C’était gros comme un poisson et, de fait, Le Monde daté du 2 avril paraît le 1er avril : Philippe Val serait nommé par l’Élysée à la tête de la radio nationale France Inter : « Selon le site Internet du Nouvel Observateur, l’Élysée aurait […] choisi le futur dirigeant de la station de radio. Il s’agirait du directeur de la publication de Charlie Hebdo, Philippe Val, qui remplacerait Frédéric Schlesinger. "L’Élysée a tenu à faire savoir dès cette semaine quel était son choix pour Inter", rapporte l’article, sans toutefois citer de sources. ».
Aussitôt, la machine médiatique s’emballe et les journalistes tentent de recouper l’information. Jean-Luc Hees, qui doit passer devant le CSA pour prendre la direction de Radio France est un ami de longue date de Philippe Val analyse Le Point qui ajoute que l’Élysée voit là une occasion de remercier l’éditorialiste pour avoir licencié Siné l’été dernier.
Malheureusement, Val est en vacances en Égypte. Avec Robert Badinter et Richard Malka, précise Le Journal du Dimanche qui, en dépit d’un démenti assez mou et même carrément ambigu de l’intéressé à l’AFP, fait remarquer qu’il serait prudent d’attendre ses explications qui ne manqueront pas d’être publiées dans le prochain Charlie Hebdo.
Siné jubile. En parodiant la une de L’Hebdo Hara Kiri publié à la mort de De Gaulle, interdit par le pouvoir et qui avait été l’acte fondateur de Charlie Hebdo, il ose ce jeu de mots : « Val tragique à l’Elysée ». Siné boit du petit lait : La complaisance de Val vis-à-vis du pouvoir et de Sarkozy en particulier éclate enfin au grand jour, semble-t-il penser. Le départ du courtisan Philippe Val pour la radio est la preuve que Charlie Hebdo n’a été qu’une étape pour servir son ambition sans limite. Le mort dans cette tragédie, c’est Charlie Hebdo.
On se souvient que Siné a de bonnes raisons pour en vouloir à Philippe Val [1]. Viré l’été dernier de Charlie Hebdo pour avoir publié dans son éditorial une rumeur qui prêtait à Jean Sarkozy une conversion au judaïsme afin de pouvoir épouser l’héritière de Darty, une chronique taxée d’antisémitisme par Claude Askolovitch (qui a gagné son procès contre Siné) puis assignée devant le tribunal par la LICRA pour la même qualification (portant également sur un autre article ; ici, c’est Siné qui a été relaxé), Siné avait décidé de fonder son propre journal, Siné Hebdo, avec un certain succès, il faut bien le dire.
Désireux de faire rendre gorge à son rival, Siné annonce donc la nomination de Philippe Val à la une. A l’intérieur, en page 7, Claude Legrand s’emploie à dévoiler les coulisses de cette nomination. Le problème, c’est que cette information est fausse.
Poisson d’avril ?
Le Monde le confirme aujourd’hui. Surtout, dans Charlie Hebdo, Philippe Val dément : « Je n’étais pas parti depuis quatre jours que la rumeur parisienne m’a rattrapée sur les bords du Nil[…]. J’apprenais que certains avaient eu l’amabilité de me promettre à des fonctions pharaoniques dans une station chère à mon cœur[…]. J’imagine que les relations amicales et professionnelles notoires que nous entretenons, Jean-Luc Hees et moi, depuis bientôt 20 ans les ont conduits à cette conclusion un peu hâtive. A ce jour, ils en savent plus que nous, et nous les en félicitons. »
Siné a-t-il été victime d’un énorme poisson d’avril ou y-a-t-il baleine sous le gravillon et la non-nomination –provisoire ?- de Philippe Val cache une autre attribution, autrement plus importante ? Secrétaire général de l’Élysée ? Ambassadeur au Vatican ? Réponse dans les prochaines semaines dans les publications respectives des frères ennemis de la presse satirique française.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Siné Hebdo N°31, en kiosque.
[1] Lire notre dossier à ce sujet : Siné contre Charlie Hebdo.
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