La Mer vue du Purgatoire est le 6e album de la série Sambre entamée il y a 24 ans. Lorsqu’il était associé à Balac, alias Yann, c’est le roman Les Hauts de Hurlevent d’Emily Bronte, le dernier grand chef d’œuvre du Romantisme, que les auteurs ont en ligne de mire. Un récit passionné, plein de bruits et de fureur, d’une violence qui avait choqué l’Angleterre victorienne.
Reprenant le fil du récit, Yslaire s’est inspiré quant à lui du Victor Hugo des Misérables dont il reprend la fresque sociale, le point de vue du petit peuple et le policier persécuteur, du Balzac de la Comédie humaine, à cause de ses personnages récurrents, et du Zola des Rougon-Macquart pour son déterminisme scientifique et sa vision dynastique de la société : l’histoire des Sambre a lieu entre 1847 et 1871, dates charnières, s’il en est.
À cela s’ajoute quelques obsessions bien personnelles : un désir brûlant et fusionnel qui traverse l’histoire, et ces yeux couleur de sang qui passent de génération en génération, aussi sûrement que le talisman des Timour.
Détermination
Il faut une sacrée détermination pour imposer aux éditeurs –et aux lecteurs- une saga qui n’est qu’à mi-course au bout de 24 ans et dont le dernier opus date d’il y a sept ans ! Et si l’intrigue de La Mer vue du Purgatoire reste une épure, c’est pour mieux donner de la force à une tragédie que l’on a envie de qualifier de wagnérienne tant le pathos y est présent. Alors qu’elle entrapercevait une possibilité d’échapper à un destin funeste, Julie retombe très vite dans le tourment, face à la mer immense. Le destin est aussi puissant que l’océan, que la volonté divine, si elle existe.
Grâce à la spin-off, La Guerre des Sambre (coédition Futuropolis – Glénat) qui étend son récit jusqu’à 4000 ans avant JC, les lecteurs ne sont pas restés sur leur faim pendant ces sept années de Carême. Le beau travail de Jean Bastide, Vincent Mezil (dessinateurs du cycle Hugo & Iris) et celui de Boidin (qui a débuté le cycle Werner & Charlotte) assurant une publication soutenue (4 volumes en quatre ans), qui offre encore plus de profondeur à une intrigue aux rhizomes complexes.
La tablette informatique, enfin au point, a également amélioré la productivité de l’auteur belge qui travaille désormais presqu’exclusivement sur cet outil. Avec un résultat éblouissant. Finalement, cette lente gestation de 24 ans n’aura pas été vaine : grâce à un plan solidement établi, il n’y a plus qu’à les réaliser, ces histoires qui nous feront quitter le purgatoire. Mais est-ce pour régresser vers l’enfer ou pour progresser vers le paradis ?
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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La Mer vue du Purgatoire Par Bernar Yslaire - Éditions Glénat
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