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Sandawe : Un premier projet, "Il Pennello", financé à 100%

Par Nicolas Anspach le 16 juin 2010                      Lien  
Quelques mois après son lancement, Sandawe voit un premier projet financé grâce aux internautes-éditeurs, les édinautes. La publication d’{Il Pennello} par ({{Serge Perrotin}} et {{Jean-Marc Allais}}) devra beaucoup à Alain, un édinaute ultra-motivé. {{Patrick Pinchart}}, le directeur éditorial de Sandawe, vient de gagner son premier pari : nous prouver que son projet d’édition est possible…

Rétabli après un grave accident d’escalade, Patrick Pinchart, ancien éditeur de Dupuis et fondateur historique de’ActuaBD.com [1] avait lancé récemment Sandawe, la première maison d’édition basée sur la méthode du Crowdfunding, un portail Internet qui met en relations des auteurs et les internautes qui seront leurs futurs éditeurs, les "édinautes", en investissant financièrement dans le projet.

Un livre et 260 éditeurs

Moins de six mois après son lancement, un premier titre proposé par Sandawe vient d’être financé à 100 %. « Il Pennello », une histoire réalisée par Serge Perrotin et Jean-Marc Allais est donc la toute première bande dessinée à être éditée par la méthode du Crowdfunding. 260 édinautes ont cru en cette histoire et on misé ensemble 36.000 €.

Ce récit, écrit le scénariste de Lance Crow Dog, Serge Perrotin, se déroule à Paris, en 2054. Un dessinateur de BD raté découvre « Il Pennello », un pinceau, datant du XVIe siècle, qui donne du talent à celui qui l’utilise. Il possède également le pouvoir de donner la vie à ce qui est dessiné. Anton est un fan de Pelisse, le personnage inventé par Régis Loisel et Serge Le Tendre pour la Quête de l’oiseau du temps. Il décide de reproduire l’héroïne de la Quête, couchée sur son propre lit… Pelisse apparaît. Elle dit s’appeler Elisa Balanger et ne comprend pas ce qu’elle fait là alors qu’elle posait, il y a un instant, en cette année 1974, dans l’atelier de Régis Loisel…

Serge Perrotin et Jean-Marc Allais ont bien sûr reçu l’autorisation des auteurs de la Quête et de Dargaud pour utiliser cette Pelisse réinventée.

Sandawe : Un premier projet, "Il Pennello", financé à 100%
Extrait de "Il Pennello"

C’est après avoir lu un article consacré aux éditions Sandawe sur Actuabd.com que Serge Perrotin a pris contact avec Patrick Pinchart, son directeur éditorial. « Je suis assez sensible aux initiatives participatives qui tentent de fédérer les énergies et les capitaux, nous explique-t-il. Il me semble qu’elles sont une réponse aux ‘j’y suis pour rien’ et autres ‘le système est pourri ‘ qu’on entend trop souvent. Nous pouvons, chacun à notre niveau, apporter notre contribution. Dans tous les domaines, si nous sommes nombreux, une petite goutte d’eau, quelques euros en l’occurrence, peuvent changer la donne ».

Serge Perrotin admet qu’il est exaltant d’accompagner les premiers pas d’une maison d’édition traditionnelle. « Ça l’est encore plus lorsque celle-ci affiche un discours clair, transparent, en défrichant de nouvelles pistes, poursuit-il. J’aime bien l’idée novatrice que Sandawe joue sur les deux tableaux : éditer en s’appuyant sur ce formidable outil qu’est l’Internet tout en continuant, parallèlement, à diffuser et distribuer les livres de façon traditionnelle. Et puis, cette vitrine web permet de tester le projet auprès des lecteurs et coéditeurs potentiels pendant une durée suffisamment longue. Leurs réactions, pour peu qu’elles soient argumentées, pourront peut être orienter le projet dans une direction ou dans une autre. »

Jean-Marc Allais, le dessinateur d’Il Pennello était lui aussi attiré par le concept inédit de Sandawe. « Sandawe apporte une réponse différente et originale au problème de la visibilité d’un album aujourd’hui. L’équipe de Sandawe en était convaincue.  ».

Serge Perrotin nous avoue être heureux et fier d’avoir bouclé le budget dans un délai relativement court et de constater avec une certaine surprise le «  formidable accueil fait au projet sur le site Sandawe  »

Serge Perrotin, en Australie.
C’est de ce pays que Serge Perrotin a suivi la mise en orbite de son projet. Il a décidé d’y vivre pendant un an ... (c) DR.

Patrick Pinchart avait prévu que le financement d’un premier projet serait terminé en juillet ou en août. « C’est fait, avec une certaine avance malgré tous les aléas des premiers mois. J’en conclus que c’est un mode d’édition qui nécessite d’être très actif, à la fois pour les auteurs et pour l’éditeur ». Le directeur éditorial de Sandawe a conscience que la malchance a freiné le démarrage du site : « À cause de ma terrible chute du 18 janvier et des nombreux mois d’hôpital qui ont suivi, l’animation a été léthargique et cela s’est ressenti au niveau des investissements. Mon hospitalisation était très, très mal tombée (sans vouloir jouer avec les mots) puisqu’elle avait débuté une semaine après le lancement de presse en Belgique qui avait été une grande réussite, et dix jours avant Angoulême, où nous devions renouveler l’exploit avec toute la presse française et internationale. Ce qui n’a pu être fait. Dès que Lionel Camus, le directeur marketing et moi, avons relancé le site, que nous l’avons animé quotidiennement, que nous avons montré que nous "mouillions notre chemise" en abandonnant notre marge pour "booster" l’investissement, cela a redonné confiance aux édinautes et ils nous ont suivis, particulièrement grâce à l’un d’entre eux, Alain, qui nous a beaucoup aidé ».

Un budget relativement vite bouclé

Patrick Pinchart a retrouvé le sourire : il vient de boucler son premier projet.
Photo : Nicolas Anspach

Pour atteindre le financement de 36.000 €, 260 édinautes ont acheté des parts dans ce projet. L’investissement moyen est de 138€. Sept d’entre eux ont misé 1000 € ou plus. Patrick Pinchart n’est pas étonné par l’importance de ces investissements : « Le phénomène s’est vérifié également en musique. On nous reprochait au départ des budgets trop élevés — pourtant justifiés et comme nous avons décidé d’être transparents dès le départ, cela a été expliqué sur le site de Sandawe — alors qu’en musique, ils sont encore plus importants (50 à 70 000 € pour un album). Or, dans ce domaine, les budgets sont atteints avec quelques centaines d’internautes à peine, dont certains mettent des grosses sommes. À aucun moment nous n’avons pensé qu’il faudrait des milliers d’internautes pour financer un projet. »

En dix jours de temps, le compteur des investissements est passé de 50% à 100%, et il est passé en quelques heures de 80% à 100%. « Nous ne nous attendions pas du tout à un tel rush. Cela nous a fait énormément plaisir car nous avions été confrontés, au lancement du projet, à énormément d’intérêt, mais également à pas mal de scepticisme, commente l’animateur de Sandawe. »

Jean-Marc Allais
(c) DR.

Patrick Pinchart attribue aussi la réussite de la levée de fond pour Il Pennello à la réactivité des auteurs qui ont ajouté régulièrement du contenu (dessins, planches, textes explicatifs, etc). « Cela s’est révélé payant pour eux à long terme. Cela a dû être très frustrant pour eux, comme pour tous les autres auteurs d’ailleurs, de voir que rien ne bougeait pendant mon hospitalisation, mais ils se sont accrochés, malgré les inévitables moments de découragement par lesquels tout le monde est passé. ».

Jean-Marc Allais acquiesce en nous disant qu’il y a eu des périodes de haut et de bas entre le moment où le projet fut présenté aux internautes et le bouclage du financement. « Il m’est vite apparu qu’il ne fallait pas se contenter d’attendre souligne le dessinateur. Même si, par définition, les auteurs n’ont pas la main sur le processus de financement. Je me suis astreint à poster régulièrement des dessins et des messages sur la page "actu" du projet. Par la suite je me suis mis à m’adresser régulièrement aux édinautes via la messagerie du site. J’ai eu des échanges assez "marrants" avec certaines personnes. Je pense notamment à une personne qui réside aux Émirats Arabes Unis. Les dernières semaines ont été assez fascinantes grâce à Alain,un édinaute qui a initié une action auprès du reste des investisseurs. Le projet gagnait parfois plusieurs pour-cents en un quart d’heure. Puis tout s’est accéléré et l’objectif a été atteint rapidement ».

Extrait de "Il Pennello"
(c) Allais, Perrotin & Sandawe.

Patrick Pinchart n’oublie pas pour autant que cette réussite n’est qu’une première étape. « Nous ne faisons que commencer : nous avons plein de projets en tête pour poursuivre. Il ne faut pas oublier que, derrière cette réussite, il y a encore dix projets qui attendent d’être financés et qu’ils vont vite être rejoints par d’autres... ». Cette étape franchie, il ne lui reste plus qu’à mettre les bouchées doubles. Il nous prouve avec "Il Pennello" qu’une levée de fond pour financer une BD par des investisseurs particuliers est possible, et que le modèle économique mis en place par Lionel Frankfort, Lionel Camus et Patrick Pinchart est plausible.

Extrait de "Il Pennello"

Les internautes investisseurs vont pouvoir suivre l’élaboration de l’album via une zone réservée sur le site de Sandawe. Patrick Pinchart et Lionel Camus espèrent que ceux-ci joueront un rôle dans la communication qui sera faite à la sortie de l’album, courant 2011 :« Cette nouvelle façon de produire un album va certainement susciter une curiosité autour du projet, souligne Jean-Marc Allais. Comment les édinautes se feront les ambassadeurs de l’album ? Mais ces questions viendront dans un deuxième temps. Pour l’instant je me concentre à nouveau sur la réalisation des planches. Il me reste pas mal de pain sur la planche et je n’oublie pas que le succès d’un album repose en grande partie sur la qualité de sa réalisation. »

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Lire une interview en deux parties de Patrick Pinchart et de Lionel Frankfort (réalisée en janvier 2010) :
- Les lecteurs peuvent participer à une aventure éditoriale en investissant sur des projets en toute sécurité
- C’est à l’internaute de décider du nombre d’album que Sandawe éditera !

Lire également :
- "Sandawe repart au combat" (Mai 2010)
- Sandawe, naissance d’une maison d’édition sur Internet (Novembre 2009)

Lien vers le site de Sandawe



Illustrations (c) Perrotin, Alais et Sandawe.

[1Pinchart a travaillé aux éditions Dupuis entre 1987 et 2009. Editeur, il a été par deux fois rédacteur en chef du journal de Spirou.

 
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3 Messages :
  • Mais où trouvent-ils l’argent ces gens qui investissent ? Moi je n’ai même pas de quoi m’acheter des bd (je les lis gratos à la FNAC et en bibliothèques).

    Répondre à ce message

    • Répondu le 16 juin 2010 à  21:40 :

      par contre, t’as les moyens de te payer un ordinateur et un abonnement pour poster surfer sur internet et poster des mails... ou bien, tu squattes chez des amis ?

      Répondre à ce message

    • Répondu par Oncle Francois le 16 juin 2010 à  23:06 :

      Vous avez bien raison d’utiliser un peu ce que nous payons sou forme d’impôts : le libre accès à la lecture BD. Pour moi qui suis un gros lecteur et un grand collectionneur, il existe deux types de BD : celles que l’on a envie de lire et de posséder, et celles qu’il suffit de lire une fois.

      Je profite de l’occasion pour remercier les conservateurs de bibliothèques municipales et de médiathèques qui ont sensiblement infléchi leur politique depuis quarante ans : en 1970, on ne trouvait des BD qu’en catégorie "Jeunesse", alors qu’on en trouve désormais beaucoup en Adulte. Cela m’a permis d’économiser beaucoup d’argent, croyez-moi ! Et quel problème de rendre un livre dont on a seulement lu les dix premières pages, quand il vous tombe des mains et qu’il n’a rien couté ?

      Répondre à ce message

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