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Sélection du Prix ACBD Québec 2018 : trois incontournables de la BD québécoise

Par Marianne St-Jacques le 18 octobre 2018                      Lien  
Les auteurs Julie Delporte, Siris et Samuel Cantin sont finalistes au Prix de la critique ACBD de la bande dessinée québécoise. Retour sur cette sélection 2018, composée des albums Moi aussi je voulais l’emporter (Pow Pow), Vogue la valise : L’intégrale (La Pastèque) et Whitehorse : Deuxième partie (Pow Pow).

Après avoir couronné Isabelle Arsenault et Fanny Britt en 2017 (Louis parmi les spectres, La Pastèque), Jean-Paul Eid et Claude Paiement en 2016 (La Femme aux cartes postales, La Pastèque), et Jimmy Beaulieu en 2015 (Les Aventures, Les Impressions nouvelles / Non-Aventures, Mécanique générale), le Prix de l’Association des critiques et journalistes de bande dessinée (ACBD) de la bande dessinée québécoise [1], est de retour pour une quatrième édition. Cette année encore, la sélection officielle met en valeur trois albums de bande dessinée québécoise (BDQ) incontournables.

Sélection du Prix ACBD Québec 2018 : trois incontournables de la BD québécoise
Sélection du Prix de la critique ACBD de la BDQ 2018.
DR.

Le retour de Whitehorse

Les lecteurs de Samuel Cantin l’ont attendue longtemps, cette suite de Whitehorse (il convient d’ailleurs de rappeler que le premier tome de la série s’était également trouvé en lice pour le Prix ACBD Québec, en 2016).

Alors que le premier tome se déroulait entièrement dans les cercles pseudo-artistico-intellectuels de Montréal, ce deuxième tome de Whitehorse se transpose enfin au Yukon, dans une Whitehorse fantasmée aux allures de Far West, où Laura, jeune actrice en vue, doit tourner un faux documentaire sur les caribous réalisé par le monstrueux Sylvain Pastrami. Après avoir été laissé par Laura, l’écrivain en devenir Henri Castagnette apprend qu’il est atteint du syndrome de la tortue, une maladie qui le condamne à d’atroces souffrances. Accompagné de son meilleur ami Diego, Henri s’envole alors en deltaplane vers Whitehorse, déterminé à reconquérir Laura avant de mourir.

Plus encore que le premier tome, cette deuxième partie est portée par la force et le rythme de ses dialogues. Présentés dans mélange jouissif de joual et de franglais, ces échanges verbeux portent en eux l’humour absurde et malaisant de Cantin. Seul récit de fiction de cette sélection 2018, Whitehorse en impose par son côté grande aventure et ses multiples rebondissements.

Samuel Cantin, Whitehorse : Deuxième partie, Pow Pow.
DR.

Vogue la valise, l’enfance trouble de Siris

Auteur vétéran de la BDQ et figure emblématique du fanzinat des années 1980-90, Siris, alias la Poule, a su toucher le grand public avec cette édition intégrale de Vogue la valise (une première partie ayant été publiée par La Pastèque en 2011), récit autobiographique de son enfance et de son adolescence passées en famille d’accueil.

Après avoir été arraché à sa mère, une femme aimante qui n’avais pas les moyens de s’occuper de ses nombreux enfants, la Poule – l’alter ego de Siris – vogue d’un foyer nourricier à l’autre avant d’atterrir chez les Troublant, où il passera près de 10 ans. La Poule devient alors rapidement le souffre-douleur de Ti-Bourlet, le fils des Troublant, en plus de faire figure de Cendrillon auprès de ses parents d’accueil. Piètre élève, la Poule se tournera vers le dessin, la musique et le patinage à roulettes disco pour s’évader, en attendant la liberté que lui procurera sa majorité.

Si l’auteur avoue que la bande dessinée « lui a sauvé la vie », Vogue la valise ne tombe pas dans le misérabilisme pour autant. L’ouvrage, malgré son regard critique, reste porteur d’espoir pour les survivants du système d’aide à l’enfance [2].

Vogue la valise a d’ailleurs connu une sortie remarquée, remportant notamment le Grand Prix de la Ville de Québec 2018 (Meilleur album de langue française publié au Québec par un auteur canadien) lors du dernier Festival Québec BD.

Siris, Vogue la valise : L’intégrale, La Pastèque.
DR.

Moi aussi je voulais l’emporter : Delporte, la « gentle warrior »

Julie Delporte se pose d’emblée la question : « À quel âge ai-je commencé à me sentir flouée d’être une fille ?  ». Inspirée au départ par le parcours hors norme de la bédéiste finlandaise Tove Jansson, l’auteure pose ici un regard cru sur la pratique artistique, la violence sexuelle, la construction du genre, la représentation et l’instrumentalisation des femmes (au cinéma, dans la peinture), ainsi que la parole féminine et féministe.

À mi-chemin entre le journal intime et l’essai sociologisant, Moi aussi je voulais l’emporter est un ouvrage d’autofiction réfléchi et sans compromis. Raconté à l’aide du vocabulaire graphique si particulier de l’artiste (usage brouillon du collage et de la rature, recours systématique au crayon de couleur), le trait faussement naïf se trouve ici en décalage avec la gravité du propos, conférant ainsi à Delporte une voix narrative unique.

Confrontant, angoissant, déstabilisant, mais en aucun cas moralisateur, Moi aussi je voulais l’emporter propose une réflexion politique actuelle, nécessaire et salutaire. Il ne fait aucun doute que Delporte, qui se décrit comme une « gentle warrior » (douce guerrière), nous livre ici son album le plus achevé.

Julie Delporte, Moi aussi je voulais l’emporter, Pow Pow.
DR.

Le prix de la critique ACBD de la bande dessinée québécoise a pour objectif de « soutenir et mettre en valeur, dans un esprit de découverte, un livre de bande dessinée, publié en langue française, à forte exigence narrative et graphique, marquant par sa puissance, son originalité, la nouveauté de son propos ou des moyens que l’auteur y déploie ». Les trois albums finalistes ont été sélectionnés parmi 86 ouvrages publiés par des auteurs québécois entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2018. L’édition 2018 de la remise de cette récompense aura lieu le 16 novembre prochain, dans le cadre du Salon du livre de Montréal.

(par Marianne St-Jacques)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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[1L’auteure de ces lignes est membre de l’ACBD et coordonnatrice du Prix de la critique ACBD de la bande dessinée québécoise 2018.

[2Dans une interview accordée à ActuaBD en avril 2018 dans le cadre du Festival Québec BD, Siris émettait les commentaires suivants au sujet de Vogue la valise : « J’aimerais toucher des gens qui ont vécu un peu la même chose que moi. Cela peut faire un baume, les sortir de ce vécu. Cela peut aussi montrer qu’il y a de l’espoir, qu’on ne peut pas se laisser abandonner. La BD m’a sauvé la vie. »

 
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