La sortie en salle mercredi dernier du joli film de Julien Rappeneau, une adaptation de la bande dessinée éponyme de Camille Jourdy, Rosalie Blum, chez Actes Sud, souligne un double phénomène : d’abord la vitalité de la jeune bande dessinée française et en particulier de ses auteures ; ensuite l’intérêt des producteurs pour des romans graphiques qui ne sont pas forcément issus de grandes séries commerciales vendeuses du genre Largo Winch ou Lucky Luke.
Cette tendance viendrait contredire l’aveuglement du Festival d’Angoulême sur la création des femmes ? Voire. Aussi bien Rosalie Blum de Camille Jourdy avec un Prix Révélation en 2010 que Le Bleu est un couleur chaude de Julie Maroh avec un Prix du Public en 2011 ont été distingués en temps réel par l’événement angoumoisin. Preuve s’il en est que les femmes n’ont pas toujours été oubliées dans le palmarès et qu’elles ont pu occuper plus d’une fois la première place du podium.
Rosalie Blum avait emporté auparavant le Prix RTL 2009 et nous avions pu écrire à cette occasion : " Sa trilogie (un volume par an, de 2007 à 2009) est la chronique douce-amère d’êtres qui s’entrecroisent sans vraiment communiquer, taisant leurs sentiments et prenant sur eux leur souffrance dans un jeu social qui n’entraîne qu’insignifiance et l’ennui. L’amour va bouleverser la donne, mais aussi une soudaine sagacité que la curiosité éveille. Comme au théâtre, la trilogie va au dénouement, mais elle laisse en mémoire une galerie de personnages attachants et pittoresques qui en font tout le prix. Avec son trait rehaussé d’aquarelle, le dessin de Camille Jourdy donne beaucoup de douceur à une histoire dont les personnages sont à fleur de peau. Il est heureux que le Prix RTL le mette sous la lumière. En attendant Angoulême ?" Quelques temps plus tard, nous faisions même l’interview de la discrète auteure.
Autant dans le cas de Camille que de Julie, ce sont les œuvres de jeunes créatrices dont c’était le travail de fin d’études. Camille avait écrit cette histoire alors qu’elle était encore à l’HEAR (Haute école des arts du Rhin, anciennement Arts décoratifs de Strasbourg) dont les auteurs de BD qui en sont sortis ont une excellente réputation ; la seconde avait ébauché son récit dans le cadre de la fameuse école de BD de Saint-Luc à Bruxelles. Des œuvres sans prétention ni esbroufe, sincères, honnêtes et très personnelles. Pas étonnant que cela parle aux jeunes réalisateurs.
Une adaptation "fidèle", selon l’auteur
Le film est en salle depuis mercredi. L’auteure a apprécié le travail de Julien Rappeneau dont c’est le premier film et qui lui avait fait lire le scénario auparavant. Il l’a invitée deux fois sur le tournage. Elle a été séduite par l’incarnation de ses personnages, en particulier celle de Noémie Lvovsky qui doit être un personnage de BD puisqu’elle se retrouvait aussi dans Les Beaux Gosses de Riad Sattouf. Mais aussi l’exceptionnelle Anémone et les excellents Kyan Khojandi et Alice Isaaz. Et puis par la musique aussi qui remplit l’espace, même quand la narration marque le pas. Certains critiques ont fait la fine bouche, trouvant le film trop léger, trop anecdotique. ils y voient un "feel good movie", pour utiliser un vocable comme le marketing en invente quand il parle de choses qu’il ne comprend pas. Ils ont sans doute raison, mais ces défauts sont des qualités, ils permettent d’aborder l’œuvre sans la pesanteur qui accable en ce moment l’actualité.
Il confirme en tout cas que la bande dessinée reste une grande inspiratrice du cinéma et que les producteurs et les réalisateurs, ayant sans doute épuisé le filon des licences connues, commencent à s’intéresser aux œuvres singulières hors des sentiers battus. C’est une bonne nouvelle pour les jeunes créatrices et créateurs dont les œuvres peuvent être ainsi, dès le début de leur carrière, mis en lumière.
Et pour nous, les lecteurs, qui trouvons là des univers diversifiés, sensibles et originaux déclinés sur des supports également très différents.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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