Actualité

Saintia shô, l’avenir féminisé de Saint Seiya

Par Guillaume Boutet le 17 mars 2015                      Lien  
« Saint Seiya », alias « Les Chevaliers du Zodiaque », aura bientôt trente ans et pourtant, la célèbre saga n'a jamais compté autant de projets d'avenir. Le dernier-né : un manga mettant en scène la garde rapprochée d'Athéna, composée uniquement de femmes !

Nous vous en avions déjà parlé il y a quelques mois : depuis une petite dizaine d’années, l’œuvre culte de Masami Kurumada n’a cessé de donner naissance à de multiples séries dérivées, que ce soit en anime ou en manga... Et les années 2014 et 2015 ne font rien pour réduire la cadence, loin de là !

Œuvre culte des années 1980 au Japon, Saint Seiya s’est fait connaître chez nous lors de la diffusion de sa version animée au Club Dorothée, entre 1988 et le milieu des années 1990. Après une pause au Japon au cours des années 1990, la série s’est vue offrir une séquelle en anime en 2002, adaptant le dernier arc du manga, jusque-là inédit. Depuis Saint Seiya, s’est transformé en véritable franchise, multipliant les œuvres dérivées avec plus ou moins de bonheur.

Saintia shô, l'avenir féminisé de Saint Seiya
Tome 1 de l’édition deluxe de Saint Seiya
© by Kurumada Masami / Shueisha / Kana

Une série à succès au destin contrarié

Commençons par resituer l’œuvre originale, un manga de Kurumada Masami publié dans le Weekly Shônen Jump de Shûeisha, de janvier 1986 à décembre 1990, comptant 28 tomes. En France Saint Seiya fut publié chez Kana, en version « normale » (1997-2000) puis « deluxe » (depuis 2011 et qui s’achèvera en 2015).

Il s’agit d’un pur shônen nekkestu [1] dans lequel le lecteur suit les aventures de guerriers légendaires, les Saints, réunis autour de la réincarnation de la déesse Athéna. Leur mission est de défendre la Terre contre les forces du mal, et plus particulièrement contre des divinités comme Poséidon, Hadès, Arès ou encore Éris.

Le génie de Kurumada Masami a été de réinvestir la mythologie grecque sous la forme de chevalerie. Une idée simple mais particulièrement efficace. Ainsi chaque divinité se trouve entourée de guerriers représentant des créatures mythologiques signalées par leurs armures. Ainsi le héros, Seiya, porte une armure symbolisant Pégase.

De façon plus précise chaque Saint d’Athéna symbolise une constellation, basée sur la mythologie grecque pour l’essentiel. Les guerriers des autres dieux reprennent quant à eux des figures liées à leur divinité tutelle.

À cela s’ajoutent les notions de cosmos et de septième sens, pour le dépassement de soi et l’acquisition d’un pouvoir surhumain, inhérent à tout nekketsu. Les confrontations font ainsi la part belle aux attaques spéciales, illustrées par les totems des héros, et aux sacrifices pour avancer vers le grand ennemi menaçant le monde et Athéna elle-même.

L’adaptation animée des années 1980 a bénéficié d’un soin remarquable, devenant une référence de nos jours.

La dévotion aux camarades et à la justice constituent la pierre angulaire du récit, sans oublier l’attrait que suscite la riche galerie de personnages se développant au fur et à mesure, comme les incontournables et très populaires Gold Saints (les Chevaliers d’Or, les plus puissants guerriers au service d’Athéna, symbolisant chacun un des signes du zodiaque).

Le premier dérivé de l’œuvre fut l’adaptation animée, produite au Japon de 1986 à 1989, pour 114 épisodes et quatre films. Malheureusement le manga se termina plutôt que prévu, suite à une perte de popularité, et le mangaka ne réalisa que trois des cinq arcs qu’il avait imaginés [2]. De même, la série animée n’en proposa que deux (Sanctuaire et Poséidon), ajoutant un arc original sur Asgard. L’aventure Saint Seiya s’arrêta en 1990 au Japon pour finalement être ressuscitée en 2002.

La renaissance de la légende

Le paradoxe concernant la popularité Saint Seiya, fait qui n’est pas nécessairement bien connu par les fans occidentaux, est que la série est loin d’être aussi populaire au Japon qu’en Occident. En effet l’œuvre la plus appréciée de Kurumada Masami du public japonais est certainement Ring ni Kakero, un manga de boxe de 25 tomes, publié entre 1977 et 1983, alors que le mangaka a plutôt tendance à considérer Saint Seiya comme sa pièce maîtresse.

