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S. Cuzor & P. Thirault : "O’Boys est une ballade sur l’humanité, sur la relation entre les gens."

Par Nicolas Anspach le 28 mars 2009                      Lien  
{{Steve Cuzor}} et {{Philippe Thirault}} ont signé l’une des plus jolies surprises de ce début d’année. {O’Boys} nous emmène le long du Mississipi, alors que l’Amérique est ravagé par la crise de 1929, dans une histoire à la fois sombre et légère mettant en scène un jeune garçon blanc et un adulte noir.

Pourquoi vous êtes vous librement inspirés de The Adventures of Huckleberry Finn de Mark Twain pour O’Boys ?

S. Cuzor : Je voulais avant tout réaliser un récit d’aventure qui ait pour cadre l’Amérique rurale. Les années ’30 se sont imposées rapidement : les ambiances et les décors de cette époque me parlaient. Marc Twain avait admirablement bien raconté le clivage entre les blancs et les noirs durant la guerre de Sécession. Ces récits restent quelque part symboliques de l’Amérique d’aujourd’hui. En les plaçant dans les années 1930, nous pouvions exploiter beaucoup mieux la problématique de la ségrégation raciale. Qu’est-ce qui avait changé entre les deux époques ? Le contexte social : L’Amérique était en pleine crise économique. Et la musique : le blues faisait son apparition. Nous avions les outils qui permettaient de faire vivre l’histoire inventée par Mark Twain dans un autre temps…Tout en la réinterprétant !

S. Cuzor & P. Thirault : "O'Boys est une ballade sur l'humanité, sur la relation entre les gens."
Steve Cuzor & Philippe Thirault
(c) Nicolas Anspach

Est-ce vous qui avez écrit le scénario ?

SC : J’avais les images, les ambiances et différentes situations qui me titillaient. Mais j’ai rapidement pensé à Philippe Thirault. C’est un romancier, et cela se sent dans son écriture, dans ses dialogues et ses descriptions. Je tenais à m’occuper des images, des ambiances et des odeurs. Mais la partie littéraire lui correspondait. Nous avions des points de vue assez proches quant au thème, à la sensibilité avec laquelle il nous fallait aborder l’histoire.

Comment fonctionniez-vous ?

P. Thirault : Nous avions un échange permanent. Nous nous sommes rencontrés. Il m’a lancé l’idée : un petit Blanc qui fuit avec noir. Et il m’a fallu trouver une histoire. Puis nous avons réalisé un résumé des séquences. J’ai rédigé un découpage classique, avec des dialogues. Mais ce dernier évoluait en fonction du story-board de Steve. Il revenait sur certaines choses. Il y a chez lui une sorte de bouillonnement incessant ! C’est une collaboration unique.

Cette histoire est très cinématographique. Le titre de la série fait référence à O’ Brother, un film des frères Coen. Sans parler de celui du deuxième album [1]. Pourquoi tous ces petits clins d’œil ?

SC : La thématique est assez noire : nous traitons de la ségrégation raciale, de la crise. Mais nous sommes également dans une comédie légère. Nous devions avoir cette légèreté pour faire sourir le lecteur face à certaines situations de nos personnages. Nous voulions retranscrire l’Amérique tout en ne nous prenant pas au sérieux. Nous ne noircirons pas l’image. Il n’y a ni perdant, ni gagnant. C’est une ballade sur l’humanité, sur la relation entre les gens. Nous restons relativement légers dans les situations humoristiques.

La planche 3 de O’Boys
(c) Cuzor, Thirault & Dargaud.

On sent une grande progression graphique par rapport à votre dernier album, Quintett – Le Troisième Mouvement

SC : On ne progresse jamais mieux que lorsque l’on est porté par un thème. Avec O’Boys, je suis proche de ce qui me tient narrativement à cœur. Du coup le dessin ne devient plus une contrainte, mais un outil narratif. Le dessin devient même une écriture. On perçoit alors ses propres progrès. Je n’étais plus dans la lourdeur de dessiner, par exemple, un avion qui soit graphiquement juste. J’étais plus en train de dessiner une errance, une couleur, une odeur. J’étais porté par l’histoire. Quintett était plus éloigné de mes préoccupations. Je n’ai pas vécu la guerre ’14. Et je n’y faisais que mon métier : dessiner l’histoire.
Le jour où je me rendrais compte que je fais un travail de tâcheron, j’arrêterai probablement de dessiner pendant un petit temps. Il faut de temps en temps se poser les bonnes questions : Que fais-je sur cette terre ? Combien de temps y serai-je ? Quel est mon rôle ? Combien de temps ai-je pour m’amuser ? … Alors autant être sincère avec soi-même et avec le lecteur.

Qu’est ce qui caractérise l’univers de Philippe Thirault par rapport aux scénaristes avec lesquels vous avez travaillé auparavant ?

SC : Le ton, l’univers. Mais cela se ressent surtout dans le texte, dans ses phrases. On peut y voir tout et son inverse ! Frank Giroud est un historien. Il a une rigueur méticuleuse et respecte les contraintes historiques. Philippe est plus dans l’évasion. C’est un scénariste romancier qui peut aller plus loin dans son texte. J’ai parfois laissé le texte prendre le pas sur le dessin afin que le lecteur puisse méditer sur ce qu’il venait de lire.

La planche 4 de O’Boys
(c) Cuzor, Thirault & Dargaud.

Cette histoire est-elle planifiée en un nombre spécifique d’albums ?

PT : Non ! Rien n’est prédéfini. Steve a envie de réaliser une série d’aventure à la Blueberry. On suivra nos personnages traverser les USA. Par contre, nous donnerons les réponses aux questions posées d’un album à l’autre. Le prochain album sortira fin 2009.

On sent d’ailleurs que Giraud fait partie de vos références

SC : Tout à fait. Jean Giraud est un héritier de Jijé et de la bande dessinée réaliste américaine. Je me sens plus attaché aux auteurs vivants. Alors forcément, j’ai une relation plus aiguë avec son travail. Il possède une écriture, il est soucieux d’une précision des faits et est attaché aux expressions des personnages et à leur crédibilité. Un dessinateur n’a pas le droit de ne pas être crédible sur une histoire telle que O’Boys. Cela demande donc de la rigueur et du travail. Il faut oublier le dessin proprement dit, pour aller au fond des sentiments !

Quels sont vos projets ?

SC : Je me concentre sur O’Boys. A la fin du troisième, j’embraierai très probablement sur un one-shot dont on devrait entendre parler !

PT : Je vais publier en avril le premier tome d’une adaptation du Père Goriot de Balzac pour la collection Ex-Libris des éditions Delcourt . Le troisième tome de Mandalay sortira enfin en avril chez les Humanoïdes Associés.

(par Nicolas Anspach)

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Lire la chronique du T1 de O’Boys.

Voir aussi l’interview vidéo de Philippe Thirault sur le site BD de France Télévisions

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Du même scénariste, lire aussi les chroniques de :
- La Fille du Yukon T2
- Le rêve de Jérusalem T1
- Vider la Corbeille

[1ndlr : Deux Chats Gais sur un train brûlant, annoncé pour la fin 2009

 
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