ne semble pouvoir les arrêter.
Le ton est léger et drôle malgré un fond teinté de tristesse. Le monde qui entoure Résine semble flotter de bonheur et de mignonnerie jusqu’à ce qu’il y ait des soupçons de sorcellerie et que la crainte soit accentuée par certains personnages. De beaux parleurs qui crient "Sorcière" et attisent la haine.
Le dessin est arrondi et efficace. La perspective est aplatie, on vit toute l’aventure de manière frontale. Ce style naïf rend accessible aux jeunes lecteurs les sujets profonds qui sont traités dans cette œuvre. Les couleurs chatoyantes et douces, où le ciel est rose, représente bien l’état d’esprit de Résine qui vise une vie paisible malgré la société qui lui met des bâtons dans les roues.
Cette œuvre parle d’amitié, d’amour, d’accepter la différence et de ne pas juger trop vite les apparences. Il parle aussi du pouvoir des femmes que certains hommes cherchent à faire chuter pour mieux briller. C’est un beau pied de nez fait à la chasse aux sorcières et à tous ceux qui sous-estiment les sorcières d’hier et les femmes d’aujourd’hui.
(par Aurélie MONTEIX)
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Résine. Par Élodie Shanta (scénario et dessin). Édition La ville brûle. Sortie le 19/02/2021. 17 x 24 cm. 88 pages couleur. 17 €.