Dernier tome de The Lost Canvas
© Shiori Teshirogi / Akita Shoten / Kurokawa

En 2000, Kurumada Masami débute une séquelle de cette série, et deux ans plus tard, Toei Animation lui propose de l’adapter en anime. Le mangaka accepte mais fixe une condition : le studio doit réaliser une série d’OAV [3] du dernier arc de Saint Seiya jamais adapté : le chapitre d’Hadès.

L’accord est conclu mais Toei Animation ne croit plus à Saint Seiya depuis longtemps et alloue un budget modeste à ces OAV qui ne couvrent que la première partie du chapitre. Par contrat Toei doit ensuite adapter Ring ni Kakero 2 pour revenir après sur Saint Seiya pour réaliser la suite du chapitre d’Hadès.

À la surprise de tous, ces OAV s’avèrent être un immense succès et le revival Saint Seiya est lancé ! La même année, un manga dérivé voit le jour : Saint Seiya Episode G (2002-2013) de Megumu Okada qui poursuit à l’heure actuelle l’aventure avec une suite, Saint Seiya, épisode G -Assassin-.

Du côté de la Toei, la première série d’OAV se termine en 2003 mais, contractuellement, le studio ne peut pas produire immédiatement la suite. Un film, Tenkai-hen Josô : Overture (Chapitre du monde céleste : Ouverture), servant à introduire le chapitre du Ciel, est mis en chantier en catastrophe et sort en 2004.

Le film s’avère un échec. Kurumada Masami est très insatisfait du résultat, fait virer une partie du staff et décide de s’atteler lui-même à la suite de son manga.

Extension et développement de l’univers Saint Seiya

C’est ainsi qu’en 2006 débutent deux nouveaux mangas : Saint Seiya : The Lost Canvas (2006-2011) de Shiori Teshirogi qui prolonge aussi cet univers actuellement avec Saint Seiya : The Lost Canvas Chronicles ; et Saint Seiya : Next Dimension, lequel a la particularité d’être réalisé par Kurumada Masami lui-même.

Comme indiqué ces trois mangas « dérivés » sont toujours en cours et sont tous publiés en France.

Du côté de la Toei Animation, la suite des OAV du chapitre d’Hadès souffre des conséquences de l’échec du film. Produite entre 2005 et 2008, elle se voit allouer un budget dérisoire, un nouveau staff ainsi que de nouveaux doubleurs pour les personnages ! Le résultat est mitigé mais le studio décide de continuer d’exploiter la licence, qui se révélé tout de même une bonne affaire.

Ainsi en 2012 se trouve annoncée une nouvelle série TV, une suite « non-canonique » de l’œuvre originale : Seiya Seiya Omega. La série s’achève en 2014 au bout de deux saisons, avec un résultat là-encore mitigé, le studio ayant orienté l’œuvre pour le très jeune public.

En 2014 est réalisé un nouveau film, un reboot entièrement en images de synthèse, sorti en France le 25 février 2015, Saint Seiya : La légende du Sanctuaire. Une nouvelle fois, et c’est presque devenu une habitude avec les adaptations animées modernes, le résultat s’avère très moyen. Visuellement le film est somptueux et le début très pêchu, mais le seconde partie semble s’être perdue dans les contraintes liées au format de long-métrage et traîne en longueur.

Ne s’arrêtant plus désormais, grâce à un catalogue qui tourne, la Toei lance en avril prochain, une nouvelle série TV, Saint Seiya Soul of Gold, au synopsis étrange : L’histoire se déroulerait après le chapitre d’Hadès et débuterait par la résurrection des Gold Saints à Asgard !

Enfin, en plus de ces diverses adaptations et séries dérivées, s’est ajouté en 2013 un nouveau manga : Saint Seiya : Saintia Shô !

Les Saintia n’ont rien à envier à leurs homologues masculins
© 2013 Chimaki Kuori / Akita Shoten / Kurokawa

Saintia Shô ou l’histoire des guerrières de l’ombre

Pré-publié dans le mensuel Champion Red d’Akita Shoten, un magazine de shônen, Saint Seiya : Saintia Shô est réalisé par Chimaki Kuori et compte pour le moment trois tomes. En France, c’est Kurokawa, qui édite Saint Seiya : The Lost Canvas et sa suite, qui nous le propose.

Cette nouvelle série nous plonge dans un univers « féminin » et vise un public a priori différent – même si dans le fond, il serait étonnant qu’elle attire réellement de nouveaux lecteurs ou lectrices.

Le principe, simple, joue la carte de la rétro-continuité : l’histoire prend place au début de la série, quelques temps avant le Tournoi Galactique, alors que Saori sait déjà qu’elle est Athéna, mais avant que les héros ne soient rassemblés pour la protéger.

