Un couple de bouchers adopte un enfant au visage difforme. Celui-ci porte, en permanence, une minerve pour cacher sa malformation. Tristan grandit sous le regard moqueur des autres enfants et des clients de la boucherie. L’enfant ne s’exprime que par gestes. Alors qu’il accompagne son père aux abattoirs, où ce dernier travaille également, Tristan se découvre une passion : pour combler l’ennui, il saisit une queue de vache et la frotte dans une coulée de sang. Il se rend compte que cela lui permet de peindre et réalise aussitôt une fresque murale.
Tristan grandit le pinceau à la main et, une fois devenu adulte, se partage entre son travail aux abattoirs et la peinture. L’homme souffre toujours de sa difformité. Les seules femmes qui ont sur lui un regard normal sont sa mère et une « tante »... Jusqu’au jour où arrive Mathilde.
Étrangement, malgré la gravité de la thématique, ce récit ne sombre jamais dans les situations trop glauques ou pessimistes. Sans doute est-ce dû à la personnalité particulièrement attachante et émouvante de Tristan qui, malgré les blessures de la vie, se bat pour s’imposer dans la société.
Après avoir illustré des œuvres fortes comme Le Tour de Valse (scénario de Denis Lapière) ou Le Silence de Malka (scénario de Jorge Zentner), le dessinateur catalan Ruben Pellejero confirme une fois de plus la virtuosité de son trait et de ses choix chromatiques, sombres et ombrageux lors des affrontements qui ont endeuillé Paris lors de la Commune, rouges-bruns dans la suite du récit. Une couleur de sang séché, comme celle faite d’abats broyés en guise de pigment, qu’utilise ce peintre écorché.
Une oeuvre saisissante.
(par Nicolas Anspach)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.