Shahidas T2 - Par Galandon et Volante - Editions Bamboo

Dans Shahidas, dont la conclusion vient de paraitre dans la collection Grand Angle,Laurent Galandon décortique non seulement les mécanismes conduisant des jeunes femmes à se sacrifier pour la cause islamiste mais aussi les conséquences plus intimes pour chacun des protagonistes.

Après avoir planté le décor dans l’Égypte contemporaine autour du personnage complexe mais finalement attachant de l’inspecteur Mahmoud Sarraj, les auteurs nous entraînent sur les traces de ces nouveaux terroristes formatés par une croyance aveugle en une nouvelle Jihad.

Ce qui au départ ressemblait à une banale affaire d’adultère va très vite conduire le modeste policier au cœur du terrorisme kamikaze. De nationalité égyptienne (mais d’origine palestinienne), il constatera que même les êtres qui lui sont les plus chers sont directement impliqués dans cet engrenage .

Dans ce deuxième épisode, il retrouve sa femme (elle-même engagée comme kamikaze) après un difficile périple en Cisjordanie. Sa propre fille Yasmina est manipulée par un grand-père totalement acquis aux thèses extrémistes. Enfin, le policier fait la cruelle expérience de l’abandon par sa hiérarchie, plus ou moins corrompue... Un ensemble de faits qui bouscule sacrément les repères de ce "héros" ordinaire plongé malgré lui au cœur des conflits et des contradictions qui secouent le Moyen-Orient depuis un demi-siècle.

Le récit démontre avec une belle efficacité les différentes ramifications d’un phénomène qui gangrène toute la société égyptienne, alors même que celle-ci est aujourd’hui tourneboulée par le "Printemps arabe", survenu après la conception de ces pages. Du petit délinquant en mal de repère à l’universitaire érudit et promoteur d’un islam radical, personne ne semble à l’abri !

Aidé par la fluidité du graphisme de Frédéric Volante, Laurent Galandon impose à cette histoire un rythme de thriller particulièrement efficace sans pour autant négliger un message humaniste et militant en faveur de la tolérance et du « vivre ensemble ». C’est particulièrement vrai avec quelques beaux portraits de personnages secondaires comme le frère du héros militant palestinien converti à la tolérance et au pacifisme ou le petit peuple du Caire que Sarraj croise régulièrement. Des portraits bien différents des clichés servis par l’actualité.

L’exploitation cynique de causes politiques ou religieuses ne fait pas que des dégâts sanglants et spectaculaires. Avec ce diptyque, Galandon nous rappelle que le terrorisme et ses conséquences brisent aussi les individus… psychologiquement.

Aux prises avec leurs difficultés quotidiennes ou sentimentales, bousculés dans leurs repères, ces personnages apparaissent dans toute leur humanité. Un parti-pris loin des discours stéréotypés ou des clichés faciles qui donne toute sa crédibilité à un récit qui, une fois de plus, associe habilement une réflexion sur un sujet brûlant à une intrigue haletante et passionnante.