Nous découvrons alors l’existence d’une nouvelle catégorie de Saints : les Saintia, composée exclusivement de femmes, qui n’ont pas besoin de renoncer à leur féminité comme de coutume (en portant un masque). Leur rôle est en effet de veiller sur Athéna au plus près de son intimité, ce qui explique qu’il s’agisse d’un ordre de Saints féminins. Des vestales-gardes du corps en quelque sorte...

L’antagoniste est bien entendu Eris et on comprend dans ce premier tome que, parallèlement au récit-canon, nous allons a priori suivre la lutte des Saintias contre la déesse de la discorde, qui ne semble n’avoir que des serviteurs féminins de son côté elle-aussi.

Shôko : une héroïne qui a du punch !
© 2013 Chimaki Kuori / Akita Shoten / Kurokawa

L’héroïne quant à elle, Shôko, va devenir la Saintia du Petit Cheval dans le but de retrouver sa sœur. Un thème qui rappellera aux amateurs la quête initiale de Seiya. La trame et les personnages relèvent donc de la trame classique et les amateurs ne seront pas dépaysés. La particularité du récit s’attache donc à proposer un univers « féminin » mais, pour le reste, il s’agit de notre bon vieux Saint Seiya, avec forces du mal, cosmos, armures et météores compris !

On pourra regretter le manque d’originalité de la démarche, mais aussi apprécier une féminisation du récit qui n’altère pas le cadre général, sans l’ombre d’une édulcoration. En somme, bien que destinée principalement à un public féminin, la proposition reste la même que pour les mangas destinés aux lecteurs masculins, et au final, ce travail sur la parité sexuelle des personnages fait de la série une œuvre « tout public » en terme de catégorisation.

Le premier tome paru nous semble pour le moment efficace et pêchu. Le trait de Chimaki Kuori n’est pas sans rappeler celui de Shiori Teshirogi, et elle se montre très à l’aise dans les scènes d’action et les situations gore et glauques. Un manga sans surprise, mais néanmois une valeur sûre pour les amateurs de la saga.

Si après à la fin des années 1980 et un arrêt forcé suite à une perte de popularité, le retour sur le devant de la scène en 2002 de l’œuvre culte de Kurumada Masami a pu se faire avec succès, preuve qu’une bonne stratégie de développement des œuvres dérivées peut assurer la survie d’une œuvre principale, force est de constater que son développement futur semble reposer, si l’on suit la logique des stratèges nippons, sur le public féminin.

Pour les Chevaliers du Zodiaque aussi, la femme est l’avenir de l’homme (ou plutôt, dans ce cas de figure, du Shônen).

(par Guillaume Boutet)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN :

Saint Seiya - Saintia shô T1. Par Chimaki Kuori. Traduction Xavière Daumarie. Kurokawa, collection "Shônen". Sortie le 12 février 2015. 192 pages. 7,65 euros.

Commander ce livre chez Amazon ou à la FNAC

Concernant Saint Seiya :
- lire la chronique du tome 2 de l’édition deluxe
- lire la chronique du tome 3 de l’édition deluxe
- lire la chronique du tome 11 de l’édition deluxe

Concernant Saint Seiya Episode G :
- lire la chronique du tome 8
- lire la chronique du tome 10

Concernant Saint Seiya : The Lost Canvas :
- lire la chronique du tome 2
- lire la chronique du tome 10
- lire la chronique des tomes 24 & 25

Concernant Saint Seiya : The Lost Canvas Chronicles :
- lire la chronique des tomes 1 & 2
- lire la chronique du tome 5
- lire la chronique du tome 6

Concernant Saint Seiya : Next Dimension :
- lire la chronique du tome 7

[1Shônen : désigne un type de manga ayant pour cible éditoriale les garçons adolescents.
Nekketsu : signifie « sang bouillant », ce vocable désigne un type de récit au traitement exacerbé et exagéré dans ses situations et dans la manifestation des émotions.

[2Les cinq grands arcs narratifs de Saint Seiya étaient :
- le chapitre du Sanctuaire,
- le chapitre de Poséidon,
- le chapitre d’Hadès,
- le chapitre du Ciel (non dessiné à l’époque),
- le chapitre des Titans (non dessiné à l’époque).

[3Original video animation : un anime destiné directement à l’exploitation en vidéo, ne passant pas par la case télévision ou cinéma.

Saint Seiya - Les Chevaliers du Zodiaque
 
CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Guillaume Boutet  
A LIRE AUSSI  
Actualité  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD