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Retour vers le futur pour les Pieds Nickelés

Par Thierry Lemaire le 29 mai 2010                      Lien  
Avec "Les nouveaux Pieds Nickelés", Onapratut publie un collectif de très belle qualité sur les trois aminches plus que centenaires. 15 histoires courtes qui respectent le monument tout en lui donnant un bon coup de pinceau.

Tiens, les Pieds Nickelés sont de retour ? A peine avons nous parlé de la parution de l’album de Stéphane Oiry et Trap chez Delcourt fin 2009, que Croquignol, Ribouldingue et Filochard ramènent leur fraise aussi sec pour un deuxième service chez Onapratut. Par la magie des deux mots « domaine public », les trois escrocs retrouvent les honneurs de l’actualité. Louis Forton mort en 1934, les 70 années d’attente réglementaires sont bel et bien enterrées et l’exploitation de l’œuvre n’est plus réservée aux seuls ayant droits du créateur. Les habitués des prétoires auront reconnu l’article L.123-1 du Code de la propriété intellectuelle. Evidemment, certains objecteront que les Pieds Nickelés qui sont imprimés dans l’inconscient collectif ne sont pas ceux de Forton mais ceux de René Pellos (auteur de la série de 1948 à 1981) et ils auront raison. Il faut dire que les récitatifs surmontés d’une vignette caractéristiques de l’œuvre de Forton sont aujourd’hui quelque peu indigestes. Mais la loi est dure et c’est la loi (cocasse pour des héros qui ont toujours cherché à la contourner), c’est bien la mort du créateur qui est prise en compte.

Retour vers le futur pour les Pieds Nickelés
Les Pieds Nickelés font des petits miquets de Radi & Stéphane Girod. Au plus près de l’oeuvre de Louis Forton.
(c) Radi-Girod/Onapratut

Cette échéance juridique est finalement une bonne chose puisqu’elle a sorti les Pieds Nickelés des oubliettes où ils avaient lentement et pitoyablement échoué. Encore faut-il que le résultat soit à la hauteur d’un fleuron du patrimoine français du 9ème art (dans les bonnes périodes des 80 années de vie de la série, est-il utile de préciser). L’album de Oiry et Trap a plu et trouvé son public (on parle de 20 000 ventes). Qu’en est-il des nouveaux Pieds Nickelés d’Onapratut ? Dès le premier regard, on sent qu’on a affaire à du sérieux. L’album, épais, au dos bien carré des recueils d’antan, inspire confiance. La couverture de Pascal Rabaté et la préface d’Yves Frémion participent à ce sentiment. A l’intérieur, quinze aventures en noir et blanc attendent le lecteur. Le nom des auteurs ne parlera qu’aux habitués des blogbds (seul Olivier Ka avec Pourquoi j’ai tué Pierre peut se prévaloir d’un pedigree connu du grand public) et on peut se demander si le titre Les nouveaux Pieds Nickelés n’est pas autant un clin d’œil aux trois héros qu’aux 24 auteurs.

Les Pieds Nickelés sans-papiers de Duprat & Bédéneau. Une version au dessin très réaliste.
(c) Duprat-Bédéneau/Onapratut

Qui dit nouveaux auteurs et nouveaux Pieds Nickelés, dit thèmes contemporains. C’est bien le cas. Unter raille les bobos bios ; elric se moque de l’art conceptuel ; Baril et Radi fustigent les paparazzi ; Radi, encore lui, tacle le foot business ; Fred Duprat s’occupe des sans-papiers ; Wayne transforme ses héros en cyberpirates ; Radi, toujours lui, et Loco les entraînent dans la haute finance ; Fabien Bertrand charge la chirurgie esthétique et les cosmétiques ; et enfin Radi, décidément, écorne joyeusement le petit monde du 9ème art. Comme leurs glorieux prédécesseurs, ils hument l’air du temps à la recherche d’une belle escroquerie, de pigeons à plumer et de baudruches à dégonfler. Et bien croyez-moi si vous voulez, mais notre époque a encore quelques tours dans son sac en matière de filouterie.

Union Jackpot de Radi & Loco. Une version qui rappelle graphiquement la grande époque de Pellos.
(c) Radi-Loco/Onapratut

Au petit jeu des comparaisons, les scénarios de ces nouveaux Pieds Nickelés n’ont rien à envier à ceux des grands anciens. On retrouve le côté dénonciateur de la connerie humaine et gentiment subversif du trio d’aventuriers. On s’y régale également du rythme endiablé des histoires de Pellos, sans temps morts, sans blabla, jamais avare d’une poursuite, d’une retraite soudaine ou d’une fuite éperdue. L’ambiance est bien là et seuls les thèmes sont mis au goût du jour. Les thèmes et le dessin. Le plus frappant dans cet album collectif est la variété des styles qui se succèdent au fil des pages. Du plus proche de Pellos (elric, Loco) à un dessin plus réaliste (Aurélien Bédéneau, Pasto) ou plus lâché comme pour un blogbd (Clotka, Lommsek, Thibaut Soulcié), en passant par du comique "classique" (Unter, Loïc Senan, François Duprat), du plus "minimaliste" (Alejandro Milà, Paul Burckel) jusqu’à quelque chose de très audacieux pour les Pieds Nickelés (Waltch, Wouzit), chaque style est maîtrisé et donne à l’ensemble, dessins plus scénarios, une homogénéité de qualité rare pour un collectif.

Les Pieds Nickelés pris dans la toile de Wayne & Wouzit. Les Pieds Nickelés chez les Simpson ?
(c) Wayne-Wouzit/Onapratut

L’album est sous-titré hommage à l’œuvre et aux personnages de Louis Forton et il s’agit bien de cela tout au long des 280 pages. Aucune prétention, aucune ironie, mais de la fraîcheur qui donne envie, une fois le livre refermé, de se (re)plonger dans la série d’origine. En donnant les clefs de cet ouvrage à 24 novices, le pari était risqué. Il est relevé haut la main grâce au travail éditorial parfaitement effectué par les trois (tiens tiens) responsables d’Onapratut, Filak, Radi et Unter. En tout, le projet a pris 18 mois pour voir le jour et certains scénarios ont connu plusieurs versions avant d’être validés. Du beau travail qui permettra de découvrir agréablement de nouvelles plumes et qui mérite indubitablement un succès.

Les Pieds Nickelés, crème de beauté de Bertrand & Pasto.
(c) Bertrand-Pasto/Onapratut

A noter qu’en fin d’album, la classique série de couvertures alternatives permet à des auteurs plus connus du grand public (Carali, Caza, Hardy, Hugot, Lamorthe, Laurel, Lécroart, Thierry Martin, Obion, O.Groj, Nancy Peña, Jeff Pourquié, Olivier Schwartz, Al Séverin, Walthéry et Wasterlain) de divaguer sur le thème des trois escrocs.

Les Pieds Nickelés déclenchent un conflit social de Dib & Watch.
(c) Dib-Watch/Onapratut

(par Thierry Lemaire)

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2 Messages :
  • Tant mieux, les Pieds Nickelés font partie de l’imaginaire collectif français et anar... Mais presque 10 euros pour les 30 pages d’album de Oiry et Trap, c’est une honte !

    Répondre à ce message

  • Retour vers le futur pour les Pieds Nickelés
    29 mai 2010 12:59, par Oncle Francois

    Une équipe d’auteurs peu célèbres mais sympas, un gros bouquin de prés de 300 pages inédites pour 25 euros, des personnages centenaires traités sur un mode moderne (faire du pastiche simple de Forton ou Pellos aurait été sans intéret), voila qui semble bien appétissant pour combler les heures creuses. Bravo aux éditeurs d’Onapratut, ce qu’ils font me semble bien plus intéressant que l’album récent paru chez Delcourt.

    Je signale aussi l’existence d’une parodie libertine : les "Pieds Niqueurs", parue vers 1990 chez BD Adult

    Répondre à ce message

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